Enbata a décidé de quitter X, plateforme devenue un terrain de propagation de haine et de désinformation. Si ce choix envoie un message fort contre ces dérives, il soulève aussi une question stratégique — est-ce une victoire pour les idées progressistes ou un risque de marginalisation ? — et nous oblige à investir de nouveaux espaces.
Début décembre, Enbata a décidé de quitter le réseau social X (anciennement Twitter). Ce choix, débattu collectivement en interne, a été motivé par la dérive inquiétante de cette plateforme, devenue un outil de banalisation des discours de haine et de diffusion de désinformation.
Pourtant, cette désertion collective de X par les médias (The Guardian, Ouest- France, Sud Ouest…), associations (Greenpeace, Transparency International…) et autres acteurs du débat public ne m’a pas encore pleinement convaincu. Quitter X, est-ce réellement une victoire pour les idées que nous portons, ou bien est-ce céder du terrain à ceux qui s’en emparent ?
Des réseaux à double tranchant
Tous les réseaux sociaux, X compris, sont des outils ambivalents. Ils offrent des espaces de connexion, de partage et de mobilisation, mais sont aussi des vecteurs de désinformation et de radicalisation. Le rythme effréné de leur fonctionnement chasse une information l’une après l’autre et laisse bien trop de place à la désinformation et à la manipulation de masse. En 2011, alors que les révolutions du printemps arabe fleurissaient, Twitter a joué un rôle important dans la diffusion de ces luttes. Il convient toutefois de ne pas s’imaginer que ces révoltes populaires ont émergé grâce aux réseaux sociaux, mais ces derniers ont pu jouer un rôle dans leur visibilisation à l’échelle mondiale. David M. Faris, professeur de science politique à la Roosevelt University l’explique dans son article La révolte en réseau : le “printemps arabe” et les médias sociaux.
“Abandonner X, c’est envoyer un message fort,
celui d’un refus de cautionner un espace devenu toxique.
Mais c’est aussi prendre le risque de s’invisibiliser,
de perdre le lien avec une partie du public, parfois non politisé,
qui continue de fréquenter cette plateforme.”
Depuis qu’Elon Musk a racheté Twitter en 2022, le malaise s’est installé et la plateforme a connu une baisse significative de ses utilisateurs actifs quotidiens, avec une perte estimée entre 9 et 34 millions d’utilisateurs. À bien des égards, les dérives observées sur X existent également sur les autres plateformes. Instagram et Facebook font partie du groupe Meta, dirigé par le milliardaire Mark Zuckerberg. A titre d’exemple, toutes les campagnes de publicité contre les violences faites aux femmes, financées par la CAPB, sont systématiquement censurées sur ces plateformes. Quant à TikTok, qui appartient au chinois Zhang Yiming, il sert de tremplin médiatique à Jordan Bardella, président du RN.
Abandonner X, c’est envoyer un message fort, celui d’un refus de cautionner un espace devenu toxique. Mais c’est aussi prendre le risque de s’invisibiliser, de perdre le lien avec une partie du public, parfois non politisé, qui continue de fréquenter cette plateforme.
Un dilemme stratégique
D’un côté, l’indignation légitime face à la radicalisation de X ; de l’autre, la crainte de laisser cet espace aux discours que nous combattons. Car si nous partons, qui y restera pour porter des messages progressistes, écologistes ou solidaires ?
Quitter X est un moyen d’affirmer que nos idées ne sauraient cohabiter avec des algorithmes qui favorisent la haine et le sectarisme. Mais ce choix n’est pas sans conséquences : nous fermons une porte qui, aussi dégradée soit-elle, nous permettait de toucher des esprits en quête d’alternatives.
Nous savons que le combat des idées ne se joue pas uniquement sur des bases solides et argumentées. Il se joue aussi sur la visibilité, la capacité à occuper l’espace médiatique, y compris là où il est hostile. Laisser le champ libre à l’extrême droite sur X, c’est risquer que certains citoyens, déroutés par les crises actuelles, n’entendent plus que ces discours populistes et destructeurs.
Inventer de nouveaux espaces
Ce départ pose une question essentielle : où porter nos idées et comment ? Si nous tournons le dos à X, il nous incombe d’investir massivement d’autres espaces, de créer de nouveaux lieux de dialogue et de mobilisation. Cela implique d’explorer des plateformes alternatives tout en réinvestissant des outils plus traditionnels : médias locaux, débats publics ou presse écrite.
Le monde change, et avec lui les moyens de communication. Ce qui ne doit pas changer, c’est notre engagement à porter nos idées là où elles ont le plus d’impact. X n’est probablement plus cet espace. À nous d’en trouver d’autres, sans jamais perdre de vue la raison d’être de notre action : sensibiliser, mobiliser et transformer.
Enbata n’est plus sur X, mais son édition papier peut arriver chaque mois dans votre boîte aux lettres pour 50 euros ou eusko par an. Vous pouvez aussi recevoir gratuitement la newsletter, chaque lundi. Enbata a quitté X, à nous à présent d’en faire une opportunité !
Franchement, je ne vois pas où est le pb à quitter X ?
Ce type de réseau est un bouffe-temps, donc très peu de personnes peuvent se permettre de tenter d’y puiser des infos. On y accède en général par des liens envoyés par nos contacts, ou abonnements presse ou autres. Vous reverriez vers un microblog perso, la lecture serait la même. Cela demande juste un peu d’agilité pour chercher ce qui nous intéresse …
Hier 20 janvier, lors du jour de l’inauguration du furieux multicondamné qui tient lieu de 47è président des USA, le patron de X a fait un double salut fasciste, bras tendu et main tendue. Le même qui soutient publiquement l’AFD en Allemagne, réclame la démission de Starmer au Royaume Uni, est ouvertement pour l’eugénisme, se croit génétiquement supérieur, s’attaque à wikipedia, soutient un programme de déportation de masse des immigrés etc.
Son geste a bien évidemment été amplement commenté sur son réseau, où existent également des “community notes”, commentaires censés rectifier démocratiquement les énoncés erronés. Parmi celles-ci, les notes qui le défendent en disant que ‘non ce n’était pas vraiment un salut fasciste vous avez mal interprété’ sont conservées, celles qui expliquent l’inverse sont supprimées par l’algorithme. Est-il utile d’en dire plus?