Pour Txomin Poveda, la globalisation s’est avérée impuissante à solutionner ou même limiter les problèmes posés par la pandémie. D’où un retour des Etats sur le devant de la scène, mais davantage pour contrôler et réprimer que pour prévenir et assister. Le retour du local est plus que jamais d’actualité.
La situation exceptionnelle causée par l’épidémie du COVID-19 laissera derrière elle des conséquences directes indélébiles dans notre histoire contemporaine. Le bilan humain qui s’alourdit encore, notamment pour les populations les plus démunies de la planète, en est le premier indicateur.
Mais il est des conséquences dont nous ne parvenons toujours pas à mesurer les effets, soit parce qu’elles tardent à se déclarer (économiques et politiques) ; soit parce qu’elles sont plus insidieuses et, quoique déjà présentes, on ne les mesure toujours pas pleinement (psychosociologiques, éducatives…).
La silhouette du “monde d’après” apparaît toujours aussi floue qu’hier.
Il y a néanmoins certaines tendances qui émergent de cette situation dont on peut penser qu’elles seront durables.
Je me souviens encore de conversations avec certain·e·s qui dès les premiers instants de la pandémie trouvaient dans le confinement des airs d’An 01 à la Jacques Doillon, espérant que cette épreuve aurait un effet “ table rase”, qu’elle permettrait de faire un saut dans les consciences et surtout d’éviter le retour à l’“anormal”. L’histoire montre que la pandémie n’a pas provoqué le grand changement politique et social que certain·e·s espéraient voir naitre à la suite de cette situation sanitaire inédite. Du reste, l’actualité récente tend plutôt vers un monde à la Brazil de Terry Gilliam…
Le monde d’après est déjà dans celui-ci
Plutôt que de provoquer un saut vers des lendemains qui chantent, la pandémie a eu pour effet d’accélérer des tendances déjà présentes. Elle a permis de catalyser certains débats d’orientation et notamment au sujet des échelles territoriales de gouvernance.
La crise sanitaire a considérablement rebattu les cartes du niveau global, du niveau étatique et du niveau local.
Je traiterai des deux premiers dans cet article et développerai la question du local dans le prochain Enbata.
Où est passé le global ?
Le niveau global a été le grand absent de cette pandémie. Une fois de plus, la globalisation a démontré son incapacité à résoudre un problème global. Pire, son versant libéral a considérablement contribué à créer les conditions d’une propagation virale quasi immédiate à l’échelle planétaire.
L’interdépendance généralisée de nos sociétés s’est révélée être un facteur de fragilité énorme, notamment pour l’accès aux biens de première nécessité dans des contextes où les chaines d’approvisionnements sont inopérantes. Seuls les géants du numérique ont allègrement profité de la situation sanitaire pour enregistrer des progressions record. Ils ont démontré toute l’actualité des analyses de Naomi Klein dans La Stratégie du choc qui explique bien comment le capitalisme profite des moments de vulnérabilité et de désorganisation des sociétés (guerres, événements climatiques extrêmes…) pour se développer sans entrave.
Le retour des États
Cette absence totale de réponse politique unifiée qui a pourtant lieu sur d’autres sujets (économiques ou militaires par exemple) a induit le grand retour du protagonisme des États. On nous martelait qu’ils étaient totalement impuissants face aux instances supra-étatiques, et qu’ils ne pouvaient rien faire dans un contexte de compétitivité globale.
Pourtant, du jour au lendemain, les États ont trouvé les moyens de mener une politique interventionniste impensable : fermeture des frontières, fermeture des services publics et des entreprises, encadrement des prix du matériel médical, aides financières coulant à flots, limitations et attestations de déplacements, couvre-feux…
Les États sont revenus sur le devant de la scène. Mais ils s’y sont présentés chétifs, affaiblis par les décennies de libéralisation de la puissance publique qu’ils avaient menée tambours battants, à commencer par celle des services sanitaires.
La pandémie a mis en lumière la misère des États, avec leur délitement institutionnel et leur faible adhésion populaire. Le voile de l’État-providence a fini de se lever sur les décombres d’un État régalien, réduit à sa moelle autoritaire et punitive.
