Hartzea Lopez Arana
Le projet de Cambo peut-être un déclencheur pour la constitution d’un front de résistance regroupant plusieurs organisations militantes déjà riches de victoires dans leur domaine.
Incendies et sécheresses, guerres, mesures autoritaires, montée de l’extrême- droite, course au profit, inflation… Partout, des symptômes destructeurs s’emballent et c’est comme si nous attendions la fin du monde pour espérer voir la fin du capitalisme.
Qui pour infléchir la courbe, activer des solutions tangibles ?
Les courants de gauche n’ont jamais été aussi chétifs alors que, dans le même temps, plusieurs pays sont secoués par des révoltes populaires et des grèves (France, Iran, Angleterre, Haïti et Sri Lanka pour citer les dernières).
There is no alternative ?
Dans son ouvrage La fin de la mégamachine, Fabian Scheidler expose ainsi la situation : “ On entend souvent dire qu’il n’y aurait pas d’alternative crédible au système existant. Pourtant, des innombrables mouvements et initiatives prouvent le contraire. Ce qu’il n’y a effectivement pas, c’est un plan directeur pour construire un nouveau système qui remplacerait le précédent. Ce scepticisme ne doit pas être confondu avec un épuisement des énergies utopiques. Beaucoup de gens pensent que l’utopie consiste justement dans la vision d’un monde qui ressemble à un bocage entremêlant les biotopes les plus divers plutôt qu’à un jardin à la française. À la place d’un plan général s’esquisse un patchwork d’initiatives très différentes qui sont adaptées aux conditions locales et culturelles. L’absence de plan directeur qui a la prétention à détenir et diffuser la vérité n’est pas un défaut, mais témoigne que des leçons ont été tirées des désastres passés ”.
Cette analyse vaut également pour le Pays Basque nord, où les luttes incorrectement appelées sectorielles regroupant des gens d’horizons différents abondent et remportent des victoires, si petites soit-elles face à la magnitude des agressions. LGV, 2×2 voies, Sudmine, surf park à Donibane Lohitzune, plateforme touristique au sommet du Larrun, 5G à Donamartiri… Et plus récemment, un renouveau de dynamiques locales autour du foncier et du logement.
À chaque fois, c’est le pouvoir de l’argent qui est contrecarré, l’argument mensonger de l’intérêt général démonté, la force collective militante gratifiée. En toile de fond, des illustrations du souhait de vouloir reprendre en main ses moyens d’existence.
Bouygues, à ton tour
BTP et promotion immobilière, centrales hydroélectriques et transports, télécoms et rachat de médias… Martin Bouygues fait partie, au même titre que Lagardère, Arnault ou Dassault, de ces “ meilleurs amis ” des présidents de la République française.
Une bande de milliardaires à la tête de groupes aux multiples activités, largement subventionnés et profitant de paradis fiscaux, mécènes favorisés lors d’appels d’offres dans le cadre de partenariats public-privé.
Affaire familiale ayant dressé une élite d’employés dont la fidélité au groupe est exaltée et récompensée, l’entreprise Bouygues a été l’une des premières à utiliser massivement une main d’oeuvre immigrée pour se placer au premier rang dans tous les secteurs du bâtiment, intervenir sur des travaux de routes et d’autoroutes, des infrastructures ferroviaires et portuaires…
Avec, comme matériel de prédilection, le béton, cet assemblage le plus destructeur sur terre, ce monstre assoiffé qui absorbe près d’un dixième de l’eau utilisée dans l’industrie mondiale, absorbant aussi la chaleur du soleil et emprisonnant les gaz d’échappement des voitures et des climatiseurs.
Et avec, à la source, de l’extraction dans des carrières de calcaire et des plages de sable, des cimenteries polluantes, des camions qui transportent les matériaux vers les chantiers…
Le chaos climatique a des responsables directs, à savoir les multinationales et leurs soutiens gouvernementaux, ne manquons pas de le répéter.
C’est donc Bouygues Immobilier, l’une des sociétés de cet empire, qui sera à la manœuvre pour bâtir, à l’entrée du village de Kanbo, des résidences sur trois hectares de terres agricoles. Sauf si…
Un précédent qui fera date
Soyons clairs, Marienia ne se construira pas. Ils auront beau mobiliser leurs juristes et autres directeurs de cabinet, nous sommes assez énergiques et considérables pour les en empêcher.
Des recours juridiques aux actions directes, l’éventail d’initiatives dont nous disposons est bien trop large pour qu’une poignée d’élus, de technocrates et des uniformes puissent nous arrêter. L’heure est au concret, faire obstacle à des chantiers pour faire reculer des plans d’aménagement marchand.
Comment ? Par de la conscientisation, des rassemblements, du dialogue et, n’ayons pas peur des actes, de la désobéissance, du blocage, du démontage. D’où qu’ils viennent, les principes absolus (seule une façon de procéder donnera des résultats) sont en trop. Juxtaposons, confrontons, partageons. Il ne s’agit pas de vouloir faire remporter la palme à telle ou telle organisation, mais de se centrer, ensemble, sur un dossier prioritaire.
Stopper Bouygues à Marienia ne sera pas uniquement bénéfique pour les terres menacées à Kanbo. Ce sera un préalable pour, à l’avenir, avoir des coudées plus franches pour la constitution d’un front de résistance, de changement dans le sillage des Soulèvements de la terre, coordination qui regroupe des dizaines d’associations sur un consensus d’actions déterminées.
La puissance n’est pas le monopole des écocidaires et nous ne tomberons pas dans leurs duperies, aussi courtoises soient-elles. Veillons à ce que, dès le premier piquet planté, la première pelleteuse débarquée, nous soyons nombreuses et nombreux à les encercler, occuper et défaire au maximum ce qui aura été exécuté. Aux administrateurs d’enterrer au plus vite le projet, il est encore temps qu’il reste dans les cartons. En espérant ne pas devoir en arriver à des méthodes musclées, mais cela ne dépend pas de nous.