Au début des années 60, la population active est majoritairement masculine, plutôt ou-vrière et peu qualifiée. Les contrats de travail sont essentiellement à durée indéterminée et à temps plein. Le plus souvent, seul le chef de famille exerce une activité hors du domicile. Aujourd’hui, les rythmes de travail sont différents, les périodes d’emploi alternent avec des périodes de chômage. L’emploi s’est féminisé, qualifié et urbanisé. En outre, les activités sont majoritairement tertiaires et le travail à temps partiel s’est accru. Les fluctuations conjoncturelles de l’économie ont conduit les entreprises à utiliser les emplois temporaires pour ajuster leur activité au détriment de l’emploi des jeunes. Le statut d’ouvrier est progressivement remplacé par celui d’employé avec le développement des services et des activités touristiques, même si l’activité industrielle résiste bien au Pays Basque. L’enseignement supérieur s’est dé-veloppé et concrétise à présent la volonté de réunir le monde de l’enseignement avec la réalité des entreprises du Pays Basque. Les problématiques de foncier sont cruciales dans l’équilibre à venir entre les activités économiques et le parc résidentiel, compte tenu des perspectives d’évolution de la population.
Cinq chapitres vont identifier et expliciter les principales mutations de l’emploi et des activités au Pays Basque sur les 40 dernières années, de 1968 à 2008. Evolution comparée de la population active, tertiairisation des activités, niveaux de qualification et statut des emplois sont issus des données recueillies des recensements généraux de 1968, 1975, 1982, 1990, 1999, 2006 et estimations 2007. En outre, chaque fois que cela est jugé pertinent une comparaison des évolutions est établie avec le Béarn et l’Aquitaine. En complément à ces données nous nous sommes appuyé sur les rapports établis par la CCI de Bayonne Pays Basque de 1971 à nos jours.
En 1968, 218.099 habitants étaient dénombrés au Pays Basque pour 50.064 actifs dont 70% étaient des hommes. Quarante ans plus tard, en 2006, le territoire compte 281.870 habitants et 100.459 actifs répartis équitablement entre hommes et femmes. Comparativement, la population totale a augmenté de 29.2% sur la période alors que la population active s’est envolée avec des effectifs multipliés par deux (+100.7%).
Alors que la population totale augmente de près de 30% en 40 ans, la population active du Pays Basque a doublé en 40 ans tandis que l’Aquitaine et le Béarn augmentaient respectivement leur population active de 89.4% et de 82.3%.
Sur la même période, le Pays Basque qui affichait un léger décalage en taux de population active (23% en 1968 contre 24% en Béarn et en Aquitaine) se hisse aux niveaux du Béarn ou de l’Aquitaine pour atteindre 35.6% en 2007.
Comme le montre ce tableau, les progressions ne sont pas linéaires. Ainsi, alors que le Pays Basque affichait un rythme de progression de la population active sur les 15 premières années moindre que celui de ses voisins, un basculement s’opère à partir des années 1980. Il est mesuré lors du recensement de 1990, où le nombre d’actifs augmente dans des proportions dépassant les valeurs enregistrées par le Béarn et l’Aquitaine. Indéniablement, la croissance démographique locale, depuis les années 1980, est largement nourrie par une progression très forte de population active, signe d’une très grande vitalité économique des entreprises qui profite au Pays Basque.
Pour autant, les générations se succèdent mais sous l’effet des différentes crises économiques, l’accès à l’emploi devient plus difficile, témoin d’une rupture de l’équilibre entre offre et demande. On dénombre 91.279 actifs ayant un emploi en 2006, contre 49.252 en 1968.
En 1968, 2% des actifs du Pays Basque seulement étaient à la recherche d’un emploi, ils sont 9% en 2006 après avoir atteint des niveaux de 12% en pleine crise de 1999. En 40 ans, alors que le nombre d’actifs a doublé, le nombre de chômeurs a été multiplié par 10!
Tout comme en Aquitaine et dans les Pyrénées-Atlantiques, la proportion d’actifs ayant un em-ploi a baissé entre 1968 et 2006, de 98% à 91% même si en nombre le volume d’actifs occupés a doublé (+100.7%) contre +89% en Aquitaine et dans les Pyrénées-Atlantiques.
