Pierre Recarte vice-président du CADE
SNCF Réseau vient d’acquérir une propriété sur le fuseau de la LGV. Preuve est donnée que le projet n’est pas abandonné, loin de là.
Coup d’œil sur un passé récent
Après l’avis défavorable de la commission d’enquête publique, le 2 juin 2016 a été signé « le décret déclarant d’utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation des lignes ferroviaires à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax ».
Concernant le tronçon Dax-Espagne, aucune décision n’est prise et l’enquête publique n’a même pas eu lieu.
Le Conseil d’Orientation des Infrastructures mis en place par le gouvernement a remis son rapport le 1er février dernier. Retenant 3 scénarios selon le montant des investissements sur 20 ans (à 48 milliards, à 60 milliards ou à 80 milliards) il semble nettement opter pour le scénario n°2.
La priorité est donnée aux nœuds ferroviaires puis à des tronçons de lignes nouvelles à grande vitesse. Concernant le GPSO, la priorité sera dévolue aux aménagements en sorties de Bordeaux et Toulouse pour lesquels les tribunaux administratifs ont annulé la déclaration d’utilité publique. La ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse est à nouveau considérée comme prioritaire mais sa construction se ferait en deux phases et serait repoussée dans le temps.
Quant au projet de LGV Bordeaux-Dax, le Conseil indique clairement : « l’opportunité de ligne nouvelle doit être réinterrogée à plus longue échéance. Il semble en effet au Conseil que moyennant des travaux de relèvement de vitesse sur la ligne classique, il est possible d’obtenir quasiment les mêmes bénéfices qu’une ligne nouvelle à un coût bien moindre. Dans les faits, l’infrastructure nouvelle ne serait justifiable que par la saturation de la ligne existante, notamment pour répondre aux besoins de fret, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui et ne semble pas envisageable avant un avenir lointain ».
Ce rapport s’inscrit dans la continuité des nombreux rapports officiels qui prônent l’abandon des LGV désormais trop coûteuses et non rentables.
En novembre 2011, Thierry Mariani, ministre des transports met en place un Observatoire des trafics transfrontaliers destiné, selon l’Etat, à fixer « l’horizon de pertinence d’une nouvelle infrastructure ferroviaire entre Bordeaux et l’Espagne. ». Lors de la séance du 25 juin 2014, les chiffres présentés par la DREAL ne vont pas dans le bon sens : baisse conséquente du nombre de trains de fret à Dax (49,3% entre 2006 et 2012) et baisse de 21% du nombre de voyageurs entre 2006 et 2015 dans les gares de la côte basque. Depuis l’Observatoire est mis en sommeil et la ministre des transports n’a pas répondu à notre demande de le réactiver.
Coup fourré dans un proche avenir ?
Cette détermination à acquérir des propriétés sur le fuseau, pose question, même si SNCF Réseau se cache derrière un « fond de solidarité ».
Le président de la République annonçait, lors de l’inauguration de la LGV Paris-Rennes, qu’il entendait mettre la priorité sur « les transports du quotidien » plutôt que sur de nouveaux « grands projets tels que la LGV ». Il n’entendait pas « relancer de grands projets nouveaux mais s’engager à financer le renouvellement des infrastructures ».
« On a sacrifié le réseau existant au profit des lignes à grande vitesse. C’est aussi cela que nous voulons changer » martèle sans relâche la ministre des Transports, Elisabeth Borne, depuis le lancement des Assises de la mobilité. Tout le monde s’accorde pour constater que c’est notamment la création des LGV qui a creusé la dette de SNCF Réseau.
Le Premier ministre souhaite « que chaque euro qui finance le service ferroviaire soit dépensé efficacement » et annonce que l’Etat reprendra une grande partie de la dette abyssale de la compagnie.
Alors comment laisse-t-on SNCF Réseau perclus de dettes continuer d’acquérir des propriétés dans un secteur où l’enquête publique ne s’est pas encore déroulée ? Comment laisse-t-on SNCF Réseau continuer d’investir dans un projet censé voir le jour dans un avenir lointain ou qui sera rangé dans les oubliettes ?
Que dissimule cette complicité ? La volonté affichée de changer de politique en matière de transport ferroviaire est-elle réelle ?
Les citoyens que nous sommes s’interrogent et en appellent à leurs représentants élus Vincent Bru, Florence Lasserre-David, Max Brisson et Frédérique Espagnac pour qu’ils apportent des réponses claires.
« La conséquence de la politique de la continuelle dissimulation est tragique » disait Pierre Mendès France avant de renchérir « Une démocratie, parce que sa force est dans l’adhésion populaire, ne peut fonctionner que dans la confiance du peuple ce qui exige la loyauté de ses dirigeants »
Un avertissement que nos responsables politiques feraient bien de méditer en ces périodes incertaines …
Où ont été faites les acquisitions “des propriétés dans un secteur où l’enquête publique ne s’est pas encore déroulée ?”