Chacun(e) le sait, la pastorale basque, principalement souletine jusqu’ici, représente la lutte éternelle du Bien et du Mal. Notions judéo-chrétiennes diront certain(e)s. Etant catholique, elles ne me gênent pas du tout. Mais si ce n’est qu’une question de vocabulaire, ça peut s’arranger. Spinoza distinguait les sentiments positifs et les sentiments négatifs. Freud parle d’Eros et de Thanatos, signifiant par là le conflit permanent des forces d’Amour et des forces de Mort en chacun(e) d’entre nous. Quelle que soit la terminologie employée, comment ne pas voir qu’il y a sur terre des couples de courants dominants qui s’affrontent, soit ouvertement, soit de façon plus sourde et dissimulée : capitalisme et socialisme, productivisme et science écologique, colonialisme et libération nationale, tyrannie (fasciste ou autre) et démocratie, racisme et universalisme, machisme et féminisme…et la liste n’est sans doute pas close…
D’origine religieuse et pour tout dire catholique, vouée d’abord au culte des saints, la pastorale s’est laïcisée depuis le milieu du XXe siècle, comme la société qui la fait vivre. Mais elle porte toujours en elle l’opposition binaire des grands courants que je viens d’évoquer et de ceux que j’oublie ou méconnais, elle les exprime à sa façon, en qualifiant les deux camps ennemis de “Chrétiens” et de “Turcs”.
Ces appellations traditionnelles sont aujourd’hui anachroniques, dépassées, obsolètes, donc à remplacer. En effet, elles remontent à l’époque où l’immense empire turc ottoman menaçait l’Europe chrétienne. Cette époque est bien révolue, car ledit empire fut aboli en 1919, à l’issue de la première guerre mondiale qui se termina par sa défaite, en même temps que celle de ses alliés allemands et austro-hongrois. Certes le sentiment antiturc subsista chez nous entre les deux guerres mondiales, étant donné que nos grands-pères venaient de combattre contre cet empire, surtout en 1915 au détroit des Dardanelles, lors du malheureux débarquement franco-britannique qui dut rebrousser chemin après des mois de combats épuisants et inefficaces.
Dans la pastorale actuelle,
les appellations traditionnelles de “chrétiens” et de “turcs”
sont anachroniques, dépassées, obsolètes,
donc à remplacer.
Mais après la seconde guerre mondiale, où la Turquie devenue république était restée neutre, ces histoires de “Turcs” et de “Chrétiens” ne disaient plus rien au public de la pastorale, et celle-ci peinait à retrouver son dynamisme d’antan. Heureusement à partir de 1953 Etxahun-Iruri lui donna un nouveau souffle en introduisant des héros basques dans ce théâtre qui les avait jusque là ignorés. Depuis lors il oppose entre eux des chrétiens ou ex-chrétiens dans des combats qui, sauf exception, n’ont plus rien de religieux.
Quant à l’Europe, est-elle encore chrétienne ? En tout cas la France et l’Espagne ne le sont plus guère, et le Pays Basque, hier si fidèle, tourne largement le dos à la religion de ses parents et grands-parents. Il est temps de dire les réalités d’aujourd’hui avec les mots d’aujourd’hui !
Pour ma part en tout cas, j’élimine désormais de mon vocabulaire les appellations de “Chrétiens” et de “Turcs” qui ne correspondent plus aux conflits représentés par ce théâtre, et je conseille à chacun(e) d’en faire autant. Par quels termes génériques les remplacer ? Les Bons et les Méchants ? Ces qualificatifs me paraissent trop moralisants, et surtout subjectifs, car chacun(e) tend naturellement à se considérer comme meilleur(e) que les autres, tandis que l’adversaire serait forcément poussé par des intentions mauvaises. Quant à parler de Camp Positif et de Camp Négatif, ça me paraît bien abstrait. Dès lors, à mon avis, le plus simple, le plus évident, le plus pratique, est de désigner les deux camps opposés par la couleur dominante ou en tout cas marquante de leur tenue : d’une part les Bleus, de l’autre les Rouges, sortant respectivement de la porte azurée sur la gauche du public et de la porte ardente sur la droite du public. Du même coup les “dames turques” deviendraient les “dames rouges”, ouvrant la porte à l’émergence éventuelle des “dames bleues”. En 2021, dans la pastorale Abdelkader, le fameux émir dirigera le camp bleu, car il était chez lui, luttant pour son pays, sa foi, sa loi, contre nous, envahisseurs et conquérants en pantalons rouges.
Egun on,
Nere ustez urdin/gorri deitzearen proposamenak bere mugak ditu, eta pertsonalki espero dut ez dela usaietan sartuko.
Diozun bezala, pastoralak ongia eta gaizikiaren arteko oposizioa antzezten du. Denek dakigu, historian ezagutza guti ditugunok ere, gorriak ez direla denak Iztanbulekoak, eta urdinak ez direla denak Batikanozale. Bainan antzerki konbentzioak dira. Abdelkader antzeztu beharrak ez du ene ustez deus aldatzen aferari, Abdelkader kristi izan daiteke, Naziak hainbatetan türk izan diren bezainbat.
Antzerki konbentzioak direnaz geroz, ez du baliatua den hitzak inportantziarik, bainan bai bi hitzen arteko oposizioaren indarrak, baita batak ongia adierazi beharrak, besteak aldiz gaizkia. Gorria eta urdina ez dira bata bestearen kontrarioak (koloreetan xuri eta beltzak dute soilik, ene ustez, oposizioa argi bat adierazten.)
Ez dute, ez eta ere, batak bereziki ongia, edo besteak bereziki gaizkia adierazten (salbu beharbada aviron zaleentzat). Kriterio horieri dagokionez, diozun bezala, subjektiboak dira, eta hautatu behar balitz ez gintaike aise akort jarriko. Ondorioz historiak utzi dauzkigun konbentzioen segitzea ez litaike huts bat ene ustez, termino hauek (krsiti eta türk) esentzializatu gabe, beren erranahia azalduz, bainan adieratzen duten oposizio sinboliko haundia baliatzen segituz.
Ongi segi.