Entretien – Paxkal Indo, Président de Seaska
Seaska, la fédération des écoles immersives en langue basque d’Iparralde, va célébrer ses 50 ans en 2019 et débute l’année scolaire 2018-2019 avec près de 4 000 élèves. Enbata a interviewé Paxkal Indo, le Président de Seaska, sur l’épineuse question du financement par l’Etat des postes d’enseignant·e·s liés à l’augmentation permanente du nombre d’élèves de la Fédération. La mobilisation militante est plus que jamais d’actualité contre les mesures de re-centralisation et pour l’euskara et son officialisation.
Quel était le dispositif mis en place avec l’Etat français ces dernières années pour gérer l’attribution de postes d’enseignements pour le modèle immersif ?
La Convention triennale signée il y a 9 ans avec l’Etat et l’Office Public de la Langue Basque reconnaissait le modèle pédagogique de Seaska et son implication dans la politique linguistique globale en Iparralde ainsi que sa place stratégique dans la création de locuteurs bascophones et francophones complets.
Ce dernier objectif est aussi visé par la Politique Linguistique désormais menée par la Communauté d’Agglomération Pays Basque.
Cet outil conventionnel a plusieurs articles dont notamment celui qui doit faire face au développement de Seaska. Cela implique la possibilité d’offrir à tous les habitants l’option d’avoir une ikastola près de chez soi. Certes on en a deux en Soule… alors qu’à part Guéthary, on en a sur toutes les communes littorales… Mais cela montre qu’en fait la présence des ikastola suit la logique de concentration de population… tout en mettant en pratique le “droit d’avoir une ikastola à proximité”…
Pour cela, il faut pourvoir en poste l’augmentation des effectifs d’élèves dans le respect des exigences du système pédagogique de Seaska, avec notamment l’introduction progressive du français à partir du CE1.
Tout cela (objectifs et moyens pour y arriver) étant très bien détaillé dans la Convention. Cela permet de savoir combien il faudra de postes pour faire vivre le modèle immersif et pouvoir assurer que les enfants sont prêts à s’engager en sixième dans n’importe quel collège en maîtrisant aussi bien le français que le basque.
Que s’est-il passé cette année ?
En juin dernier notre troisième convention triennale s’est achevée. Actuellement l’Etat ne respecte pas cette convention en refusant de financer la part qu’il s’était engagée à prendre en charge. Tant que l’Etat ne finance pas les postes, ne respecte pas la convention, il n’y aura pas de signature de nouvelle convention.
Ce qui est surprenant, c’est de voir que c’est l’Etat qui ne respecte pas sa part… En utilisant l’argument que dans la Convention il est mentionné l’Etat utilisera “tous ses moyens” en fonction de ce que Bercy aura comme disponibilité. Là, c’est une décision présidentielle qui souligne qu’“on va faire avec les moyens qu’on a” ou qu’il faudra se débrouiller “à moyens constants”. Pour Seaska, le terme de “moyens constants” devrait prendre en contre la situation globale dans l’Hexagone. Les écoles progressant en effectif devraient récupérer les postes non nécessaires dans les établissements où les effectifs diminuent.
Seaska refuse cette logique d’Etat qui ne prend pas ses responsabilités pour accueillir plus de 200 élèves dans le modèle immersif. Certes, parfois, on a juste deux enfants de plus dans des classes… et on passe de 25 à 27 classes. Mais cela nous donne le droit à dédoubler les classes car on dépasse le seuil des 25 élèves par classes. Si on laisse faire, petit à petit on aura des classes de 30 élèves et on ne pourra plus remplir la mission de produire des bilingues euskara-français.
Seaska sera intransigeant en ce qui concerne l’attribution des postes qui lui sont dus.
Que fera Seaska pour que l’Etat assure la réalisation de ses engagements par rapport à l’euskara et au modèle immersif ?
Les atouts que nous avons sont la volonté et la capacité militante de Seaska et des Ikastola (parents, enseignants et même des enfants (qu’on a vu lors de la Tamborrada).