Seconde tendance lourde sur l’emploi
et l’activité: féminisation soutenue
des employs
Le nombre de femmes dans la population active a plus que triplé entre 1968 et 2006, alors que le nombre d’actifs hommes a progressé de 47.6%. Autrefois restreintes à la sphère domestique, les femmes accèdent désormais à des emplois en dehors du domicile.
En 1968, 30% des actifs étaient des femmes, alors qu’en 2006 elles représentent quasiment la moitié des actifs (48%). Notons surtout que l’augmentation du nombre des actifs entre 1968 et 2006 résulte à 66.8% de la féminisation des emplois.
De ce point de vue également, le rattrapage avec l’Aquitaine a été amorcé à partir des années 1990, pour atteindre la moyenne rgionale en 2006.
A n’en pas douter, les trajectoires de tertiairisation particulièrement favorables à l’emploi féminin se confirment sur les années suivantes.
Troisième tendance lourde sur l’activité : tertiairisation prédominante
Aujourd’hui, le tertiaire regroupe 75% des actifs du Pays Basque, l’industrie et le bâtiment 20 % et l’agriculture 5 %.
Le secteur tertiaire se consolide dès lors que trois ingrédients se combinent: la croissance démographique qui fait émerger de nouveaux besoins à satisfaire pour les populations résidentes, l’attractivité touristique qui accentue la création et le développement de services pour des usagers non résidents, enfin l’externalisation de fonctions considérées comme périphériques aux activités productives. Ces dernières, soucieuses de se recentrer sur leur métier de base ont fait appel à la sous-traitance pour leurs besoins qu’il s’agisse de la maintenance, du transport, de l’entretien, de la restauration, du recrutement de personnel temporaire ou des services de gestion.
Ce n’est pas un phénomène local mais plutôt une orientation économique qui affecte la plupart des pays occidentaux, lesquels ont massivement désinvesti les domaines de l’économie traditionnellement productive (agriculture et surtout industrie).
Déjà, en 1968, le secteur du tertiaire au Pays Basque (48% des actifs) était déjà plus important qu’au niveau régional (45%) et départemental (43%), voire qu’à l’échelon français. Cette différence s’explique aisément par la forte présence de l’activité touristique du Pays Basque mais également de plusieurs points de frontière avec l’Espagne qui conférait des services de douanes et de transit.
En 1968, le secteur secondaire était très représenté par les activités liées au bâtiment, même si le Pays Basque présentait des activités industrielles diversifiées. Rappelons que ce secteur employait 15.712 personnes, soit 32% des actifs. A cette époque, les industries agro-alimentaires étaient dominantes avec notamment les entreprises de conserverie de poissons. Les industries du cuir comptaient environ 60% des effectifs des industries manufacturières. A l’inverse, les industries du textile et de l’habillement étaient peu représentées par rapport à la moyenne nationale. L’industrie des métaux était et reste importante avec des entreprises aéronautiques ou spécialisées sur le travail de l’inox. Bien que largement diversifiée grâce à une présence dans de nombreux domaines d’expertise, l’industrie du Pays Basque présentait d’indéniables faiblesses comme le manque de personnel d’encadrement spécialisé, l’orientation trop marquée sur les activités de montage et d’assemblage au détriment de la conception et de la mise en marché, enfin le déficit de zones d’accueil.
De nos jours, précisément grâce à cette diversité dans les métiers industriels qui agit comme amortisseur de crise et grâce à la dynamique démographique qui stimule la construction, l’industrie et le BTP résistent bien: 17.738 emplois sont dénombrés en 2006 soit une hausse de 13% depuis 1968. Comparativement, l’Aquitaine n’enregistre qu’une progression de 10% des effectifs de l’industrie et du BTP sur la même période.
Le nombre d’actifs travaillant dans le secteur de l’agriculture a baissé de 52% entre 1968 et 2006. A l’inverse, 13% d’actifs supplémentaires se sont comptabilisés dans le secteur secondaire et le nombre d’actifs dans le secteur tertiaire a progressé de 192%.
