Le mouvement abertzale, à peine né en Iparralde, s’engageait déjà dans la protection des terres agricoles avec le GFA Lurra. Voici un rappel de ce combat fondateur d’une brûlante actualité.
Lurzaindia est né en 2013, pour poursuivre le travail du GFA LURRA amorcé dans les années 70.
Toutes les acquisitions de terre et de bâtiments sont devenues un “bien collectif”, permettant à la fois de les dégager d’un marché spéculatif, mais également de maintenir l’activité agricole et parfois d’accompagner une nouvelle installation.
Cinq fermes ont été ainsi maintenues depuis 2013 et six personnes ont réussi, par le biais de Lurzaindia, à accéder à de la terre agricole et à s’installer.
Afin de préserver l’usage agricole de la terre, empêcher son artificialisation, et favoriser l’installation, les SAFER ont été créées dans les années 60 et dotées d’un droit important, celui de préemption. Certes il empiète sur la liberté individuelle d’un propriétaire qui n’est plus tout à fait maître du choix de l’acquéreur d’un bien qu’il souhaite vendre. Mais ce droit reste un moyen de protection de la terre nourricière qu’il ne faut pas remettre en cause. Ceci dit les SAFER ont, au cours de leur histoire, souvent eu du mal à l’exercer, car frileuses vis-à-vis du risque financier et surtout ne voulant pas s’engager sans “demandeur de préemption”, rôle qu’un agriculteur individuel a du mal à assumer (par peur d’être mal vu, ou du fait de l’engagement financier notamment).
Depuis 2013 au Pays-Basque, le panorama a un peu changé de ce point de vue, puisque Lurzaindia joue ce rôle de demandeur de préemption, en demandant régulièrement une révision du prix (souvent spéculatif). 35 ventes portant sur 118 ha ont été ainsi bloquées.
Parallèlement l’autre grand outil de protection de la terre est donné aux élus municipaux qui élaborent les PLU et aujourd’hui à la CAPB qui les vote. De ce point de vue, il est clair qu’une grande majorité des décideurs locaux ont, au cours des dernières décennies, puisé dans la ressource foncière agricole, comme dans une réserve inépuisable, pour alimenter leurs projets d’artificialisation divers.
En France, 490 000 ha de terres agricoles ont été artificialisées entre 2006 et 2014. Entre 2000 et 2010, au Pays Basque, le recensement général agricole indique que 9% des terres agricoles ont été perdues. Il n’est donc pas inutile de redire que ce phénomène n’est pas “naturel” mais résulte d’un processus d’artificialisation conduit depuis de nombreuses années par les municipalités, avec l’aval d’une grande partie de la population qui les a laissées faire.
Et, de fait, on ne fait que montrer une réalité incontestable : on a beaucoup artificialisé, et on continue à le faire. Certes, on entend des voix de plus en plus fortes objectant que les élus et les citoyens prennent conscience de la nécessité de préserver la terre.
Même Didier Guillaume, ministre de l’agriculture encore début 2020, déclarait avoir pour objectif le “zéro artificialisation”. Rien que ça !
Le Premier Ministre Jean Castex rappelait quant à lui, cet été, aux préfets (garants notamment des documents d’urbanisme), leur rôle en matière d’aménagement commercial, pour limiter l’artificialisation des terres, conformément à la loi biodiversité et aux recommandations de la Convention citoyenne pour le climat.
Bref, pourquoi, malgré ces discours allant dans le sens de la préservation de la ressource foncière agricole, a t-on le sentiment que la réalité sur le terrain est plutôt… “oui oui, on le fera… demain…” ?
A Cambo il est prévu d’artificialiser les terres agricoles de Marienia et de Muliena, PLU voté par la municipalité et acté par nos élus à la CAPB (seules 23 voix contre en 2019). Cette artificialisation est un non sens d’un point de vue paysager et grignote sur des terres d’un intérêt agronomique évident. Mais sa justification d’un point de vue des logements crées est aussi très discutable. Pourtant ils l’ont fait. Lurzaindia, le Cade, Nahi dugun Herria de Cambo et d’autres particuliers ont déposé un recours gracieux auprès de la CAPB qui n’a pas abouti, qui a conduit à un recours au tribunal administratif, actuellement en cours d’instruction.
La CAPB, avec ses nouveaux élus, reviendra t-elle sur ses positions ?
La préservation de la terre agricole sera t-elle un enjeu “d’aujourd’hui” de la CAPB?