Sans surprise, une proposition de loi visant à financer l’enseignement immersif des langues régionales a été écartée, ce mois de janvier au parlement. Un coup en douce des socialistes, pour un projet porté par un député écologiste, qui a suscité une réaction vive de la part du président du MRC, Jean-Luc Laurent. Une sortie qui en dit long sur l’état d’esprit qui entoure encore l’article 2 de la constitution et une certaine vision du monde avec laquelle il faut encore composer.
Il y a donc des paranoïaques partout. Celui–ci s’appelle Jean-Luc Laurent, il est député du Val de Marne, président du Mouvement républicain et citoyen (MRC) de Jean-Pierre Chevènement et pense simultanément que nous sommes “des dingues” et que les langues régionales menacent le français.
“Hier soir, j’ai siégé pour repousser in extremis une proposition de loi permettant le financement d’un enseignement total en langues régionales. Ses promoteurs disent ‘en immersion’, parlent de ‘bilinguisme’ mais il s’agit d’écoles où toutes les matières seraient exclusivement enseignées dans une langue régionale, le français comme une première langue vivante… étrangère dans son propre pays” raconte ce preux chevalier. Dans un texte, fort justement intitulé “Bienvenue chez les dingues”, ce député aux trois prénoms n’a pourtant pas rêvé ce combat “in extremis” et a bien bouté hors de France une authentique proposition de loi visant à encadrer l’enseignement des langues régionales et leur promotion dans l’espace public.
Chez les vrais fous, le fou est toujours l’autre.
L’épée à la main et le dragon en fuite, Jean-Luc Laurent n’en revient pas et a “beaucoup de mal à croire que la priorité linguistique ne soit pas l’apprentissage des langues d’Europe et du monde.” Mieux, dans une ultime convulsion, fébrile et déjà confuse, il estime que “un euro dépensé en faveur des langues régionales du monde, l’italien ou coréen par exemple, me semblera toujours plus utile qu’un euro dépensé en faveur du gallo ou du basque.” Comme si ces idiomes étaient exclus des “langues régionales du monde”. Et que nos gamins allaient se mettre au coréen, enfin touchés par la raison.
Bienvenue chez les dingues
Certes, ce monsieur Laurent aurait mieux fait de tourner sept fois sa langue unique dans sa bouche, avant de l’ouvrir. Ce député, qui croit aux dragons des langues régionales, devra un jour se demander comment défendre sa propre langue sans rejeter ses propres arguments et mesurer en quoi quelques milliers de basques, qui parlent basques entre eux et français avec lui, constituent une menace face à l’anglais, au chinois et pourquoi pas au coréen. Mais ce que nous enseigne pourtant cet élu lointain, adhérant forcené du club des jacobins, c’est qu’en 2016, nous en sommes encore là dans le débat. “Le bilinguisme et la co-officialité sont des pièges mortels que nous risquerions de payer très cher dans dix ou trente ans” vaticine le chevènementiste après avoir brandi le sacro-saint article 2 de la constitution qui n’autorise qu’une seule couleur aux langues de la République.
L’avantage, c’est que dans ce sillage, on n’a pas fini de rigoler en écoutant à Bayonne des parents d’élèves interroger solennellement : “A quoi ça lui servira le basque s’il trouve du travail en Allemagne ?” L’inconvénient, c’est que si un député se permet un tel ramassis de préjugés foireux à l’endroit des langues de l’hexagone, c’est que les couloirs qu’il fréquente bruissent d’acquiescement et d’une même vision torve.
Si un député se permet
un tel ramassis de préjugés foireux
à l’endroit des langues de l’Hexagone,
c’est que les couloirs qu’il fréquente
bruissent d’acquiescement
et d’une même vision torve.
On en est là et ce n’est plus étonnant que le gouvernement socialiste ait malencontreusement échoué à ratifier la charte européenne des langues régionales et minoritaire. Et pas plus étonnant que cette nuit du 14 janvier, la proposition de loi relative à l’enseignement immersif des langues régionales et à leur promotion dans l’espace public et audiovisuel, portée par le député écolo et bretonnant Paul Molac, ait échoué. Pour une seule voix et une manoeuvre socialiste d’intégration de quatre pouvoir au vote. Dont deux députés socialistes occitans qui ont brutalement renoncé à mettre en pratique leurs beaux discours. Et aucun député basque présent dans l’hémicycle. La député Colette Capdevielle s’en est expliqué en dénonçant la mauvaise préparation de cette proposition de loi. Il n’empêche que si le bilinguisme contenait encore toutes les peurs et les fantasmes que résume l’article 2, il n’en aurait pas été autrement. “Aufmerksamkeit auf dem Drachen”, comme disent les allemands qui croient aux dragons.
Pour aller plus loin, Enbata.info vous propose :
* « Quand 28 est égal à 4″ – Cette arithmétique nouvelle c’est celle de l’Assemblée Nationale quand elle vote sur les langues régionales. La manoeuvre qui a eu lieu dans la nuit de jeudi 14 janvier au vendredi à l’Assemblée Nationale est bien triste. Alors que se discutait en séance une proposition de loi sur les langues régionales présentée par le député Paul Molac, ce texte a été rejeté par le vote des députés socialistes. www.enbata.info/articles/quand-28-est-egal-a-24
* « Au lendemain du vote à l’Assemblée nationale de la proposition de loi relative à l’enseignement immersif des langues régionales et à leur promotion dans l’espace public, j’ai souhaité adresser une lettre que vous trouverez ci-dessous, à Messieurs Armand Jung et Paul Molac,Co-Présidents du Groupe d’étude sur les langues régionales à l’Assemblée nationale. » www.colettecapdevielle.fr/2016/6234
* http://david-grosclaude.com/2016/01/23/monsieur-le-depute-vous-manquez-de-classe
* http://david-grosclaude.com/2016/01/19/quauques-letras-indignadas-quelques-lettres-dindignation
* www.bfmtv.com/mediaplayer/video/gilles-simeoni-face-a-jean-jacques-bourdin-en-direct-737442.html
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