Le poids économique des fonctions productives (agriculture + industrie + btp) est passé de 52% à 25% en 40 ans, alors que le nombre d’emplois consolidé a légèrement décru passant de 25.184 emplois à 22.301, soit une perte de 2.883 emplois sur cette même période.
Nb/ Les actifs pris en considération pour l’analyse des secteurs économiques sont les habitants du Pays Basque qui travaillent au Pays Basque. Autrement dit, sur 100.459 actifs recensés en 2007, seuls 90.659 travaillent au Pays Basque, soit une «évasion d’actifs» de 9.800 postes, certainement compensée par des actifs de territoires extérieurs qui viennent travailler ici.
Quatrième tendance lourde sur les catégories socioprofessionnelles (CSP) : qualifications en hausse continue et redéploiements majeurs
L’analyse des catégories socioprofessionnelles permet d’identifier plusieurs faits marquants: le nombre d’actifs est multiplié par deux mais les taux de croissance par catégories ne sont plus homogènes ni répartis comme le montre le tableau suivant.
Sur 40 ans, la catégorie la plus touchée est la profession d’agriculteur avec une réduction du nombre d’actifs qui perd 4.222 emplois. Dans le même temps, les employés passent de 10.200 emplois en 1968 à 32.234 soit une croissance de 316%! Mieux encore, la catégorie professions intermédiaires croît de 373%! Enfin, en 1968, 5 catégories sur 6 dépassent les 13% alors qu’elles ne sont plus que 3 en 2007.
En 1968 comme en 2007, la population active agricole est proportionnellement conforme aux moyennes départementale et régionale. En 1968, 16% de la population active est agricole au Pays Basque contre 17% dans les Pyrénées-Atlantiques et 18% en Aquitaine. Par contre, sur la période 1968-2007, la perte de 12.951 actifs dans la catégorie agriculture dans les Pyrénées-Atlantiques est imputable à 67.4% à la déprise en Béarn (soit 8.729 actifs perdus contre seulement 4.222 au Pays Basque).
La proportion relativement importante d’artisans, commerçants, chefs d’entreprise peut s’expliquer par un nombre important d’entreprises individuelles de type familial, d’artisans et de commerçants: 13% en 1968 contre12% pour les territoires de comparaison. Cet écart est toujours d’un point en faveur du Pays Basque en 2006 (8%). En termes d’évolution, et malgré une contraction globale significative sur la période le Pays Basque est resté dynamique, puisque le nombre d’actifs de cette catégorie a progressé de 21% entre 1968 et 2006 alors que l’Aquitaine constate une hausse de seulement 11%.
Loin d’être en retard, le Pays Basque affichait déjà en 1968, un taux de 5% de cadres et professions intellectuelles supérieures à l’identique des autres territoires de référence. Cette catégorie a connu une progression importante, similaire à celle de l’Aquitaine (+426% entre 1968 et 2006, contre +428% en Aquitaine et +376% en Béarn). Elle représente aujourd’hui 11% des actifs en 2006 en Pays Basque.
Les professions intermédiaires représentaient 13% des actifs en 1968, elles pèsent 24% en 2006 contre 25% sur les autres territoires. Leur évolution est moins marquée au Pays Basque qu’en Aquitaine, +373% contre +409% en Aquitaine.
Les employés représentent 20% des actifs en 1968 au Pays Basque, proportion conforme à celle de l’Aquitaine. L’évolution de cette catégorie sur la période est de +316% contre +285% en Aquitaine. Au global, ils représentent 32% des actifs contre 30% en Aquitaine. Là encore, les marques de la tertiairisation de l’économie sont visibles.
Enfin, la catégorie ouvriers croît à un taux de 30%, à l’identique de la moyenne régionale. Cependant le poids global de cette catégorie baisse significativement, en perdant 10 points, conformément à la trajectoire régionale et dé-partementale.
Après les catégories professionnelles, examinons les niveaux de formation.
Dans les années soixante, 44% des actifs étaient sans diplôme (contre 33% dans les Pyrénées-Atlantiques). En 2006, le Pays Bas-que ne compte que 12% de sa population active sans diplôme alors que l’Aquitaine en comptabilise 16%.
