Fermeture brutale de tous les sites industriels de Fagor, le 18 octobre, sous la pression de nombreux fournisseurs impayés. 5.600 travailleurs, dont 1.800 au Pays Basque et autant en France, risquent de se retrouver sans emploi si l’entreprise n’arrive pas à se refinancer dans les prochains mois.
Or, la dette actuelle est de 800 millions d’euros. Fagor est dans le rouge depuis 2009. En 2012, ses pertes se sont élevées à 90 millions d’euros et la situation ne fait que s’aggraver puisqu’au premier trimestre 2013 le trou financier était de 67 millions, soit le triple de la même période de l’année précédente.
Certes, la solidarité légendaire du complexe des coopératives de Mondragon a joué avec une aide de 70 millions alors que le gouvernement basque, de son côté, accordait un prêt de 40 millions. Les travailleurs-coopérateurs de Fagor ont voté la baisse de 6,4% de leur propre salaire. Le système Mondragon touche ses limites. La présente crise atteint de plein fouet Fagor qui, jusqu’ici, avait largement bénéficié de la bulle immobilière espagnole dévoreuse d’équipements électroménagers destinés aux millions de logements construits dans la péninsule.
L’entreprise phare de Mondragon paie aujourd’hui d’avoir succombé au mirage de cette expansion artificielle au point de s’être transformée en leader international. En 2005, Fagor achète son concurrent Brandt et multiplie les constructions de sites de production, cinq en Espagne, huit autre répartis en Pologne, Maroc, Italie et France. Cette erreur stratégique d’expansion à tout va à la veille de la crise mondiale de 2008 prend un tour singulier au cœur du modèle européen de l’économie solidaire créé sous le franquisme.
L’esprit de Mondragon a fortement soufflé sur le mouvement abertzale né avec Enbata en Iparralde en 1963. Combien de visites collectives ont permis à de jeunes ruraux de nos trois provinces de découvrir en Gipuzkoa un monde industriel fonctionnant dans un rapport capital-travail exemplaire? Au point de rendre irréversible notre renaissance économique par la prise en main de notre propre destin avec la création ici, dans la même philosophie, d’une quinzaine de Scoop et de la société populaire capital-risque Herrikoa.
La chute du navire amiral Fagor nous affecte tous. Elle ébrèche le modèle sur lequel nous avons fondé une part de nos valeurs. A la lumière de cette épreuve, doit-on repenser le coopérativisme? A-t-il pris conscience de ses limites dans une économie de marché mondialisé? La coopérative ouvrière de production, pour être pérenne, doit-elle demeurer à taille humaine? Le règlement financier et social de la chute de Fagor apportera peut-être une réponse à la première grave crise du modèle de Mondragon.
En appel d’une condamnation de l’Espagne rendue le 10 juillet 2012, la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme confirme, le 21 octobre 2013, ce jugement, assorti de 30.000€ de dommages et intérêts, et contraint le gouvernement de Madrid à libérer immédiatement la militante d’ETA, Inès Del Rio Prada, 55 ans, emprisonnée depuis 1987, frappée de 3.828 ans de prison.
Dès le lendemain, à 16h15, la militante quitte la prison galicienne de Teixero, en compagnie de sa famille et de ses avocats. C’est à l’unanimité de ses 17 magistrats que la Cour de Strasbourg a rendu son verdict, estimant que la militante d’ETA aurait dû être relâchée en 2008. “La requérante a donc purgé une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à celle qu’elle aurait dû subir selon le système juridique espagnol en vigueur lors de sa condamnation” motive la cour.
On peut, dès lors, imaginer la colère des autorités espagnoles et de celle des associations des victimes qui ont manifesté en nombre dimanche soir dans les rues de Madrid. Colère d’autant plus virulente que la décision de la Cour européenne, au-delà du cas d’Inès Del Rio, concerne une cinquantaine d’autres preso relevant de la même situation juridique communément appelée “doctrine Parot”.
C’est dire qu’il s’agit pour l’Espagne du Parti Populaire d’un véritable séisme politique, elle qui s’était confortablement adaptée à la nouvelle conjoncture ouverte le 20 octobre 2011 par la proclamation du cessez-le-feu définitif d’ETA. Car, à aucun moment, Madrid n’est entré dans la dialectique d’un processus de paix voulu par la gauche abertzale. Non seulement Madrid n’y a pas apporté le moindre ingrédient, mais, tout au contraire, y a répondu par la poursuite de sa chasse aux etarra par l’arrestation d’une quarantaine de clandestins, ainsi que par le maintien, si ce n’est l’amplification, de la répression de tout ce qu’il désigne comme relevant de la mouvance de l’organisation armée.
Depuis Aiete, la position espagnole s’est même plutôt cabrée, refusant, contrairement au passé, tout dialogue direct, pourtant possible en Norvège durant une année, et refusant tout autant la moindre médiation internationale.
C’est donc l’Europe qui permet de sortir de la chimère d’un processus de paix unilatéral. Rendons à cette Europe, souvent brocardée par les abertzale les plus engagés, cet immense mérite d’abattre les murs de nos embastillés au prix du viol par l’Espagne de son propre Etat de droit. L’arrêt de Strasbourg vient pour partie de redresser le sort douloureux des preso oubliés d’un cessez-le-feu non négocié.