Seaska est un outil militant pour l’euskara et son officialisation. D’autre part, Seaska fait partie d’une politique linguistique dont l’Etat est une partie avec les autres collectivités territoriales et l’OPLB. De plus, en Iparralde, la thématique de la Langue Basque (via Euskal Konfederazioa) a été maintenue comme trans-partisane depuis plusieurs années. Aujourd’hui ce sont les parlementaires eux-mêmes qui vont négocier au nom de Seaska auprès du Ministère qui a reçu une délégation composée de 2 députés LREM, la Sénatrice PS et le Sénateur LR du Pays Basque… Preuve que le giron de l’Euskara et Seaska s’élargit.
L’Etat se rendra compte qu’il fait une erreur en persistant dans une logique comptable erronée. 25 postes manquants traduisent bien un besoin de croissance globale de la maternelle au lycée au sein de Seaska.
La fin de non-recevoir qu’on a eu au ministère depuis le 14 février avec la formule “faites à moyen constant”, cela signifie qu’au bout de quatre ans, Seaska aura un déficit de 50/60. C’est l’équivalent de plus du tiers du nombre d’enseignants que Seaska a dans le primaire. A l’ère d’Internet on peut être voisin avec l’Argentine ou le Japon mais on peut aussi avoir la possibilité de vivre chez soi et re-localisé. C’est une réalité dont le gouvernement n’a aucune conscience. Il est dans une logique archaïque, re-centralisatrice où tout se fait d’en haut, de façon pyramidale.
A court terme, quelles sont les prochains pas pour réussir à obtenir les meilleures conditions pour la rentrée et l’année scolaire 2018/2019 ?
Le Conseil des Ikastola de début juillet a décidé d’organiser la rentrée avec 20 postes sur les 25 nécessaires. Il y a déjà des ikastola qui font des sacrifices car elles auront un ou deux élèves “en trop” par classe. Donc certains enseignants et élèves en pâtiront.
Avec cette organisation à 20 postes (dont 5,5 postes attribués par le Rectorat), Seaska montre qu’elle a les moyens de financer 15 postes. Il faut voir ce qu’il adviendra pour les cinq postes restants.
Soit le Gouvernement français les prend en charge, soit la politique linguistique locale aide à financer ces cinq postes. En effet, Seaska ne peut assurer à elle seules les 3/4 des postes à pourvoir pour faire face à cette augmentation de l’effectif des élèves.
En tout cas, Seaska souhaite continuer à travailler avec la Convention triennale. Car hors convention depuis juin dernier, on est obligé de travailler à l’“ancienne” : les négociations ne se font plus via des réunions mais via manifs, occupations, etc.
monsieur Indo avec votre expérience vous devriez savoir que l’état est un très mauvais payeur et cela n’a rien à voir avec une quelconque hostilité vers la langue basque. C’est vrai aussi pour les centres sociaux, les associations,… d’ici et d’ailleurs. Il faut arrêter de se victimiser et d’avoir cette vision ethnocentrée (tout à fait républicaine d’ailleurs…). Les Ikastolas ont gagné avec l’enseignement en immersion dans le publique maintenant disponible dans plusieurs écoles. Ce fut une étape nécessaire mais à présent il faut reconcentrer les énergies dans la construction des écoles publiques qui sont aussi en danger sur notre territoire et qui doivent être au centre d’un projet pédagogiques partagé et d’une vision sociale. Rappelons que les ikastolas ne parlent quasiment jamais de pédagogie et quand elles le font c’est pour se rattacher à Montetssori, une pédagogie créatrice de frustration et dont l’objectif est de garantir la reproduction sociale. Une langue ce n’est ni une idéologie, ni un imaginaire, ni une pédagogie. Si votre objectif est de faire des écoles privées pour bobo bascophone et pseudo abertzales vendeurs de talos très bien mais est-ce vraiment le rôle de l’école et est-ce vraiment une alternative à l’école républicaine ?