Mémoire sans visage

P9-ONDARROA-AMB (2)Quand des mains vieillies et usées de ramendeuses nous disent mieux que mille discours. Elles nous parlent de la nécessité de nourrir notre mémoire collective. « Mural » à Ondarroa.

C’est à Ondarroa (en Biscaye), que se dresse désormais l’un des plus beaux murs qui soient, classé troisième au palmarès du concours 2022 Street Art Cities.

Aujourd’hui, l’art mural, moins politisé et subversif qu’il ne l’était dans les années 80-90 en Pays Basque sud, n’est pas un art mineur même s’il a été longtemps considéré comme tel ! Il est en effet parvenu à s’imposer, en milieu urbain essentiellement.

Le street art a fleuri en Euskadi et en Navarre, de même qu’à Bayonne, bien que beaucoup plus tardivement.

Arte grafikoa, la peinture murale en extérieur, a investi non seulement les capitales basques, mais aussi de plus petites cités telles que Ondarroa et Pasaia en Euskadi ou bien encore Tudela en Navarre. Tudela où cet art de la rue semble particulièrement fécond. Ondarroa et ses 8 000 habitants, rendent hommage à leur mémoire ancestrale, à celle qu’évoquent deux mains ridées et usées de femme, cette « redera » penchée sur un ouvrage à première vue on ne peut plus banal. Il s’agit en effet d’une résille à grosses mailles de filet de pêche traditionnel. Mains en noir et blanc. Filet gris-noir, rehaussé de quelques petites touches de couleurs vives : bleu, jaune, rouge, vert… On devine un buste penché sur les genoux d’une femme sans visage. Elle n’est à la fois personne et « toutes », puisque la voilà à elle seule, symbole de générations de femmes de pêcheurs basques à la tâche, souvent à même le sol sur les quais.

Un musée chimérique

« Nous sommes notre mémoire, nous sommes ce musée chimérique de formes inconstantes, cet amas de miroirs brisés… » Ces mots sont signés Kirmen Uribe. Ils accompagnent une citation de José Luis Borges (1969), figurant elle aussi sur la fiche apposée au bas de cette scène de la vie locale sans âge découverte à Ondarroa. « Contempler les choses, penser qu’elles ont été là autrefois et qu’elles resteront probablement au même endroit à l’avenir » nous dit ainsi José Luis Borges.

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Mur aveugle et gris, dressé à la frange du quartier populaire Kamiñazpi. On le découvre sur un immeuble plutôt récent, au pied d’une route étroite, à la sortie de la ville, direction Bilbao. « Ces mains ont été et seront celles de beaucoup de femmes dans ce village, nous rappelle en quelque sorte cette inconnue sans visage. Elles forgent une réalité en même temps qu’elles foulent de vieux schémas, basés sur l’oubli et la perte de visibilité ». Le « mural » de l’artiste catalane Lian Monserrate, se trouve à environ deux kilomètres du port dont l’activité s’est peu à peu réduite au fil des dernières décennies. Il n’en reste pas moins l’un des plus emblématiques de toute la Côte Basque.

À Pasaia et Tudela aussi

À quelques kilomètres d’Ondarroa, à Pasaia, surgit ce visage découvert sur un mur de la Casa Txirita dans le quartier Trintxerpe. C’est celui d’une très jolie jeune femme, une joyeuse allégorie de la musique avec clef de sol, classée 10e sur la liste des 100, diffusée par Street Art Cities. Le « mural » réalisé par le très jeune Nextor Otaño Nexgraff, avait été commandité par l’association Musical Illumbe pour ses 50 ans.

La capitale de la Ribera navarraise est loin d’être en reste ! Après avoir organisé une série de rencontres annuelles baptisées « Avant-garde », elle a innové en octobre dernier, avec un Festival d’art urbain. Avec ateliers et rencontres d’artistes à la clef dans une ancienne église du XVIe. Tudela n’a fait qu’ajouter à son patrimoine graphique : façades et pans de murs vides finissent par parler à tout un chacun. La Place emblématique de los Fueros a cependant conservé sa physionomie de toujours. Les porches modernes de la Place de la Constitucion de Tudela ont pris de la tonicité, tout comme deux façades aveugles d’une morne barre d’immeuble. Elles offrent un immense tableau intitulé « La taberna de Platon ». On y voit trois habitants de la cité conversant autour d’une table ronde et d’un verre. Évocation d’une scène à la flamande mais vue par un oeil du XXIe siècle. Signé Slim Safont et Wado Goas. Classée 6e parmi les 100 meilleurs graffitis du moment, toujours sur la liste Street Art Cities.

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