Souveraineté(s) : quelles priorités ?

Herribiltza vient de publier dans Argia et Mediabask une réaction au document “Euskal Herri Burujabe : reprendre possession des conditions de nos vies” que Bizi avait publié… en 2018. Selon cette organisation, “le mouvement Bizi donne un faux sens au mot Burujabe”. En s’appuyant sur la traduction basque-français d’Elhuyar et sur la définition du dictionnaire le Petit Robert, Herribiltza estime que “Le vrai sens de Euskal Herria Burujabe c’est Le peuple basque indépendant, Le peuple basque souverain”.

En suivant cette logique, la “souveraineté alimentaire” popularisée par Via Campesina dès 1993 se réduirait à “l’indépendance alimentaire” ? Ce serait un lourd contresens : la “souveraineté alimentaire” repose sur la reconnaissance, pour chaque population, chaque État ou groupe d’États, du droit à se donner les moyens de produire leur propre nourriture aux conditions qu’ils choisissent en toute autonomie, et ce à travers les politiques agricoles qui leur semblent les mieux adaptées sans que cela puisse avoir un effet négatif sur les populations d’autres pays. Cette notion de “souveraineté alimentaire” a émergé en opposition à l’organisation des marchés agricoles promue par l’OMC… et malheureusement implantée par bien des États “indépendants”.

Dans la lignée de cette définition de la souveraineté alimentaire, Bizi entend défendre les déterminants principaux de toutes les conditions de nos vies, c’est-à-dire ce dont nous dépendons aujourd’hui pour nous loger, nous chauffer, nous nourrir, nous déplacer, et plus largement nous construire en tant que personnes au sein d’une communauté humaine porteuse d’un sens collectif. Il s’agit de construire aujourd’hui des territoires capables de nous accueillir et de nous nourrir toutes et tous, ainsi que celles et ceux qui nous succéderont. C’est cette reprise de possession des conditions de nos vies que nous appelons souveraineté.

Est-ce que Bizi ferait mieux de “mettre son énergie au service de la souveraineté institutionnelle” comme l’y invite Herribiltza ? Évidemment, la centralisation et la concentration des pouvoirs en une capitale étrangère à bien des aspects de notre réalité vécue n’est bien sûr pas la meilleure solution pour défendre les conditions de nos vies, nos souverainetés. Mais, honnêtement, il n’y a pas non plus de raison de penser que la souveraineté institutionnelle de territoires plus réduits comme Euskal Herri soit meilleure a priori. Pourrons nous dire dans 20 ans que nous aurons bien employé notre énergie si nous l’avons dépensée à obtenir l’indépendance d’Euskal Herri mais que ce nouvel État est un paradis fiscal où plus personne ne parle basque, que son agriculture est non durable et ne fournit toujours pas le quart des besoins de la population, qu’il reste dépendant du pétrole, que sa culture s’est folklorisée pour le plus grand plaisir de touristes qui ont complètement expulsé les habitant.e.s des centres villes, etc. ?

Pour le Petit Robert, un tel État serait souverain. Pas pour Bizi. Mais cela ne veut évidemment pas dire que la souveraineté institutionnelle n’est pas pertinente pour nous. Si nous définissons collectivement un projet de souveraineté alimentaire, énergétique, culturel etc. basé sur un affranchissement des faux besoins et une soutenabilité environnementale, ce serait dommage de ne pas se doter des institutions politiques permettant de lui donner corps à la manière, par exemple, de Laborantza Ganbara qui agit au service d’un projet d’émancipation vis à vis d’un modèle d’agriculture incompatible avec la réalité économique et culturelle d’Iparralde.

Ces points de vue de Bizi sur la souveraineté sont détaillés dans un article intitulé “Souverainisme et souverainetés” publié en 2020 par la Fondation Telesforo Monzon. Nous y expliquons aussi que, au niveau européen, les mouvements dits “souverainistes”, qu’ils soient de droite ou de gauche, partagent une même logique verticale descendante selon laquelle les décisions politiques – et, in fine, les mesures qui seront imposées aux populations – découlent de leur propre conception de la souveraineté institutionnelle. Bizi préfère en revanche s’inscrire dans une logique verticale ascendante : c’est la défense des conditions de nos vies qui doit dicter nos revendications institutionnelles.

C’est pour cela que Bizi travaille à faire en sorte qu’abertzale et non abertzale définissent ensemble un même projet de territoire soutenable et juste pour Euskal Herria. S’ils veulent avoir une chance de rassembler une majorité sociale derrière leur projet institutionnel, les indépendantistes ont tout intérêt à y contribuer ! A l’occasion d’Euskal Herri Burujabe 2023 organisé à Baiona les 7 et 8 octobre, Bizi sortira une version actualisée du document 2018 avec ses propositions pour accélérer la métamorphose écologique et sociale vers un Euskal Herri souverain, soutenable et solidaire. Cette proposition ne demande qu’à être enrichie par les contributions de toutes celles et ceux qui partagent ces objectifs. On se retrouve bientôt à Baiona !

