De l’enseignement aux médias, le monde bascophone souffre d’un manque crucial de moyens publics quand les politiques linguistiques promettaient d’être ambitieuses. Une manifestation est organisée le 22 avril à Bayonne.
C’est de saison. Avec l’arrivée du bac et du brevet, les élèves bascophones doivent encore ferrailler pour passer les épreuves dans leur langue d’apprentissage, ce qui semblait pourtant acquis à toute logique et même inscrit dans une convention passée avec le gouvernement français. Si le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, semble jouer la carte de l’apaisement en assurant, il y a quelques semaines, que les épreuves de sciences du brevet ne seraient plus corrigées par des professeurs non-bascophones, les collégiens n’en démordent pas, qui prévoient déjà la bataille du bac dans trois ans et une descente symbolique, depuis l’Académie de Bordeaux jusqu’à Bayonne, en vélo. Plus globalement, c’est toute la géographie du monde euskaldun qui souffre d’un manque de moyens et de reconnaissance et d’un mépris affiché jovialement depuis l’élection, en 2017, d’Emmanuel Macron. Après les fausses promesses, les lettres sans réponse, les rassemblements, les occupations, l’envoi des forces de l’ordre, les sournoiseries administratives ou judiciaires, la coupe est pleine et la colère des défenseurs de la langue basque promet de converger, ce samedi 22 avril, dans une grande manifestation bayonnaise.
Précarité générale
Dans ce grand malaise, le blocage actuel des épreuves du bac en langue basque n’est au fond qu’un symptôme de la précarité générale du mouvement associatif en faveur de la langue basque. Malgré les nombreuses initiatives pour défendre ce droit, malgré une convention triennale signée en 2019 entre l’Office public de la langue basque, le ministère de l’éducation et Seaska, malgré une circulaire du même ministère, datée de décembre 2021, indiquant que « les élèves ayant suivi ce cursus bilingue peuvent présenter au baccalauréat des épreuves en langue régionale », la politique linguistique française envers les langues de son territoire reste celle du cause toujours. Et les institutions locales ne brillent guère davantage.
Si la Communauté d’agglomération Pays Basque a pris parti pour défendre les épreuves du brevet en basque, en fournissant notamment correcteurs et locaux et en organisant une remise symbolique de diplômes, les collectivités locales restent globalement passives face au lent déclin du dispositif linguistique basque. L’Office publique de la langue basque (OPLB) attend depuis 2017 et le renouvellement de son contrat territorial, une augmentation conséquente de son budget —au moins un doublement selon le constat des élus locaux—, afin de développer ses missions. Mais sept ans plus tard, ni l’Etat, ni le Conseil Régional, ni le Conseil départemental, ni la Communauté d’agglomération Pays Basque, qui supportent l’association à parts égales, n’ont mis la main à la poche pour permettre à ce Groupement d’intérêt public de mener pleinement ses actions en faveur d’une politique linguistique ambitieuse.
Blocages
Victime collatérale de ce manque de moyen, la subvention à AEK de l’OPLB stagne, alors que l’enseignement de l’euskara aux adultes se développe et que ses coûts augmentent. La feuille de route de l’association, qui dispense quelque 30.000 heures de cours à 1400 adultes, a dix ans de retard. Même blocage du côté d’Uda Leku. Si les besoins de loisirs éducatifs en euskara ne cessent d’augmenter, les subventions publiques font défaut. L’association a cumulé 16.153 journées enfants en 2022 avec seulement 14 salariés permanents payés sous les grilles salariales de la convention collective de l’animation et plus d’une centaine d’animateurs ponctuels. Du côté de l’enseignement bilingue, l’offre est à la baisse dans le public comme dans le privé, quand elle devrait se développer. Sans compter les ikastola qui doivent constamment monter au front pour obtenir des enseignants ou des formateurs. Seaska est aujourd’hui la fédération d’écoles immersives qui scolarise le plus d’élèves dans l’Hexagone et paradoxalement celle qui perçoit le moins d’aides publiques. Au contraire, la sous-préfecture de Bayonne multiplie les courriers depuis deux ans pour inciter les maires à augmenter les loyers des ikastola.
Ambition à la baisse
Cette politique linguistique, qui se voudrait pourtant ambitieuse, ne serait pas complète sans un regard vers la presse bascophone qui assure la transmission de la langue basque. La publicité institutionnelle continue de nourrir la presse francophone comme les aides publiques de l’Etat qui ne permettent pas à la radio ou à la télévision basque de se développer, malgré les nouveaux défis, comme le passage à la radio numérique d’Euskal Irratiak. La publication, le 30 mars dernier, de la VIIe enquête sociolinguistique menée par l’OPLB au Pays Basque nord, brosse, sans surprise, un tableau peu réjouissant de l’évolution de l’euskara. Il y manque, malgré les belles déclarations d’intention, une réelle stratégie publique en faveur de la langue basque.
Ci-dessous le communiqué de presse bilingue de Euskal Konfederazioa concernant les résultats de la dernière enquête sociolinguistique et l’appel à se mobiliser massivement le 22 avril prochain.