Le double CD, portant la voix de Michel Labéguerie et de son fils Peio, vient marquer le centenaire de celui qui révéla, par le chant, l’abertzalisme en Iparralde.
Voilà Michel Labéguerie (1921 Ustaritz- Toulouse-1980 Cambo-les-Bains) revenu sur le devant de la scène par le biais d’un double CD et la voix de son fils Peio. Ce dernier a repris le répertoire de son père-compositeur, doublé d’un médecin devenu homme politique au parcours classique (député, conseiller général, maire, sénateur- courant démocrate-chrétien), bien ancré dans la terre basque de ses ancêtres.
“Sa” terre basque qu’il mythifiait au fil de compositions interprétées avec accompagnement à ce moment-là très innovant, à la guitare sèche. Il aimait Brel, Brassens et leur guitare. Il aurait eu 100 ans cette année.
Nous étions là dans les années 60, alors que la nouvelle chanson basque n’allait pas tarder à prendre son envol de part et d’autre d’une frontière rigide, qui se voulait (entre autres), totalement étanche aux nouveaux concepts portés par les courants nationalistes abertzale.
La nouvelle chanson basque, elle par contre, allait connaître ses grands moments les plus revendicatifs dans les années 70 et 80.
L’effet Labéguerie
Quelques années plus tôt, l’effet Labéguerie avait donc “pris” en Pays Basque nord et sud, porté par une voix chaude, enveloppante. Rien de sophistiquée. Les mots s’égrenaient naturellement pour dire la vie quotidienne certes, mais aussi les aspirations d’une société traditionnelle rattrapée par des courants novateurs, secouée de nouvelles inquiétudes et exigences identitaires.
Le dernier chant du livret accompagnant l’album s’intitule Gazteri berria (“Nouvelle jeunesse”). Voilà un paysan interpellé par son enfant : “Aita zer egin dugu gure lur maitea Kanpokoari saldu, oi dohakabea!” (“Père qu’as-tu fait de notre terre ? Tu l’as vendue à un étranger, quel malheur !”).
La colombe de la Paix
Le livret ouvre sur un chant dédié à la province de Navarre (Nafarra, oi Nafarra !) considérée comme la terre-mère ancestrale du Pays Basque, symbole d’un royaume qui n’en n’a plus que le nom, fauché par les avatars de l’Histoire. Ce condensé de Michel Labéguerie abrite aussi Xorieri mintzo zen (“Il parlait aux oiseaux”). Ou bien encore Bakearen urtxoa (“La colombe de la paix”, composée avec Piarres Larzabal), appel aux Basques à ne pas s’arrêter sur la noirceur de la nuit mais à s’arrêter sur les étoiles qui leur appartiennent. (“Oi Euskaldunak. Ez beha gaur beltzari, Bainan bai izarreri, Bakea dela zueri !”). Les images sont fortes. Il est vrai qu’à l’époque, l’Espagne bien que s’ouvrant au tourisme était encore en plein franquisme, alors que la France affrontait les séquelles de la guerre d’indépendance algérienne et voyait ses campagnes se vider inexorablement.
Peio Labéguerie a donc rassemblé ce florilège d’une vingtaine de chants, largement empreints de poésie et de symbolisme, ancrés dans un Pays Basque de début de deuxième moitié du XXe siècle, en pleine mutation.
La plupart de ces textes qu’il interprète fidèlement, à la façon de son père, n’ont rien perdu de leur modernité. Plus d’un demi-siècle après, ils n’en sont que plus pertinents. Ils nous parlent en toute simplicité, sans fioritures inutiles!
Le CD : Michel iturri Labeguerie Peyo semea kantari. Accompagnement Juantxo Zeberio, Arkaitz Miner, Pello Ramirez, Amaiur Crajaville. Arrangements Michel Ducau.