C’est en 1970 que l’enseignement supérieur apparaît en Pays Basque avec l’Institut d’E-tudes Juridiques et Economiques. En 1971, la CCI Bayonne Pays Basque insistait déjà sur la nécessité «d’établir une liaison permanente entre le monde de l’enseignement local et celui de l’économie locale» et de développer les filières techniques en réponse aux besoins du territoire. Depuis, l’EGC, l’école de gestion commerciale a développé ses activités auprès de 150 étudiants, l’école d’ingénieurs de l’ESTIA a vu le jour et aujourd’hui 500 étudiants de tous horizons viennent se former chaque année sur la zone d’Izarbel. Et de nombreuses autres initiatives ont connu des progressions fortes autour de l’IUT de Bayonne, de l’UPPA, de l’ISA BTP, du lycée Cantau, du lycée hôtelier ou d’établissements techniques dispensant des BTS et des formations supérieures.
Le renforcement de l’offre locale de formation a contribué à ce que la proportion de personnes actives ayant un diplôme de niveau supérieur ou égal au bac soit passée de 23 % à 77 % entre 1968 et 2006. Désormais, il n’y a plus de différence notable entre le niveau de formation des actifs du Pays Basque et celui des actifs de l’Aquitaine.
Cinquième tendance lourde sur le statut
des actifs: généralisation du salariat mais éclatement des formes statutaires
En 2006, 49% des CDI au Pays Basque sont détenus par des femmes. Les CDD sont détenus à 61% par des femmes, alors que l’intérim est plutôt réservé aux hommes (72% des salariés en intérim).
Le nombre de salariés à temps partiel représente 19.8% du nom-bre de salariés total en 2006 (contre 21.9% en 1999). La majorité des salariés à temps partiel sont des femmes (83% des salariés à temps partiel).
Pour cet aspect de l’analyse, nous ne disposons pas de données précises antérieures à 1998 relatives au Pays Basque. Par ail-leurs, la zone d’emploi de Bayonne intègre une partie du sud des Landes mais exclue la Soule.
Si la progression globale est de 14.6% sur la période, le statut de salariés croît de + 17.8% alors que le nombre de non salariés se maintient au niveau de 1998. Force est de constater que certains secteurs sont quasi stables (agriculture et industrie) tandis que le bâtiment consolide ses positions avec + 37.4% et le tertiaire marchand progresse de +23.6%.
Enfin, comme au niveau national, la montée du salariat est constatée au Pays Basque puisque le taux progresse de 83.1% en 1998 à 85.4% en 2007 sachant que le secteur tertiaire marchand et non marchand pèse à lui seul 79.5% des emplois salariés.
Cependant la mesure des données relatives met en évidence que l’industrie baisse de près de 2.7 points essentiellement au profit du tertiaire marchand qui gagne 2.3 points.
Parallèlement à l’évolution du salariat, l’emploi prend différentes formes même si 85% des salariés du Pays Basque sont en con-trats à durée indéterminée, valeur supérieure à la moyenne nationale (82.7%).
Trajectoires du Pays Basque en 2040 ?
Au regard des évolutions passées et des caractéristiques structurelles de la population depuis 1968, et supposant que les tendances humaines qui poussent inexorablement vers la littoralisation, la métropolisation, et l’héliotropisme se confirment durablement, le Pays Basque pourrait compter une population d’environ 335 000 habitants en 2040, soit +19% par rapport à 2007.
La population active y serait constituée de 145 000 individus en 2040, soit +45 % par rapport à 2007. De même, si le chômage ne se résorbe pas, la population active ayant un emploi serait de l’ordre de 130.000 personnes. Toujours selon ces projections, la tertiarisation s’accroît encore pour peser 85% des activités globales, l’industrie/btp se stabilisant à 13%, laissant l’agriculture à moins de 2%.
S’agissant d’extrapolation, ces trajectoires sont à apprécier avec beaucoup de discernement. Heureusement, il restera toujours aux hommes la responsabilité de projeter, bâtir et consolider le Pays Basque.
Peio Olhagaray