A la veille de l’importantissime manifestation en faveur de la Collectivité territoriale du samedi 30 novembre à Mauléon, Mixel Berhocoirigoin, président d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara, disait son refus d’accepter sans broncher le niet méprisant de l’Etat jacobin à toute évolution institutionnelle pour Iparralde.
A mon grand étonnement, un proche copain me dit l’autre jour, qu’il ne sentait pas du tout la manif de Batera, qu’il avait des doutes sur la pertinence de cette initiative, et qu’il craignait un échec. J’aurais pu lui répondre : “qui ne risque rien n’a rien !“. Mais cette interpellation nécessite une réponse plus élaborée, d’autant que si lui pense ça, beaucoup d’autres doivent avoir ce sentiment…
Et, du coup, je me suis posé la question de savoir si je n’avais pas inscrit cette manif dans mon agenda et dans ma tête, mécaniquement, parce que je suis un bon élève de Batera. Mais, plus encore, comme j’ai participé, il y a quelque temps, à des réunions qui ont abouti à la décision d’organiser ce rassemblement, je me suis demandé si je n’ai pas contribué, sous le coup de la déception de la réponse négative du gouvernement, ou par volontarisme pas trop rationnel, à une décision qui pourrait se retourner contre nous.
Pire qu’une erreur, une faute
Mais en fait, plus j’y pense et plus je me dis que ça aurait été une erreur, et même une faute, que de ne rien faire, de rester K.O. debout, comme saisis par le revers essuyé après tant de travail à définir la Collectivité territoriale du Pays Basque, après un consensus si large et pluriel, jamais connu auparavant. Déjà là, il y a une raison qui justifie, à elle seule, l’initiative prise! Quand la considération est la même, qu’on ait bossé le projet des mois et des années durant, ou qu’on vienne revendiquer les mains dans les poches et la fleur au fusil. Quand l’accueil est le même, que le projet soit porté par la grande majorité des élus et des représentants socioprofessionnels, ou par le comité des fêtes d’un quartier quelconque, il y a un réflexe, simplement humain, de réaction , d’innacceptabilité de la chose. Il y a simplement la nécessité de dire non ! On n’accepte pas ! On mérite mieux que ça, sur la forme et sur le fond !
Mais, il n’y a pas que ça ! Nous essuyons des averses, les une après les autres ! Les doigts des deux mains ne suffiront bientôt plus pour compter les désaveux, les esquives, les silences : la Collectivité, le découpage des cantons, la chambre d’agriculture du Pays Basque, les ikastola, la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le processus de paix… Le parti au pouvoir n’a pas de chance ! Toutes ces bombes lui pètent à travers la figure en même temps ! Et, j’ai envie de dire que ce n’est presque pas sa faute ! Ce n’est pas une absolution mais le triste constat d’une réalité : les pouvoirs passent et se succèdent, l’Etat jacobin reste !
Processus parallèles
Je l’ai déjà exprimé, et chaque fois les faits renforcent mes convictions. Il y a deux processus qui avancent en parallèle : l’un ici, dans ce Pays Basque où des initiatives sont prises pour construire pierre par pierre ce pays, dans le consensus le plus large possible ; l’autre dans les lieux de pouvoir, à Paris surtout, mais pas que… Là, il n’y a pas d’alternative, surtout dans la conception de l’organisation du pouvoir, il n’y a que des alternances. L’Etat jacobin est une pieuvre tellement adulée et alimentée par tous ceux qui aspirent au pouvoir, qu’à son tour il formate tous ceux qui arrivent au pouvoir, quelle que soit leur sensibilité ou leur personnalité. Ce ne sont plus les gens qui font le système, c’est le système qui fait les gens ! Et les rares personnalités qui tentent la jonction entre les deux processus, se heurtent au mur de la raison d’Etat jacobin.
De temps en temps, il y a des jonctions entre les deux processus, celui d’en bas et celui d’en haut, mais généralement ce sont des jonctions conflictuelles, parce que le processus d’en bas, dans son évolution, heurte les bornes du jacobinisme. Lorsque cette situation conflictuelle éclate, on peut se trouver avec un pouvoir de gauche, ou bien de droite. Le dossier Collectivité arrive à maturité quand la gauche est au pouvoir : à elle de gérer cela bêtement ou avec intelligence. Hier c’est le dossier Laborantza Ganbara qui arrivait à maturité quand la droite était au pouvoir, on connaît l’histoire…
Créer des situations plus inédites et plus compliquées pour le pouvoir….
Alors ? Tout est figé pour des siècles et des siècles? J’ose dire que non ! Parce que l’Histoire n’est pas figée, et que ce que nous demandons est inscrit dans le processus de ce pays. Je ne sais pas comment l’obstacle sera franchi… Sera-ce un concours de circonstances? La lucidité et l’écoute dont on veut croire que le pouvoir est capable ? Notre imagination et énergie collective qui sont à même de créer les situations les plus inédites et les plus compliquées pour le pouvoir ? Ce qui est certain, c’est que demain il y aura suffisamment de choses qui convergeront, de l’intérieur ou de l’extérieur, programmées ou pas, pour que ce qui paraît impossible aujourd’hui, soit possible demain. D’ici là, il faut tenir, et probablement mener une grosse bataille.
Pour que ce possible puisse effectivement l’être, la première chose à faire, c’est montrer qu’on n’est pas prêt de laisser tomber l’affaire !
Et, pour ça, il faut être le 30 à Mauléon, à ce rassemblement qui n’est pas contre quelqu’un, mais pour la Collectivité, pour la démocratie, pour le respect de ce territoire… Comme le 1er juin à Bayonne.