Il paraissait évident que le scrutin législatif espagnol du 20 décembre déboucherait sur une crise gouvernementale. En mettant fin au bipartisme démocratique de l’après-franquisme, il ne pouvait accoucher que d’une formule de coalition, aucune formation, de gauche ou de droite, n’ayant suffisamment de poids pour s’imposer. Nous sommes parvenus aujourd’hui au coeur de cette crise, le leader conservateur du PP, Mariano Rajoy, ayant jeté l’éponge vendredi 22 janvier. Basques et Catalans ont là une opportunité pour faire avancer leur cause car la nouvelle gauche Podemos entend vider l’abcès de l’indépendantiste catalan par la mise en oeuvre d’un référendum d’autodétermination.
Podemos et son leader Pablo Iglesias ont les clés d’une éventuelle coalition gouvernementale. Le théâtre d’ombres s’est enfin dissipé au bout de trois semaines. L’échec de Mariano Rajoy a aussitôt permis à Pablo Iglesias d’avancer ses pions devant le roi en proposant au PSOE de prendre la présidence du futur gouvernement dont il serait lui-même vice-président. Ce dernier est ainsi placé devant ses responsabilités, soit assurer encore un rôle majeur dans la politique espagnole ou, en cas de refus, risquer, par de nouvelles élections, de reculer pour une troisième fois successive au point de subir le sort du parti frère grec, le PASOC, avalé par l’émergence de Syriza.
Etre premier ministre ou disparaître, tel est le sort de Pedro Sanchez, jeune premier secrétaire du PSOE. Hélas pour lui, cette architecture politique n’est pas neutre car elle se double, par la volonté de Podemos, d’une architecture institutionnelle sacrilège ouvrant les voies démocratiques à la sécession de la Catalogne.
L’habile dialecticien de Podemos parviendra-t-il à convaincre le PSOE qu’un scrutin d’autodétermination ne débouche pas forcément sur un résultat indépendantiste positif comme au Québec ou en Ecosse? Ce scrutin peut, au contraire, purger le débat espagnol de l’irrédentisme catalan et basque pour une longue séquence historique.
On doit aussi envisager à ce stade une récupération des indignés de Podemos par le système qu’ils veulent détruire. Parvenus aux portes du pouvoir, mettront-ils toujours en avant le scrutin catalan qui révulse les socialistes? Sacrifieront-ils les délices de ministères régaliens au risque de désespérer leurs bases électorales parvenues à s’imposer comme première force politique en Catalogne et au Pays Basque? Se replieront-ils sur la création, comme actuellement revendiquée, d’un ministère de la pluri-nationalité, gadget de substitution?
Une coalition étant par nature construite sur des concessions réciproques, qui du PSOE abandonnera le dogme de l’unité de l’Espagne ou de Podemos renoncera à la rénovation d’une société bloquée et corrompue? Reste que cette éventuelle coalition ne peut mathématiquement se faire que par l’addition des deux partis de gauche augmentée d’une bonne pincée de parlementaires nationalistes catalans, basques et quelques autres. Ce supplément indispensable sera, de fait, le meilleur garant de la prise en compte du principe de référendums indépendantistes. Un gouvernement majoritaire doit en effet réunir 176 des 350 députés des Cortes. Or les 90 élus du PSOE et les 69 de Podemos ne peuvent à eux deux atteindre cette majorité. Vraisemblablement les parlementaires nationalistes basques peuvent devenir acteurs de ce retournement historique de la politique espagnole. Cela viendrait s’inscrire dans un changement de climat, reflet du dénouement du dernier procès basque de Madrid où Aurore Martin, Haizpea Abrisketa et leurs co-accusés ont évité la prison au prix d’un renoncement réciproque de l’Espagne et de la gauche abertzale à leurs positions antérieures. Rarement conjoncture politique madrilène n’a autorisé tant d’espérance au Pays Basque. Et si le siphonnage des voix de la gauche abertzale par Podemos parvenait à modifier la nature des rapports de notre pays avec l’imperium castillan ?