Jamais sans doute les pays européens n’ont été confrontés à l’arrivée d’un flux migratoire de l’ampleur de celui auquel nous assistons soudain ces derniers mois. Ni les barbelés étirés le long des frontières ni les mesures policières n’arrêteront la volonté de survie des réfugiés. La seule réponse est une solidarité européenne organisée et institutionnalisée.
Le tsunami provoqué par l’arrivée massive de migrants à nos frontières a mis en lumière de graves divergences au sein de l’Europe. Cette fois, l’ampleur de la fracture risque de mettre à mal l’idée même de l’Union européenne : libre circulation, espace Schengen ou monnaie unique n’étaient pas remis en cause début 2015, mais aujourd’hui, la crise migratoire amène à un dangereux repli sur les Etats-nations. Depuis le 3 septembre dernier, date à laquelle Angela Merkel et François Hollande ont adressé aux institutions européennes une lettre commune pour “affronter le grand défi des migrations”, aucun sommet de crise des chefs d’états européens ne s’est réuni pour apporter une réponse urgente globale. Cette rencontre n’est prévue que courant octobre.
Réactions primaires
En attendant, les milliers de réfugiés Syriens quittent les camps du Liban, de Jordanie ou de Turquie, insuffisamment aidés par l’ONU, pour tenter leur chance en Europe. Les réactions des pays traversés sont différentes, allant de l’aide au transport et à l’alimentation des réfugiés en transit en Grèce, Macédoine ou Croatie jusqu’au mur érigé par la Hongrie (contre les accords de Schengen) et aux tirs de la police hongroise. Le mur ne sert à rien, pas plus que la clôture de barbelés le long de la frontière serbe. Ils n’arrêteront pas le tsunami humain. Pourtant, Robert Fico, premier ministre slovaque de gauche, les politiciens tchèques ou polonais, prônent tous une ligne dure contre l’immigration. Puisque ces pays de l’Europe de l’Est se refusent à accueillir les réfugiés, il faudrait les contraindre à participer financièrement aux programmes de l’ONU pour l’hébergement des réfugiés Syriens dans les pays voisins de la Syrie (Jordanie, Liban, Turquie…).
Si l’Allemagne s’engage à hauteur de 200.000 réfugiés, la France n’accueillera que 24.000 réfugiés sur deux ans, la Grande-Bretagne 10.000, le Danemark 15.000, le Portugal 1.500 personnes.
Partout, les forces d’extrême droite sont à l’oeuvre pour empêcher cet élan de solidarité en agitant la peur de l’autre, la jalousie et en provoquant des incidents violents dans certains centres d’accueil. Beaucoup de réactions primaires s’expriment sur les réseaux sociaux, reprises par des politiciens aux solutions miracles contre l’arrivée de réfugiés et pour que la France reste aux français. Ces réactions sont indignes de l’Europe et de son histoire. Il faut dire que l’afflux massif en Allemagne en septembre n’a pu être contenu. Angela Merkel a fermé momentanément les frontières allemandes, mettant à mal le principe fondamental de libre circulation des personnes au sein de l’Europe. Pourtant, selon des sondages,80% des allemands sont d’accord pour accueillir davantage de réfugiés, mais un tel accueil s’organise et se planifie et l’Allemagne a été lâchée par la plupart de ses 27 partenaires européens. La série de faits divers dramatiques de l’été, les milliers de morts dans des naufrages sur des embarcations de fortune en Méditerranée, la découverte en Autriche de 71 corps dans un camion réfrigéré n’auront pas eu l’impact de la photo du petit Aylian échoué sur une plage turque.
Les forces d’extrême droite sont à l’oeuvre
pour empêcher cet élan de solidarité
en agitant la peur de l’autre,
la jalousie et en provoquant des incidents violents
dans certains centres d’accueil.
Beaucoup de réactions primaires
s’expriment sur les réseaux sociaux.
Réactions citoyennes
Ce choc insupportable nous renvoie à notre passivité face à un drame humain qui se joue à nos portes. De multiples réactions citoyennes se sont fait entendre dans la plupart des pays européens pour réveiller nos dirigeants et proposer personnellement l’hospitalité aux réfugiés syriens. Il ne faudrait pas que cet élan humaniste retombe. Chaque citoyen doit faire pression sur sa municipalité, pour assurer l’hébergement de quelques familles. Celle-ci, à son tour, doit s’adresser à l’Etat français, pour un véritable engagement au sein de l’Europe, afin d’accueillir dignement les réfugiés fuyant la guerre ou la misère. La Catalogne (Barcelone,Valence, San Feliu de Llobregat, Sabadell…) et Hegoalde (Gazteiz, Irunea, Irun, Eibar…) sont en pointe dans la mise en place d’un réseau de villes-refuges, avec Madrid. Ada Colau, maire de Barcelone en est à l’origine. Elle demande à Mariano Rajoy, d’aider économiquement ce réseau de villes-refuges, rappelant que le gouvernement espagnol a perçu 521,7 millions d’euros de la Commission européenne pour l’accueil des migrants.
En Iparralde, les réactions officielles restent timides ou inaudibles, mais ici aussi, des familles se sont manifestées auprès des associations, proposant d’héberger des réfugiés. Nous attendons des municipalités un élan semblable à celui d’Hegoalde pour apporter des réponses au niveau logistique (logement, transport, cantine…) en lien avec les familles d’accueil et les associations. Des sites internet originaux, “refugee welcome” sur le modèle Airbnb se sont mis en place. La pression de l’opinion publique peut et doit permettre de trouver des solutions politiques et humaines, pour qu’à tous les niveaux, un engagement coordonné permette accueil et intégration des réfugiés fuyant la mort et la misère.
L’Europe peut redécouvrir son âme ou la perdre définitivement.