La primaire de la gauche à mis sur le devant de la scène le revenu universel, mesure phare de Benoît Hamon. Beaucoup y ont vu une bonne nouvelle, remettant les questions sociales au centre du débat dans une campagne annoncée sur la sécurité et les questions d’identité. D’autres ont hurlé à l’utopie irresponsable soulignant l’incapacité du candidat de proposer un financement de sa mesure ou dénonçant l’immoralité de donner à tous y compris à “madame Bettencourt”.
Sous différentes dénominations, l’idée d’un revenu de base attribué à tous-tes est ancienne et ambivalente, défendue à la fois par la droite libérale (en France aujourd’hui par Nathalie Kosciuzko-Morizet, Jean-Frédéric Poisson ou Frédéric Lefebvre) et par des secteurs de gauche.
Elle revient en force aujourd’hui sous l’effet de plusieurs facteurs : la persistance d’un chômage de masse et la destruction annoncée de nombreux emplois par les avancées technologiques d’une part, la volonté des classes dominantes de poursuivre la libéralisation de la protection sociale et de réduire le “coût” du travail en s’attaquant aux cotisations sociales.
Les différentes conceptions du revenu universel, outre le montant qui serait attribué à chacun-e, se distinguent ainsi par rapport à ce que ce revenu viendrait remplacer ou pas.
Sujet polémique
Dans la vision libérale du revenu universel, il se substituerait à toutes les autres formes de protection sociale : allocations familiales, aides au logement, assurance maladie voire pensions de retraite. Il serait donc institué pour “solde de tout compte” ; une manière pour ses promoteurs de se dédouaner vis-à-vis des inégalités sociales (de revenus mais aussi de patrimoine) grandissantes.
En plus de la réduction drastique de la protection sociale et des services publics (chacun se débrouille désormais pour aller acheter des services d’éducation, de santé, de transport… sur le marché auprès d’acteurs privés à but lucratif), le droit du travail (ou ce qu’il en reste) serait menacé, les salariés étant désormais protégés par ce revenu minimum.
A gauche, il s’agit de combattre les inégalités sociales en modifiant la répartition des revenus. Il serait un instrument de lutte contre la grande pauvreté (un filet de sécurité pour les plus modestes) et renforcerait notamment l’autonomie des femmes et des jeunes. Face au chômage de masse, les travailleur-ses seraient moins soumis-es aux pressions pour accepter n’importe quel emploi. Dans cette conception progressiste, le revenu universel est distribué à tout-e-s, sans conditions, cumulable avec un emploi, sans toucher à la protection sociale financée par les cotisations (il remplacerait néanmoins le RSA et le minimum “retraite”) ni aux services publics .
D’autres pistes
Pour autant cette deuxième conception fait l’objet de nombreux débats dans le camp progressiste. Elle part en effet d’un constat fataliste face au chômage (“tout a été essayé, on n’y peut rien”) et tire une conclusion très discutable d’une réalité (dont l’ampleur est aussi contestée): “puisque la technologie remplace le travail humain, il faut assurer un revenu dérivé à ceux qui ne travaillent plus.”
Et pourquoi pas diminuer le temps de travail de tout le monde ?
En d’autres termes : priorité à un revenu minimal déconnecté du travail ou réduction du temps de travail pour assurer à tout-e-s un revenu lié à ce travail ?
Par ailleurs, pour un revenu décent, le financement ne peut s’envisager que de deux façons : la première, le choix libéral, consisterait à supprimer la protection sociale existante et à réduire les dépenses publiques (services publics entre autres) ; la deuxième supposerait une augmentation très significative des cotisations sociales —ce qui aurait une incidence sur les salaires nets— ou de 15% des impôts
Faire du revenu universel LA mesure centrale d’une politique alternative aux politiques de la droite ou des sociaux-libéraux comme Valls est donc loin d’être une bonne idée en ce qu’elle marginalise d’autres priorités.
Faire du revenu universel
LA mesure centrale
d’une politique alternative
aux politiques de la droite
ou des sociaux-libéraux
comme Valls
est loin d’être une bonne idée
en ce qu’elle marginalise
d’autres priorités.
On peut citer notamment l’imposition d’un revenu maximum, la revalorisation et l’extension aux jeunes des revenus sociaux (c’est d’ailleurs ce par quoi Hamon traduit son “revenu universel”), l’augmentation des salaires et surtout la reprise de la réduction du temps de travail (32 heures sur 4 jours), largement documentée dans sa réalisation par de nombreux économistes comme l’axe majeur d’une lutte contre le chômage et la base d’une politique émancipatrice.
Le NPA, le PCF, Jean-Luc Mélenchon ainsi que plusieurs syndicats et associations caritatives y sont opposés.
EH Bai mène en interne sa propre réflexion dont s’inspire cet article.
Un revenu universel de 1000€ à partir de 16 ans = 500 Milliards€/an. Ordre de grandeur : SS + retraites + dépenses UNEDIC = 532 M€/an. Budget de l’État = 446 M€/an.