Actuellement, dans les opérations d’aménagement et de construction de logements, le foncier représente quelquefois 30 à 50% du coût de la réalisation.
Je suis allé regarder la jurisprudence du Conseil constitutionnel, elle fonde le droit de propriété sur la déclaration des droits de l’homme de 1789, citée dans le préambule de notre Constitution, qui dit ceci en son article 17 : «La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment et sous la condition d’une juste et préalable indemnité »(2). A aucun moment, quand un propriétaire voit son terrain déclassé de U à A dans un document d’urbanisme, il y a atteinte à son droit de propriété. Il n’y a gagné moins d’argent quand il a vendu son terrain. Mais où son droit de propriété a-t-il été violé ? Je ne vois pas. En quoi l’encadrement éventuel du prix de vente modifie-t-il le droit de propriété du propriétaire ? Une note rédigée par le Conseil constitutionnel rappelle que l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme dit ceci : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Finalement, certains vendent du foncier très cher. Cette spéculation sur le foncier empêche- t-elle des gens de se loger ? Est-ce qu’on n’est pas en train de nuire à autrui ? On peut s’interroger.
Arnaud Portier, directeur de l’EPFL du Pays Basque aux Entretiens d’Inxausseta.
Il s’agit d’une réalité que nous constatons en tant qu’opérateur public foncier. Nous sommes convaincus de l’intérêt de la mise en oeuvre d’une réflexion et de travailler sur l’économie du foncier, sur la protection du foncier agricole et du terrain naturel, de refaire la ville sur la ville, de retraiter les friches, de travailler sur la densité… Cela fait des années que les EPF accompagnent les collectivités, les encouragent dans cette démarche. Le foncier est cher, essayons de l’utiliser le mieux possible. Faire de l’étalement urbain, c’est générer de la route, des tuyaux d’assainissement. Tout cela a un coût pour la collectivité et doit être pris en considération dans une réflexion intelligente du développement local. Il est préférable de travailler sur de la densification et une utilisation raisonnée du foncier. Pour autant, la mise en oeuvre du ZAN (Zéro artificialisation nette) suscite des inquiétudes.
Communes avec 90 hectares à urbaniser
Nous travaillons sur des documents d’urbanisme mis en place par les collectivités puis validés par les services de l’État. Ce n’est pas un simple « truc » que le maire a fait dans un coin de sa cuisine puis mis sur la table. C’est quelque chose de très complet. Ceux qui font des documents d’urbanisme connaissent la difficulté pour aboutir. Il y a quelques années, l’EPFL Pays Basque et la culture de l’aménagement et du développement local disaient : anticipons, faisons des stocks fonciers, de la réserve foncière. De façon à permettre aux collectivités de saisir des opportunités, d’être en capacité de développer leurs projets urbains et non pas d’être là, le lundi matin, à attendre que le propriétaire veuille bien vendre pour pouvoir réaliser l’école, l’équipement public ou les logements sociaux nécessaires.
La mise en oeuvre du Zéro artificialisation nette (ZAN) va amener à limiter, voire à supprimer la possibilité de construire sur des terrains nus, donc nécessiter de travailler sur du bâti ou de la friche. Mais toutes ces opérations sont déficitaires.
On se rend bien compte ainsi que dans toutes les démarches mises en oeuvre, nous sommes à chaque fois confrontés au droit de propriété, avec la capacité pour le propriétaire de valoriser son bien.
Nous pouvons aussi nous poser la question de l’application du droit de préemption de la SAFER. Elle ne peut préempter un bien dont l’activité agricole a été arrêtée depuis plus de cinq ans.
Nous ne pourrons pas aller vers cette grande loi foncière sans interroger véritablement la problématique du droit de propriété. Il faut sans aucun doute le respecter et le maintenir, mais il faut se réinterroger sur sa financiarisation.
Nous ne pourrons pas aller vers cette grande loi foncière sans interroger véritablement la problématique du droit de propriété. Il faut sans aucun doute le respecter et le maintenir, mais il faut se réinterroger sur sa financiarisation. En ce qui concerne la taxation des plus-values, nous voyons avec certains élus, notamment ceux de la côte basque, que certains acteurs privés, des particuliers, sont devenus des spécialistes. Tous les deux ans, ils revendent au plus offrant leur maison d’habitation en faisant une belle culbute. Comme il s’agit du logement principal, la plus-value n’est pas taxée. Dernier élément : sur le territoire de l’agglomération, des investissements conséquents sont réalisés pour faire circuler un Trambus. Ainsi, un arrêt du Trambus se trouve en bas d’un immeuble. Du coup, la réalisation de cet aménagement, naturellement, fait augmenter la valeur des appartements. Si demain, dans le cadre du ZAN, la collectivité doit acquérir ces biens pour faire une opération de renouvellement urbain, elle va être pénalisée. Elle aura droit à la double peine. Elle rachètera plus cher les appartements dont le prix a augmenté parce qu’elle a financé un aménagement public. Est-ce qu’à moment donné, il ne faut pas pouvoir partager la rente foncière, selon un modèle à trouver ? Pour faire en sorte que dans les investissements publics réalisés, la collectivité puisse intégrer ces éléments et permettre son développement.
(1)Le Fonds friche a vocation à financer des opérations de recyclage de friches ou de fonciers déjà artificialisés.
(2) NDLR : pour une approche détaillée du sujet, voir www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/conseil-constitutionnel-et-la-propriete-privee-des-personnes-privees(3) Zone 2 AU d’un document d’urbanisme : elle est destinée à l’extension future de la commune à long terme. Sa vocation sera d’accueillir, aussi bien des habitations que des commerces, des services et des activités de taille limitée, dans le cadre d’opérations soumises à des contraintes d’organisation de l’espace et à une programmation des équipements.
+ Pour voir l’intégralité des entretiens 2023 d’Intxauzeta : www.entretiensinxauseta.fr.
+ Site de l’Etablissement public foncier local Pays Basque : www.epfl-pb.fr/etablissement/pour-aller-plus-loin/
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