Critique du projet « BURUJABE Reprendre possession de nos vies » de BIZI
(projet téléchargeable depuis : https://bizimugi.eu/burujabe-reprendre-possession-de-nos-vies)
Nous faisons des critiques radicales à de nombreuses idées de ce projet, tout en étant ouverts au dialogue avec les militantes et militants de BIZI.
Selon la traduction d’Elhuyar, burujabe veut dire en français indépendant(e), souverain(e), et burujabetasun veut dire indépendance, souveraineté.
BIZI appelle souveraineté « la reprise de possession des conditions de nos vies », et nomme « conditions de nos vies » notamment le climat et le territoire qui nous nourrit (page 7).
Cependant, le sens courant de souverain ou souveraineté est différent. Selon le Petit Robert :
Souverain = Qui, dans son domaine, n’est subordonné à personne. Exemple : Etat souverain, indépendant.
Souveraineté = Caractère d’un Etat ou d’un organe qui n’est soumis à aucun autre Etat ou organe. Indépendance. Exemple : Souveraineté territoriale.
BIZI, en parlant de « territoire souverain » (p 3), inverse les termes de la notion de souveraineté territoriale, et déforme de ce fait le vrai sens de cette notion, car c’est le peuple d’un territoire qui est souverain ou pas, pas le territoire. D’ailleurs, BIZI ne parle pas de peuple basque souverain mais de « Pays Basque souverain » (p 3). De même BIZI parle par exemple d’« institutions à mettre au service de la souveraineté énergétique » (p 62) ; on préférerait que BIZI mette son énergie au service de la souveraineté institutionnelle.
BIZI donne donc au concept burujabe (souverain) une signification essentiellement environnementale et économique, alors qu’il a en vrai une signification politique. Le vrai sens de Euskal Herria Burujabe c’est Le peuple basque indépendant, Le peuple basque souverain, mais les concepts de peuple basque et d’indépendance n’apparaissent pas dans le projet de BIZI. Le concept souveraineté n’y apparaît ainsi pratiquement pas dans sa véritable signification politique, et lorsqu’y apparaissent des propositions politiques, elles ne correspondent pas à la véritable signification de la souveraineté. L’usage par BIZI du concept burujabe (souverain) est clairement un abus de langage. Voyons cela d’un peu plus près.
BIZI constate que « notre capacité à répondre à nos besoins au plus près est mince, car nous sommes en très grande partie tributaires de décisions prises loin de nous, souvent inadaptées à nos besoins » (p 12), et souhaite « revoir nos modes de prise de décision » (p 30) pour établir « un système de gouvernance démocratique » (p 51). Nous partageons le constat et le souhait. BIZI dit aussi lancer dans ce projet BURUJABE une réflexion sur « les institutions pour une gestion au plus près des besoins de la population » et sur le fait de « décider au pays » (p 11). On partage aussi son objectif de mise « en œuvre d’assemblées inter-territoriales visant à décider des échanges entre les territoires » (p 9). Mais en fait, dans ce document de 66 pages, la réflexion lancée s’arrête ici, car BIZI ne souhaite pas « détailler le type d’institution dont se doterait notre territoire, car c’est le peuple lui-même qui doit s’emparer de cette question » (p 15). On ne comprend pas pourquoi BIZI s’empare de certaines questions et pas d’autres.
BIZI souhaite « encourager les démarches citoyennes tout en mettant en place des démarches institutionnelles » (p 19), et que les démarches portées par les citoyens soient « reprises à leur compte par les trois instances décisionnelles (Communauté d’Agglomération du Pays Basque, Communauté Forale de Navarre et Communauté Autonome du Pays Basque) » (p 21). C’est-à-dire que BIZI ne dénonce pas le fait que nous sommes en présence d’institutions non citoyennes qui décident à la place des citoyens.
BIZI dit vouloir une « reconquête de souveraineté » (p 63), et propose pour cela « une autonomie accrue » qui n’a de la valeur que si les habitants « se sentent partie prenante des décisions et/ou correctement représentés par les élus » (p 15), et que « les citoyennes et citoyens soient parties prenantes de tous les chantiers d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables… » (p 63). On aurait préféré lire une autonomie permettant aux habitants de décider (point barre) et les citoyennes et citoyens doivent décider dans tous ces chantiers. Mais BIZI veut favoriser, au niveau politique, une « culture de la participation » (p 54) et une « participation citoyenne » (p 64). « Représentation » et « participation » donc, qui correspondent aux concepts de démocratie représentative et de démocratie participative, formules trompeuses qui font croire que le peuple décide, qu’il est souverain, alors qu’il n’en est rien.
BIZI tient souvent des propos contradictoires. Il dénonce par exemple à juste titre « la confiscation du pouvoir par une élite économique très restreinte » (p 30), mais souhaite en même temps que la Communauté d’Agglomération du Pays Basque dispose de davantage de compétences (p 25, 34 et 57), et revendique la nécessité d’un « degré d’autonomie supérieur » (p 15) pour la CAPB, de même que pour la Communauté Forale de Navarre, afin de les élever au degré d’autonomie de la Communauté Autonome du Pays Basque, comme si ces trois « instances décisionnelles » n’étaient pas partie prenante de cette confiscation du pouvoir.
BIZI dit être « investi dans les luttes sociales, écologiques et culturelles d’Euskal Herria » (p 7). Pourquoi ne mentionne-t-il pas les luttes politiques ? Parce qu’en effet, à notre avis, BIZI ne s’investit pas dans la vraie politique, celle de la souveraineté vraie, celle d’Euskal Herria burujabe.
BIZI dénonce des opérations « qui cherchent à vider de leur sens des notions comme celle de l’économie circulaire » (p 36). L’opération Euskal Herria Burujabe de BIZI vide de son sens la notion burujabe.
02.09.2023
Commission Euskal Herria Burujabe : Independentzia
herriBiltza
Personnellement, je me retrouve plutôt dans la réponse faite par Bizi à cette critique d’Herribiltza (à lire dans son intégralité ici : https://www.enbata.info/articles/souverainetes-quelles-priorites/ ) : “Pourrons nous dire dans 20 ans que nous aurons bien employé notre énergie si nous l’avons dépensée à obtenir l’indépendance d’Euskal Herri mais que ce nouvel État est un paradis fiscal où plus personne ne parle basque, que son agriculture est non durable et ne fournit toujours pas le quart des besoins de la population, qu’il reste dépendant du pétrole, que sa culture s’est folklorisée pour le plus grand plaisir de touristes qui ont complètement expulsé les habitant.e.s des centres villes, etc. ? Pour le Petit Robert, un tel État serait souverain. Pas pour Bizi.” (…) “Au niveau européen, les mouvements dits « souverainistes », qu’ils soient de droite ou de gauche, partagent une même logique verticale descendante selon laquelle les décisions politiques – et, in fine, les mesures qui seront imposées aux populations – découlent de leur propre conception de la souveraineté institutionnelle. Bizi préfère en revanche s’inscrire dans une logique verticale ascendante : c’est la défense des conditions de nos vies qui doit dicter nos revendications institutionnelles.”