L’Edito du mensuel Enbata
Le G7 est un club informel des sept plus grands pays démocratiques de la Planète(1) qui n’a aucun mandat mais dont les initiatives peuvent être transformées en décisions touchant l’ensemble des peuples de ce monde. La France ayant cette année la présidence tournante du G7, le président Macron avait le choix des lieux et de l’ordre du jour qu’il a exploités au mieux en s’appuyant sur l’actualité du drame de la forêt amazonienne concernant le volet climat.
Il a élargi le cercle du club fermé en invitant quatre chefs d’Etat d’Afrique noire, le Chili, l’Australie, l’Inde, l’Egypte, l’Afrique du sud et l’Espagne ainsi que le secrétaire général de l’ONU. Macron, avec sûrement l’aval de Trump, a réussi ce qui a été nommé “un coup de théâtre” en organisant la venue, par avion spécial sur l’aéroport de Biarritz, du ministre des Affaires étrangères de l’Iran dont les relations avec les Etats-Unis sont au bord de l’affrontement militaire.
Il a choisi Biarritz qu’il connaît avant d’être président, pour son charme balnéaire, ses équipements et sa capacité hôtelière. C’est donc une large partie du Pays Basque qui a été impactée dans sa vie quotidienne, les 24, 25, 26 août derniers, car pour assurer la sécurité de cette rencontre internationale exceptionnelle, un véritable quadrillage territorial a été mis en place, appuyé par un déploiement exceptionnel de forces de l’ordre. Qu’on en juge : 13.200 policiers et gendarmes, 400 pompiers, des détachements de l’armée pour la surveillance de l’océan et du ciel, sans compter de l’autre côté de la frontière, les forces de police espagnoles et l’Ertzaintza. La logistique judiciaire n’était pas en reste, avec 15 procureurs requis et 70 avocats convoqués par le bâtonnier de Bayonne. Il est vrai que la plupart des G7 précédents ont été contestés par des opposants souvent nombreux et violents. Malgré une vingtaine de réunions d’information préalables, animées par les maires et le sous-préfet de Bayonne, la population d’Iparralde a redouté l’arrivée de Black blocs susceptibles de mettre à sac magasins et bâtiments publics. Quelques arrestations de jeunes étrangers se rendant au Pays Basque n’ont fait que conforter cette peur.
La mise à disposition, par l’Etat, aux plateformes anti-G7 d’un site dédié à Urrugne, ainsi que celle de transport par bus des collectivités territoriales, aurait pu atténuer cette psychose donnant ainsi un statut d’interlocuteur visible à la presse et à l’opinion. Ce contre-sommet, fortement animé par les abertzale, regroupe aussi des partis politiques hexagonaux tels que les Verts et la France insoumise. Mis à part deux épisodes violents de groupes minoritaires, l’un à Urrugne le vendredi où un fils du pays responsable d’un camping fut lynché parce qu’il filmait des militants et des heurts avec la police autour du camp suite à une manifestation sauvage bloquant l’autoroute, l’autre à Bayonne le samedi avec une poignée de Blacks blocs cagoulés confrontés à des camions à eau et gaz lacrymogènes, malgré cela le tsunami tant redouté n’a pas eu lieu.
Deux réussites des anti-G7 : l’une, la marche Hendaye-Irun le samedi, réunissant environ 15.000 manifestants parfaitement pacifiques, l’autre le dimanche matin, dans le Petit-Bayonne, avec la remise de 14 portraits de Macron, renversés la tête en bas, parmi les 128 décrochés dans les mairies de l’Hexagone, action parfaitement maîtrisée sous les yeux de la presse internationale (2000 journalistes étaient hébergés à la Halle d’Iraty).
Le point négatif a été l’annulation de dernière heure, le dimanche 25 août, d’une occupation non déclarée en préfecture, de 7 cibles autour de Biarritz. Selon la journaliste du Monde, Raphaëlle Bacqué, “annulation faute de combattants, beaucoup étant repartis la veille après la manifestation”. “Nous avons préféré suspendre la manifestation pour faire baisser la tension” a dit la porte-parole d’Attac. Dans un communiqué du 28 août, Bizi dément une information du Canard Enchaîné indiquant que l’annulation des sept cibles avait été négociée contre le bon déroulement du retour des portraits de Macron, “nous n’avons rien négocié, et évidemment pas l’annulation d’un rassemblement dont nous n’étions pas les organisateurs”.
Finalement le bilan répressif est maigre et totalement disproportionné avec les dispositifs mis en place. Peut-être à cause de ces dispositifs “surdimensionnés”, comme disaient les opposants ? C’est le procureur de Bayonne qui le délivre à la presse: 168 personnes interpelées, 119 placées en garde à vue, 16 étrangers interdits de territoire et reconduits à la frontière, 5 comparutions immédiates… Et de conclure : “honnêtement, j’avais foi dans le tissu associatif basque et dans son expérience pacifique de manifestation. Je savais qu’il y aurait des démonstrations d’hostilité au sommet mais je croyais beaucoup à la non-violence, à la volonté de ne pas dégrader le Pays Basque. Je pense que si le G7 avait été organisé dans d’autres villes, cela aurait pu être très différent”. La véritable opposition réussie au G7 n’a-t-elle pas été la désertion massive de leurs villes par ses habitants? Pour ma part, je fais mien ce qu’a dit, avant le G7, dans une remarquable interview à La Semaine, la journaliste et essayiste Natacha Polony, sur son approche du Pays Basque : “Il ne restera que le fait du prince et un territoire paralysé pour une photo à 24 millions d’euros”.
(1) Royaume-Uni, France, Italie, Japon, Allemagne, Etats-Unis, Canada