Je voudrais jeter un regard sur ces élections où nous avons obtenu des résultats remarquables : 18.224 voix soit 17,40% (17.774 ou 16,09% pour EH Bai et 1445 soit 1,31% pour EAJ présent sur 4 cantons).
Qu’ils sont loin ces temps, pourtant si proches, où personne, sinon des kamikazes, n’osait s’aventurer candidat, se sachant condamné à patiner irrémédiablement en dessous des 5% nécessaires pour avoir les frais remboursés !
Je pense à ces législatives de 1978 ou Manex Goyhenetxe avait fait 3,02% dans la 4ème circonscription. Avec ses 6,1%, le canton d’Iholdy fut le sommet de l’Himalaya pour Battitta Larzabal sur la 6ème. Il fallait être inconscient pour se lancer dans l’aventure.
Et voilà qu’en 1985 “avec Marie-Andrée Arbelbide et Jakes Aurnague est brisé pour la première fois l’image de ghetto et de marginalité que de l’extérieur on collait avec délectation à notre famille de pensée” écrira Enbata. Jakes fit 11,5% sur Garazi et Marie-Andrée 16,5% sur Iholdi.
Depuis, les abertzale n’ont cessé d’avancer du pas lent et sûr du boeuf tirant la charrue.
Avec 17,4%, nous voilà à l’ère du tracteur. Une seule commune en dessous des 5% fatidiques, Boucau !
Même Baiona dite La Gasconne et Montori la Béarnaise titillent les 10% avec 9,83 et 9,94% !
Hiriburu, Suhuskune, Lekunberri, Gamarte, Izura, Bunuze, Muskildi, Lexantzü dépassent les 50%. Beskoitze, Aiherra, Izturitze, Aintzile, Behorlegi, sont à 40%.
La voix mythique de Hozta a été multipliés par onze !
Comment expliquer ce nouveau bond après l’avancée remarquable des municipales ? Le spectre de la lutte armée qui effrayait tant de gens a définitivement disparu du paysage. Quand on se sent basque, on n’a plus honte de le montrer. Et les abertzale ont montré leur efficacité, même hors du pouvoir : Herrikoa, ELB, Seaska, radios, AEK, Eusko, Bizi …
Et puis, avouons-le, des voix qui ailleurs auraient été au Front National ont trouvé ici un exutoire plus acceptable à leur mécontentement.
M. Vals stigmatise le FN. Le problème n’est pas là. Il est dans cette vie politique que seuls quelques inconditionnels peuvent supporter.
Qui a élu président de l’Europe le chef d’un Etat “paradis fiscal”, tandis qu’augmentent les impôts du commun des mortels ? Qui a mis à la direction de la Banque Centrale Européenne un ancien dirigeant de la banque Goldman Sachs dont le dernier exploit a été d’aider la Grèce à camoufler ses comptes pour entrer dans la CEE ? Comment comprendre que députés ou anciens ministres coupables de fuite de capitaux, détournement de fonds publics etc…continuent libres, touchant leur grasse paie alors qu’un bougre quelconque est convoqué en comparution immédiate pour une bicyclette?
Et nos élus parlent-ils en notre nom ou obéissent-ils au doigt et à l’oeil aux apparatchiks de leur parti ? Et j’en passe.
Et maintenant ? Si les gens votent FN ce n’est pas qu’ils sont fascistes, c’est qu’ils sont las d’attendre et veulent que cela change enfin. On ne gagne pas en bottant en touche. Pas plus que l’on ne résout le problème basque par la répression. Les énarques mettent les bâtons dans les roues des ikastola, convoquant au tribunal des gens élus démocratiquement, qui n’appliquent pas à la lettre une vieillotte loi Falloux, enfant du dictateur Napoléon III, alors qu’ils sablent le champagne avec des élus qui refusent impunément les logements sociaux, ou les aires de stationnement pour les nomades, exigées par des lois très actuelles? Que les abertzale fassent 42,85% précisément à Baigorri, 35,08% à Hélette ne leur ouvre-t-il-pas les yeux sur l’efficacité de ces pratiques ?
La consigne des abertzale chimiquement purs de ne pas voter socialiste au second tour m’a rappelé celle des Herri Talde prônant l’abstention en 1985.
D’accord pour ne pas oublier les huées des municipales. Mais les socialistes seraient-ils tous des identitaristes franchouillards ? Avec qui faire une majorité en faveur de l’euskara et de la territorialité ? Ne tombe-t-on pas de Charybde en Scylla ?
Je voudrais aussi rappeler que la victoire politique n’est pas notre but. La politique doit être au service de peuple basque et de sa langue. Comment dénoncer la diminution des terres agricoles, sans dire un mot de la venue prochaine de 40.000 nouveaux habitants. Logeront-ils dans des dirigeables ? Iront-il grossir le nombre des chômeurs en ces temps d’une crise que l’on dit profonde?
Et pour finir, j’ai été profondément choqué de voir un parti abertzale envoyer aux radios basques un interlocuteur incapable de parler la langue qu’il exige que les autres défendent. J’ai ressenti cela comme un viol de nos radios.