Sahara Occidental, le retour à la guerre

Sahara

Près de 30 ans après un cessez-le-feu qui n’a permis aucune avancée significative, les hostilités reprennent au Sahara Occidental. Le jeu diplomatique reste ouvert même si la paix et le statu quo ont échoué à faire évoluer l’avenir du dernier pays colonisé d’Afrique.

Le Sahara Occidental est de nouveau en guerre : après 29 ans de cessez-le-feu, le Maroc et les indépendantistes du Front Polisario (soutenus par l’Algérie) ont repris les hostilités.

Cela n’aurait jamais dû arriver car la MINURSO (Mission des Nations Unies pour un Référendum au Sahara Occidental) était censée organiser un référendum d’autodétermination dans les 6 mois après la signature de l’accord de cessez- le-feu, en 1991. Les deux parties ne sont toutefois jamais parvenues à se mettre d’accord sur la composition du corps électoral et le Maroc, qui occupe 80% du territoire sahraoui, a vite compris que le statu quo lui serait favorable. Il est parvenu à bloquer de nombreuses initiatives diplomatiques, comme le plan Baker en 2004 qui prévoyait un référendum à l’issue d’une période d’autonomie de cinq ans.

Endormie par ce statu quo, la communauté internationale s’est progressivement désintéressée du sort du dernier territoire africain considéré comme non-décolonisé par l’ONU. Le réveil est brutal…

Zone tampon

C’est à Guerguerat, à l’extrême sud du Sahara Occidental, près de la frontière avec la Mauritanie, que la situation s’est embrasée. Cette petite localité jouxte le mur de 2700km construit par Rabat dans les années 80 et qui matérialise la ligne de cessez-le-feu entre le Polisario et le Maroc. Une zone tampon démilitarisée de quelques kilomètres de largeur, sépare ce mur de la frontière mauritanienne. À Guerguerat, la Route Nationale 1 traverse la zone tampon et permet au Maroc d’exporter ses marchandises vers la Mauritanie et toute l’Afrique de l’Ouest. Ce point de passage est dénoncé comme une “brèche illégale” par le Front Polisario qui était parvenu en 2016, à bloquer des travaux de goudronnage de la route à l’intérieur de la zone tampon. C’est cette même portion de route que des militants indépendantistes ont décidé d’occuper le 21 octobre dernier afin de bloquer la circulation et d’interpeler l’ONU pour qu’elle n’oublie pas son engagement à organiser un référendum d’autodétermination. Si l’objectif des indépendantistes était de forcer la réouverture de négociations, l’opération n’a pas eu le résultat escompté. Assez rapidement, le Maroc a montré qu’il privilégierait la manière forte à la diplomatie. Bien que le Polisario ait averti que “toute entrée de militaires ou de civils marocains dans la zone tampon” signifierait “la fin du cessez-le-feu et le début d’une nouvelle guerre dans la région”, Rabat a lancé le 13 novembre une opération militaire d’envergure et est rapidement parvenu à rouvrir la route à la circulation. Le lendemain, le Front Polisario annonçait “la reprise de la lutte armée pour la défense des droits légitimes” du peuple sahraoui…

Consolider le cessez-le-feu

En réponse, le roi Mohamed VI, qui venait pourtant d’envoyer selon Le Monde, un millier d’hommes et 200 véhicules pour déloger quelques dizaines de manifestants, a affirmé son “attachement au cessez-le-feu”, et son ministre des Affaires étrangères a expliqué que cette opération visait à “consolider le cessez- le-feu” face aux agissements du Front Polisario qui bloquait la circulation et “harcelait les forces de l’ONU” —ce que cette dernière a pourtant démenti.

Sur le terrain, cette “consolidation” du cessez-le-feu s’est également traduite par la construction d’un deuxième mur à l’intérieur de la zone tampon, pour protéger la route vers la Mauritanie, en violation flagrante des accords de cessez-le-feu…

Si le Maroc a coupé court aux négociations pour mettre un terme au blocage de Guerguerat, et s’il se permet d’afficher un tel cynisme, c’est qu’il sait qu’il a la voie libre.

D’une part, parce que l’ONU s’est complètement désintéressée du dossier, à tel point que le poste d’émissaire des Nations Unies au Sahara Occidental est vacant depuis 18 mois. D’autre part, parce que le Maroc est sorti de son isolement diplomatique sur le dossier sahraoui.

Naguère sensibles à la cause sahraouie, les États-Unis courtisent désormais le Maroc pour qu’il reconnaisse Israël.

En Europe, on continue d’afficher un soutien de façade au Sahara Occidental (à part Manuel Valls qui assure que “le Polisario est impliqué dans le trafic d’armes, d’êtres humains et de drogues et constitue, de ce fait, une menace réelle pour le Sahel”) mais on veille à ménager Rabat en espérant son soutien sur les dossiers migratoires et antiterroristes.

Enfin, les pays arabes de la sphère d’influence de l’Arabie Saoudite redoublent de courbettes pour que le royaume ne se rapproche pas trop du rival turc : les Émirats Arabes Unis et la Jordanie, qui n’ont aucune diaspora sur place, viennent ainsi d’ouvrir un consulat au Sahara Occidental.

Soutiens Sahraouis

L’Algérie reste donc le plus solide et indéfectible soutien des Sahraouis. C’est peu, et l’on voit mal dans ces conditions comment la reprise des opérations armées pourrait permettre au Polisario de faire céder le Maroc.

L’Algérie reste le plus solide et indéfectible soutien des Sahraouis.
C’est peu et l’on voit mal dans ces conditions
comment la reprise des opérations armées
pourrait permettre au Polisario
de faire céder le Maroc.

S’il y a un espoir pour les Sahraouis, il viendra plutôt des alliances qui se forment dans le sillage de la rivalité entre l’Arabie Saoudite et la Turquie. Erdogan avait déclaré en 2013 que la Turquie ne reconnaissait pas, et ne reconnaitrait jamais le Polisario, mais ce n’est plus si sûr. Afin de prendre pied en Afrique, la Turquie a absolument besoin d’un relais au Maghreb. Erdogan doit à tout prix éviter que l’Algérie ne tombe, comme le Maroc, dans l’escarcelle de l’Arabie Saoudite et a pour cela, au moins, trois cartes à jouer : la Lybie (l’Algérie et la Turquie soutiennent le Gouvernement d’Accord National internationalement reconnu alors que Ryad est du côté de l’Armée Nationale Libyenne du général Haftar), la Palestine (que les deux pays soutiennent ostensiblement) et le Sahara Occidental.

À cynique, cynique et demi, on verra donc peut-être la Turquie sermonner le Maroc sur le respect de la légalité internationale…

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