Alors que le dérèglement climatique en cours d’accélération et d’aggravation ne connaît pas de pause, le président Macron en propose une dans la réglementation environnementale européenne ! Et son ministre à la Transition écologique regarde ailleurs…
On le croyait carriériste, cumulard, homophobe timoré, aussi ennuyeux que la liste de ses mandats locaux et de ses sociétés d’équipement, d’aménagement ou de communication, retournant sa veste au gré de l’UMP, Renaissance ou Horizons, mais Christophe Béchu est, finalement, un homme plein d’humour et d’à-propos.
Songez que ce ministre, passé des Collectivités territoriales à la Transition écologique en pleine canicule de juillet dernier, vient d’ouvrir une consultation publique pour préparer la France à une hausse de 4°C d’ici la fin du siècle. Il ne s’agit donc plus d’un volet de mesurettes visant à lutter contre le dérèglement climatique, mais bien de préparer la population, les filières économiques et les collectivités territoriales au grand bouleversement, dans la perspective d’un Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), qui devrait être publié à la fin de l’année.
On aurait pu rêver que ce ministère de la Transition écologique monte au front pour enrayer la hausse du thermomètre, voilà qu’il apparaît derrière les lignes pour nous apprendre à vivre en vaincus. En 14, on en aurait fusillé pour moins que ça.
Mais en ces temps paisibles et facétieux, Christophe Béchu a bien raison d’exhorter la France à « sortir du déni ». D’abord, parce que c’est un peu de saison quand on regarde dans les kiosques les habituelles « unes » de magazines consacrées à la perte du xitxi avant l’été. Contre les régimes miracles qui préfèrent les oméga 3, ordonnent de manger moins et moins vite ou prônent des alcools moins sucrés, le ministère de la Transition écologique, c’est Causette qui décide d’assumer ses quatre kilos en trop. Mais surtout parce que Christophe Béchu est bien le dernier à « sortir du déni ».
Prenez par exemple le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, égérie du Chasseur français, pause côtelée à côté d’un sanglier, qui endosse ses 4°C en trop sans sourciller. Non content de distribuer 291 substances actives de pesticides comme des bonbons, malgré les études alarmantes sur le sujet qui en établissent le péril pour la santé des hommes, pour la biodiversité et même pour le climat, il vient de se voir acclamé par le Sénat qui a adopté, ce 16 mai, une proposition de loi sobrement intitulée « Ferme France », portée par pléthore de parlementaires de droite et de gauche, dont notre bon Max Brisson(1). Une « véritable lettre au Père Noël de la FNSEA », a résumé un facétieux commentateur de l’UFC – Que choisir. Ce dernier exagère, car la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles n’en demandait même pas tant. Le texte prévoit par exemple que les mégabassines présentent un « intérêt général majeur », que les directives européennes en faveur de l’environnement s’effacent face à la nécessaire compétitivité de l’agriculture française, et que le ministre de l’Agriculture puisse passer outre les décisions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, ce qu’il fait déjà d’ailleurs en imposant l’usage de pesticides dangereux.
Open bar pour un système agricole qui représente aujourd’hui 19% des émissions de gaz à effet de serre de l’Hexagone, et dont la réalité de « Ferme France » est plus proche d’une usine pétro-chimique de Tarnos que du modèle paysan défendu par Laborantza Ganbara.
Open bar dans l’industrie également, alors que le président Emmanuel Macron vient de siffler une « pause » dans la réglementation environnementale européenne pour le même souci de compétitivité face à des pays qui ne s’embarrassent guère d’avenir collectif. Ce n’est même plus le pied dans la porte ouverte à toutes les gabegies, c’est une porte-au-nez, une technique de manipulation bien connue de la psychologie sociale et des petits escrocs, qui consiste à faire une demande exagérée pour obtenir, comme une consolation, ce que l’on visait initialement. À ce rythme, il est vrai qu’on se satisferait bien de 4°C supplémentaires d’ici 2100, surtout si cette transition écologique ministérielle préconise la clim pour mieux supporter les cagnards de l’été.
(1) www.senat.fr/leg/ppl22-349.html
Un fromage à 18 trous
L’avantage de « sortir du déni » est que tout devient possible.
Prenez cet autre exemple bien moins rigolo. À une centaine de kilomètres à l’est de Toulouse, en pleine Montagne Noire et zone protégée, la paisible commune de Fontiers- Cabardes et ses 450 habitants s’apprêtent à recevoir des experts du Pays Basque pour y ériger un golf et de nombreuses constructions touristiques sur près de 250 hectares.
La conception de ce parcours de 18 trous se ferait par Olazabal design, basé à Donostia et Les Ateliers du golf, entre Bayonne et Hossegor.
Le projet est porté par Catherine Lacoste, ancienne présidente du golf de Chantaco et sa société de promotion immobilière Telcapi.
La reconversion des terres agricoles et boisées pour un usage touristique permet dans la foulée la création de 165 appartements, 123 maisons et villas, un hôtel de 80 chambres et un héliport autour de ce golf, pour une capacité d’accueil de 1150 résidents.
Une catastrophe écologique pour les habitants de cette nature préservée, surtout si l’on considère qu’un golf constitue un environnement écologiquement mort mais gourmand en pesticides, en engrais et en eau.
Il était plus que temps de sortir du déni.