Des réponses hors sol
Le caractère inédit de la crise sanitaire explique sans doute pour partie les errements gouvernementaux qui ont nourri une incompréhension permanente de la population. Pour notre territoire, la pandémie a surtout été l’occasion d’observer, une fois de plus, l’inadéquation même de l’organisation administrative française. Le centralisme politique, la concentration des services et l’uniformité des mesures ont induit toute une série d’épisodes parfois ubuesques, parfois pernicieux, qui ont démontré le décalage des dispositifs avec les réalités locales. On se souvient de la profusion de contrôles sur les routes, mais aussi ceux, ultras zélés voire épiques, avec drones, hélicoptères et descentes en rappel sur les montagnes et les plages de la côte. Avec la fermeture des points de passage aux frontières, il planait une ambiance de G7. C’était pourtant au moment où l’on manquait de gel, de masques, de blouses, de respirateurs… de tout. Prompts à réprimer, les services de l’État ont montré une véritable défaillance pour apporter l’assistance, le matériel et les services nécessaires aux populations locales. Pendus aux directives centrales, les délais de réaction dépassaient largement celui des initiatives de terrain menées grâce au volontarisme des citoyens, des entreprises, des professionnels de santé et des élus locaux sans appui, ou a posteriori, comme les centres médicaux avancés. Plus grave encore est le refus de l’ARS de donner des informations sur la situation sanitaire locale ou encore les levées des restrictions de déplacements en périodes de vacances. Dans un contexte de menaces globales qui se multiplient, l’inexistence de réponses globales et l’inadéquation des réponses étatiques produisent un renforcement de l’échelle locale dont le plein potentiel est encore à venir.
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Analyse à laquelle je souscris tout à fait. Notamment ce passage “La pandémie a mis en lumière la misère des États, avec leur délitement institutionnel et leur faible adhésion populaire. Le voile de l’État-providence a fini de se lever sur les décombres d’un État régalien, réduit à sa moelle autoritaire et punitive.”
Les révolutionnaires pensent toujours que les crises vont pousser les masses de travailleurs et d’exploiter dans leurs bras ! Mais sa ne marche jamais . Pour la simple raison que les masses recherchent juste a vivre une vie simple et dans la dignités et a étre respecter ! Les grands changements leur font peur . La crise Espagnoles de 2007-2008 a crées Podemos , Ciudadanos ( qui par sa radicalisation idéologique a pousser ses troupes vers VOX ) . Podemos a méme penser qu’ils allait surpasser le PSOE . Mais les bon résultat de Podemos en Euskadi , Navarre , Galice , Catalogne , Communauté Valencienne ( déja politiser par des indépendentistes et régionalistes ) ont cacher les résultats médiocres dans l’Espagne castillane ( Extrémadure , Murcia , Castille la Mancha , Castille y Leon , et méme en Andalousie qui a pourtant une tradition de Gauche ) . Les véritables révolutions c’est quand on arrivent a faire instiller une idées dans la populations générales . Comme un Parlement en Pays Basque ou un status de résident et encore Basque langues officielles du Pays Basque .
Un grave point négatif au début de ta réflexion,Txomin : la situation mondiale n’est pas exceptionnelle parce que “causée par l’épidémie du COVID-19”. Le virus n’a rien demandé, n’attaque aucun être vivant en particulier et aucun système socio-politique en général.
Comme dans une tempête de cytokines incontrôlée, c’est bien l’accord politique mondial délirant (sous prétexte de guerre au covid) qui a mis dans le système mondial cette pagaille, inédite par son ampleur. Tu confonds le bouc émissaire et les coupables réels. Tant que cette donnée ne sera pas admise, aucune chance que tu trouves une explication cohérente et des perspectives de solution au désastre social et économique en cours.
Milesker, Txomin, pour ces réflexions très intéressantes.
Je rebondirais sur ce passage : ” … du jour au lendemain, les États ont trouvé les moyens de mener une politique interventionniste impensable : fermeture des frontières, fermeture des services publics et des entreprises, encadrement des prix du matériel médical, aides financières coulant à flots, limitations et attestations de déplacements, couvre-feux… “.
Alors, quand ils veulent, ils peuvent, n’est-ce pas ?
A nous de les pousser à intervenir aussi sur d’autres sujets urgents, notamment pour adoucir les conséquences des dérèglement climatiques à venir !