Enargia, I-Ener, Herrikoa, Sokoa,… Se réapproprier nos outils collectifs. Dossier coordonné par Gisèle Lougarot.
Pendant des mois, Txistu Bergara et Timothée Acheritogaray n’ont eu de cesse de tenter de mettre au pas le conseil d’administration de Enargia, pesant de tout leur poids de dirigeants de Herrikoa et Sokoa. Ce faisant, s’est dévoilée au grand jour leur mainmise sur ces deux outils emblématiques du développement local créés par les abertzale et les euskaltzale. Enbata pose ici la problématique de la situation et ce qu’elle impliquerait de remise en question pour que ces organisations retrouvent de leur dimension collective et de leurs valeurs originelles.
A la mi-février dernier, la crise interne au sein de Enargia apparaît ouvertement avec la révocation de son directeur général Patxi Bergara (cf. Enbata de mai dernier). Cette éviction est le point d’orgue de longs mois de vives tensions qui ont vu s’affronter deux visions antagoniques autour des questions centrales de la prise de décision et de la gouvernance de la coopérative. Refusant l’issue du vote de la majorité du conseil d’administration, deux de ses trois membres mis en minorité, Txistu Bergara —le père de Patxi Bergara— et Timothée Acheritogaray, sont alors à l’initiative d’une assignation en référé(1) auprès du tribunal de commerce. Leur demande expresse : la désignation d’un mandataire chargé de la convocation d’une assemblée générale avec un point unique à son ordre du jour, à savoir la destitution des six administratrices et administrateurs ayant voté la révocation du directeur général. Autrement dit : une action qui, au-delà du sauvetage de Patxi Bergara, vise également à la prise de contrôle de Enargia. Faux-pas grossier Énumérant ses requérant.es, l’assignation en référé met en lumière l’implication concrète d’organisations d’initiative collective dont la présence apparaît incompréhensible… En effet, pour donner poids et crédit à leur démarche, les administrateurs minoritaires ont entraîné dans la procédure non seulement l’entreprise Sokoa (Txistu Bergara est son président, Timothée Acheritagoray, son directeur général), mais aussi Herrikoa et Herkide (indifféremment représentées par l’un ou l’autre). Possiblement trop sûrs d’eux-mêmes et de leur influence, les deux hommes ont commis ici un faux-pas grossier qui a mis en évidence leur mainmise sur Herrikoa-Herkide. Mainmise connue des acteurs et observateurs du développement local mais qui, avec l’affaire Enargia, se sera révélée à beaucoup d’autres. Tous ceux-là continuaient, peut-être naïvement, à voir dans Herrikoa l’un des outils collectifs emblématiques d’Iparralde issus du mouvement abertzale des années 1980. De la pérennité de nos outils collectifs Les pages qui suivent retracent le déroulé de l’accaparement de Herrikoa-Herkide par Txistu Bergara et Timothée Acheritogaray, mené sans guère de résistance et de réaction publique. Nous les avons bien sûr sollicités pour un rendez- vous. Nos demandes réitérées sont restées sans réponse.
En prenant appui sur près d’une vingtaine de témoignages, notre objectif aura été d’appréhender sans tabou la situation actuelle. Avec la conscience que la rendre publique n’entre guère dans nos us et coutumes qui privilégient généralement la discussion et le règlement en interne des questions sensibles. Enbata a décidé de déroger à la règle, convaincu que la problématique posée ici doit être (enfin) mise sur la table. C’est la seule façon de l’assumer collectivement et de lancer un débat le plus large possible bien au-delà de ces colonnes afin que ces outils retrouvent leur dimension collective, au service de l’intérêt commun du Pays Basque nord. A préciser : plusieurs témoins ont pris la parole, mais sous couvert d’anonymat pour raisons professionnelles ou personnelles. Ajoutons enfin, qu’une dizaine de personnes a contribué à la réalisation de ce dossier : de la recherche d’infos à leurs vérifications, de la lecture de documents à la rédaction et à la relecture attentive des articles… n (1) L’assignation en référé énumère l’identité de ses 21 requérant.es dont la quasi-totalité affiche un lien personnel ou de dépendance professionnelle avec Joseph Bergara ou son fils Patxi. Le tribunal de commerce a débouté les 21 requérant.es de leurs demandes (cf. Enbata de mai dernier).