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4 thoughts on “Souveraineté(s) : quelles priorités ?

  1. Voila que Bizi nous sort l argument du paradis fiscal ! Je trouve vraiment pathétique que une organisation Abertzale utilise texto les mémes contre vérité anti-indépendantiste que un certain Alain LAMASSOURE a une époque .
    Donc l objectif de Bizi n est pas de lutté contre la pollution de l air , le trop de CO2 ou de sauvée des hérissons en instaurant le deux roue !
    Mais l objectif est bien de crée le Basque nouveau , sobre et chaste , qui a rejeté le culte de l argent et le productivisme , chasser le Jésus Christ patriarcal , le Apple , le Amazon . Et ce jour la , peut étre , le Basque nouveau , sous la direction d une logique verticale ascendante de Bizi aura mérité d avoir le controle de sont propre pays . Et la , le Basque nouveau sera autoriser a chanter Amish Paradise de Al Yankovic !!!
    Mouvement associatif ou mouvement politique , il faudra un jour faire sont choix , mais le mélange des deux tourne au vinaigre .
    YOUTUBE : Replik – La sociedad está en el momento más estúpido de la historia – Caja Negra
    Magnifique interview d un jeune homme intelligent , prodige de El Quinto Escalon , qui vie dans une Argentine secoué par des crises économiques a répétion , un pays qui rentre dans une terrible bataille éléctoral . Pays ou un libertarien pure souche , associé a une extréme droite risque de conquérir la présidence .

    1. Antton votre commentaire montre parfaitement que vous n’avez absolument rien compris à la logique verticale ascendante dont parle ce papier. Sans parler de ces accusations complètement délirantes que vous enfilez comme des perles dès que de près ou de loin il est question d’environnement. Hau pazientzia behar dena holakoik irakurtzeko! Mais bon, rien de surprenant de la part de quelqu’un qui ne raisonne qu’à travers la lorgnette étroite des calculs électoralistes, et qui nie en bloc l’urgence écologique comme un enfant qui se bouche les oreilles en faisant “LALALA” très fort.
      Allez plutôt discuter avec Patxiku Irisarri de EHNE Nafarroa, il vous expliquera ce que la sécheresse a fait à la production agricole de Navarre cette année, ça vous remettra les idées en place.
      Courage aux jeunes de Bizi, malheureusement il ne manque pas d’hommes de ma génération qui suscitent en moi ce sentiment qu’on appelle auzolotsa.

      1. Merci , mais je n est pas besoins de discuter avec Patxiku pour connaitre la réalité agricole de mon propre pays . L Espagne et la Navarre continue leur fuite en avant . Avec une logique Franquiste en ceux qui concerne la gestion de l eau et la lutte contre la sécheresse par l irrigation . Cela va de l installation de colonie agricole franquiste a Murelukunde , Exea , Tauste . La construction de grand canal , de méga barrage ( Yesa/Esa , Mediano , Grado , Itoiz , et le future projet de doublé ou de triplé la capacité de Yesa/Esa ) par la puissante Confédération Hydrologique de l Ebre , organisme opaque , mafieux , clientéliste et qui aime bien recyclé les élus du PP . Ceux qui on un peu de mémoire savent combien la bataille a été dure contre Miguel Sanz et sont gaspillage d argent et les promesses d une navarre verte et productive . Et maintenant les résultat sont mauvais , et pour les agriculteurs qui irriguent aussi , parce que l eau n est pas gratuite !! Si la Navarre veut améliorer la situation , c est toujours possible . il suffit pour cela d augmenter le taux de matière organique du sol . Rotation de culture , emploi de fumier ou débris végétaux , planter des arbres autour des parcelles , planter des forets de feuillus dans toutes les zones libres . En Pays Basque Nord on trouve des milliers d hectares de fougère aigle mal exploité . Une foi couper , sécher , transporter et étaler sur des terrains semi désertique au sol nue , cette fougère se transforme en éponge a eau aprés une averse ou un orage . Se sont des millions de litre d eau qui ne ne seront pas perdue avec le ruissellement . L érosion des sols sera grandement diminuer et les inondations moins catastrophique . Avec peu de moyens des millions d hectares de terres désertiques ou semi désertiques peuvent devenir vert et boiser et ainsi capturer énormément de CO2 .
        Un peu de musique pour donner courage aux jeunes de Bizi victime d éco anxiété . Je trouve cela triste .
        Youtube : Ska-P – Mis Colegas (Videoclip)

        1. Quand vous voulez vous dites des choses intelligentes. Je partage tout à fait les constats que vous faites ici, et qui rejoignent d’ailleurs ce que crie Bizi sur tous les toits depuis au moins 10 ans que je les entends: les solutions existent. Et les obstacles à ces solutions ne sont pas tant techniques que décisionnels, surtout quand les décisions sont comme vous le soulignez opaques et mafieuses. Ubidea et ses barrages nous mènent dans le mur si on les laisse faire, nous sommes bien d’accord.

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