Chanson de résistance écrite en 1968 sous la dictature de Franco par Lluis Llach, l’estaca ou le pieu, est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Elle est devenue emblématique de la lutte pour l’indépendance, au même titre que l’hymne plus ancien Els Segadors. En 1976 dans son album Txalaparta, le chanteur basque Gorka Knörr tira de l’estaca une version qui, dès sa sortie, eut un immense succès. Voici pour les lecteurs d’Enbata les textes des deux chanteurs, ainsi qu’un enregistrement de la version en euskara. A entonner entre amis ou lors de manifestations de solidarité…
L’avi Siset em parlava
Grand-père Siset me parlait ainsi
De bon mati al portal
De bon matin sous le porche
Mentre el sol esperavem
Tandis qu’en attendant le soleil
I els carros veiem passar
Nous regardions passer les charettes
Siset, que no veus l’estaca
Siset, ne vois-tu pas le pieu
On estem tots lligats ?
Où nous sommes tous attachés ?
Si no podem desfer-nos-en
Si nous ne pouvons nous en défaire
Mai no podrem caminar !
Jamais nous ne pourrons nous échapper !
Refrany, Refrain
Si estirem tots, ella caurà
Si nous tirons tous, il tombera
I molt de temps no pot durar
Cela ne peut durer plus longtemps
Segur que tomba, tomba, tomba
C’est sûr il tombera, tombera, tombera
Ben corcada deu ser ja.
Bien vermoulu il doît être déjà.
Si tu l’estires fort per acqui
Si tu le tires fort par ici
I jo l’estiro fort per alla
Et que je le tire fort par là
Segur que tomba, tomba, tomba,
C’est sûr, il tombera, tombera, tombera,
I ens podrem alliberar.
Et nous pourrons nous libérer.
Pero Siset fa molt temps ja
Mais Siset, ça fait déjà bien longtemps
Les mans se’m van escorxant !
Mes mains à vif sont écorchées !
I quan la força se me’n va
Et alors que les forces me quittent
Ella és més ample i més gran.
Il est plus large et plus haut.
Ben cert sé que està podrida,
Bien sûr, je sais qu’il est pourri,
Pero és que, Siset, costa tant !
Mais, aussi, Siset, il est si lourd !
Que a cops la força m’oblida
Que parfois les forcent me manquent
Tornem a dir el teu cant :
Reprenons donc ton chant :
Refrany, Refrain
L’avi Siset ja no diu res
Grand-père Siset ne dit plus rien
Mal vent que se’l va emportar
Un mauvais vent l’a emporté
Ell qui sap cap a quin indret
Lui seul sait vers quel lieu
I jo a sota el portal
Et moi, je reste sous le porche
I quan passem els nous vailets
Et quand passent d’autres gens
Estiro el col per cantar
Je lève la tête pour chanter
El darrer cant d’en Siset,
Le dernier chant de Siset,
Lo darrer que em va ensenyar
Le dernier qu’il m’a appris :
Refrany Refrain
Si estirem tots, ella caurà
Si nous tirons tous, il tombera
I molt de temps no pot durar
Cela ne peut durer plus longtemps
Segur que tomba, tomba, tomba
C’est sûr il tombera, tombera, tombera
Ben corcada deu ser ja.
Bien vermoulu il doît être déjà.
Si tu l’estires fort per acqui
Si tu le tires fort par ici
I jo l’estiro fort per alla
Et que je le tire fort par là
Segur que tomba, tomba, tomba,
C’est sûr, il tombera, tombera, tombera,
I ens podrem alliberar.
Et nous pourrons nous libérer.
Avi Siset
Le grand-père Siset, personnage principal de la chanson, est inspiré d’un personnage réel, Narcís Llansa i Tubau, surnommé avi Llansa ( «papi Llansa»), vell Llansa («le vieux Llansa») ou Siset Llansa. Originaire de Tortellà, dans le nord de la province de Gérone, il était barbier à Besalú. Ne cachant pas ses opinions, il était connu pour être , républicain et anticlérical, et faire de sa boutique un lieu de débat politique. Lorsque la république fut proclamée en 1931, il fut élu conseiller municipal sous l’étiquette d’ERC, la gauche républicaine catalane. Suite à la guerre civile, il fut soumis à diverses humiliations : forcé à nettoyer les églises et à assister aux messes. Il n’échappa finalement à ses obligations qu’en prétextant que le dimanche était le jour où il était le plus chargé de travail comme barbier.À partir du début des années 1960, il passa ses étés dans la maison de sa deuxième fille, à Verges. C’est là que le jeune Lluís Llach, fils du médecin et maire — franquiste — du village, et ami de son petit-fils Ponç Feliu, l’aurait connu, en jouant au jeu de la botifarra, une variante catalane de la manille. Le vieil homme et l’adolescent passent du temps ensemble, en particulier à pêcher. C’est lors de ces parties de pêche près du Ter que le grand-père Siset ouvre les yeux de Lluís Llach sur les fondements et la réalité du régime franquiste.
En 1968, Lluís Llach écrivit les paroles de la chanson, s’inspirant des conversations qu’il avait eues avec Siset. Il dit par ailleurs de lui : «Siset me parlait toujours le regard droit les yeux lumineux d’un homme bon».
Extrait de Territoire des arts au collège, Fayard.
La version du chanteur basque Gorka Knörr
Agure zaharra
Agure zahar batek zion, bere etxe aurrean,
goizean goiz, lantokira irtetzen nintzanean :
Ez al dek, gazte, ikusten, gure hesola zein dan !
Desegiten ez badugu, bertan galduko gera.
Baina, guztiok batera, saiatu hura botatzera!
Usteltzen hasia dago ta, laister eroriko da.
Hik bultza gogor hortikan, ta bultza nik hemendikan !
Ikusiko dek nola nola laister eroriko dan.
Bainan denbora badoa, nekea zaigu hasi.
Eskuak zartatu zaizkit eta indarrek utzi.
Usteltzen badago ere, karga badu oraindik
Berriz arnasa hartzeko esaigun alkarrekin :
Baina, guztiok batera…
Aittona zaharra falta da bere etxe ondotik
haize txar batek hartuta eraman du hemendik.
Haur batzu ikusten ditut, eta inguraturik,
aittona zaharraren kanta nahi diet erakutsi :
Baina, guztiok batera…
Gorka Knorrek kantatu zuen euskaraz, baina Xabier Letek zuen euskaratu…
Ez dezagun ahantz…