La création, le 1er janvier 2017, de la Communauté d’agglomération Pays Basque, est un pas historique à plusieurs égards. Les murailles séculaires de Vauban qui ont abrité, le 23 janvier dernier, l’élection du président de la nouvelle collectivité territoriale, balisent idéalement cette étape qui constitue un rempart défiant le temps. “On ne reviendra pas sur cette Communauté” assure Jean-René Etchegaray, élu au faîte de cette fortification qui façonne plus sûrement l’avenir du Pays Basque dans la vaste Région Nouvelle-Aquitaine. Mais cette pierre à l’édifice jalonne aussi le long chemin d’un territoire en quête de reconnaissance institutionnelle et matérialise une revendication qui a traversé les siècles depuis la Révolution française.
Comme si cette sortie animée du député basque Dominique-Joseph Garat, le 12 janvier 1790, lors des Etats Généraux de l’Assemblée Nationale qui entérinaient la création du département des Basses-Pyrénées et le rattachement du Pays Basque au Béarn, trouvait enfin une réponse. “Ma province proteste…” lançait-il à l’assemblée, avant d’être vigoureusement interrompu.
Une interruption de plus de deux siècles qui n’a jamais tu la protestation. Si les temps de la Révolution n’étaient plus aux privilèges et au statut particulier des Basques, l’heure était déjà à la conscience de disparités entre les territoires basques et béarnais et à la demande d’un département Pays Basque, sur des bases sociologiques, économiques, agricoles, culturelles et même pratiques.
Pas étonnant que cette revendication fut portée par la société civile et le monde économique avant que les politiques ne s’en mêlent une nouvelle fois.
Dans le milieu des années 70, le président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Bayonne, Jacques Saint-Martin, cristallisait cette aspiration rationnelle.
En 1981, la création du département Pays Basque intégrait les “110 propositions pour la France” du candidat à la présidentielle François Mitterrand, lequel y renonça à la demande du gouvernement socialiste espagnol de Felipe Gonzales.
Mais la réclamation était passée au premier plan.
Au début des années 90, la promulgation d’un “pays” Pays Basque, sur arrêté préfectoral délimitant administrativement, pour la première fois, le territoire des trois provinces, permit la création du Conseil de développement et du Conseil des élus avec, à la clé, le développement de projets pour le territoire.
Contrat de plan Etat-Région, convention spécifique Pays Basque, création du Conseil de la langue basque et de l’Office public de la langue basque, ont marqué les années 2000, sur fond de manifestations monstres, d’instauration aux forceps d’une chambre d’agriculture alternative du Pays Basque (Laborantza Ganbara), d’actions retentissantes de désobéissance civile des Démos et de regroupement des élus de toutes tendances favorables à la création d’un département au sein de la plateforme Batera.
En 2010, la fin annoncée des “pays” et l’affaiblissement des départements ont fait évoluer la revendication vers une collectivité territoriale à statut spécifique, sur le modèle de la Corse.
La Communauté d’agglomération Pays Basque n’a pas autant de compétences mais valide les frontières d’un territoire qui porte un projet et l’inscrit dans le sens de son histoire.
R.R.