Quel potentiel onirique génère une découverte archéologique face à celui d’une phase finale de Coupe du monde de football ? D’un jeu de pieds à la main d’Irulegi, il y a bien une connivence dans la charge émotionnelle, cette passion qui participe à la construction d’une identité nationale.
Le mois de novembre aura cette année charrié coup sur coup au Pays Basque deux événements de nature et de portée totalement différentes, dont la mise en regard pourra paraître incongrue mais qui au contraire me paraît assez évocatrice sur le plan des constructions nationales.
La petite main et le gros ballon rond
À la mi-novembre, voici qu’est mise au jour à Irulegi une petite main en bronze sculptée qui révolutionne la connaissance que l’on pouvait jusqu’alors avoir des premières traces écrites en langue basque.
Un mot, un seul mot… mais dont l’apparition quasi providentielle touche au coeur tous les amoureux de l’euskara et de l’histoire du peuple basque.
Quelques jours plus tard, à une poignée de kilomètres d’Irulegi, survient un tout autre événement, celui-là prévu depuis plusieurs années : l’ouverture de la phase finale de la Coupe du monde de football.
Loin de moi l’envie de me lancer ici dans le débat de savoir s’il fallait ou pas boycotter l’événement – chacun a son idée sur la question, moi compris.
À ce stade, on peut légitimement se demander ce que le second événement peut bien avoir en commun avec le premier, et par conséquent s’interroger sur la santé intellectuelle de l’auteur de ces lignes. La réponse pourra paraître tirée par les cheveux mais elle m’a pourtant sauté aux yeux dans la concomitance des deux nouvelles et surtout dans l’inégale intensité de leur impact au Pays Basque.
D’un côté, une découverte archéologique majeure pour l’euskara. J’ai écrit qu’elle avait touché au coeur tous les amoureux de l’euskara, ce qui me semble être bel et bien une réalité ; mais parmi les trois millions d’habitants d’Euskal Herria, que représentent ces amoureux de l’euskara en valeur absolue et même en pourcentage, une fois descendu en entonnoir des habitants dans leur ensemble aux seuls locuteurs bascophones, puis plus probablement aux locuteurs actifs voire à ceux d’entre eux susceptibles d’être réellement sensibles à ces « vieux trucs d’intellos » ?
Et encore y a t-il assurément une différence entre le public d’Hegoalde, où se situent la majeure partie des lecteurs d’Argia ou Berria – qui ont consacré une véritable place à cette vénérable main de bronze – et celui d’Iparralde où seul Mediabask l’aura véritablement couverte(1).
En caricaturant, combien de gens en Iparralde auront évoqué la main d’Irulegi au dîner, de sorte que l’on puisse parler d’une passion animant réellement la communauté basque ?
Car de l’autre côté, le Mondial suscite bien, lui, une passion collective. À cette heure je ne sais pas à quel niveau de la compétition parviendra l’équipe de France, mais gageons que si elle arrive jusqu’à la finale, voire remporte le titre, on aura droit à nouveau à cette ferveur nationale déjà vécue en 1998 et 2018. Si l’on perçoit la découverte d’Irulegi et le Mondial par le prisme de l’enthousiasme patriotique que chacun suscite, la main paraît bien petite face au gros ballon rond.
Une communauté de rêve
Le parallèle ne vaut pas grand-chose en soi, j’en conviens. Mais il symbolise cette asymétrie que subit l’idée de nation basque par rapport à l’idée de nation française dans leur capacité respective à susciter des passions collectives.
J’ai bien dit « idée » et j’insiste, car aucune nation ne peut revendiquer de fondement objectif et ne germe et se développe que par sa capacité à donner envie de s’y reconnaître collectivement, en une « communauté de rêves » lui permettant de dépasser le seul stade de l’idée, comme le disait joliment Malraux.
L’idée de nation basque produit ses rêves et ses passions collectives, bien sûr. À mes yeux la plus puissante est korrika ; chacun pourrait sûrement citer les siennes, mais si peu dépassent réellement le seul microcosme abertzale ou euskaltzale…
À l’image de la main d’Irulegi – qui a autant passionné mon beau-frère que le résultat du championnat indien de criquet –, que propose la communauté de rêves basque à la population d’identité française ou espagnole vivant au Pays Basque, qu’elle souhaiterait convaincre ? Quel potentiel onirique génère une découverte archéologique face à celui d’une phase finale de Coupe du monde de football, pas seulement dans le nombre de gens concernés mais surtout dans la charge émotionnelle qui leur est destinée ?
Du pain, des jeux, de l’opium
Les communautés humaines, en tout cas en Europe, ne vibrent jamais autant que dans des stades, des salles de concert, ou – désormais à un moindre niveau – des églises. Quoi de plus puissant que l’expérience individuelle d’une ovation partagée au milieu de 80 000 personnes après un but, ou celle d’un refrain chanté à l’unisson dans une salle de spectacle surchauffée ?
Toute cette sève mise au profit d’une idée nationale – ne serait-ce que parce que c’est le 15 de France qui joue ou qu’on offre des funérailles nationales à Johnny Hallyday – fait davantage pour cimenter une nation française que tous les discours du 14-Juillet, en France comme en Iparralde.
L’idée de nation basque, quelle que soit la manière de la définir, ne joue pas dans la même catégorie. Comme les autres, elle a besoin de faire rêver. Et ce ne sont pas les seuls discours sur l’évolution institutionnelle, le logement ou la gestion de l’eau en régie qui y parviendront.
Il faudra du pain, des jeux, du spirituel.
Comme ces footballeurs algériens qui étaient sélectionnés pour la Coupe du monde sous le maillot français en 1958 mais choisirent de fuir clandestinement pour constituer une équipe algérienne sans avenir sportif mais au parfum de libération à venir.
Comme la célèbre équipe sud-africaine de rugby de 1995, fondement d’une nouvelle nation arc en ciel.
Comme Mohamed Ali ou James Brown, dont la fierté noire inspira au Pays Basque un certain « Esan ozenki : Euskalduna naiz eta harro nago! » On n’y échappera pas : nation rime avec passion…
(1) Depuis la rédaction de cette chronique, Sud-Ouest a réalisé un reportage sur le sujet.
Comment construire une identité nationale ?
Voila une bonne question !
Nous ne sommes pas une nation , nous sommes un peuple , née il y a 40 000 ans , de la rencontre d’un petit groupe d hommes et de femmes avec cette terre magnifique . Il nous faut d abord consolider se peuple , qu’il soit maitre sur sa terre ! Bien sur un peuple , qui permet a l’étranger , avec le temps de devenir basque . Et le peuple et la nation ne ferons qu’un !
Mais notre problème a nous , c’est que le monde Abertzale ne croit pas lui méme en la victoire ! Et dans ce cas la comment convaincre la totalité du peuple basque , et ceux qui souhaite le devenir , que notre projet est le meilleur ! Nous Abertzale , nous sommes faibles , corruptibles , diviser , a chercher des excuses , des compromis ! Et nos ennemis le savent et il en profites !
Pour preuve la création des groupes politiques a la CAPB , sur le papier nous sommes nombreux , la réalité me fait honte !!!
Sorioneku Peio, sorioneku urte berriari eta sorioneku euskal kulturak, bat-batean, hartzen duen zahartze baliosgarriari. Eta, nolaz ez, sorioneku Enbata eta Mediabaske agerkarieri, beren kazetalari eta irakurleeri.
Aupa sorioneku !