Battitta Boloquy, ancien directeur du Conseil de Développement du Pays Basque
ENBATAk 60 urte
La revendication institutionnelle en Iparralde est étroitement liée à la dynamique portée par le mouvement abertzale depuis les années 1960. Si la création de la Communauté d’Agglomération Pays Basque (CAPB) en 2017 a nécessité une mobilisation large des acteurs du territoire, la contribution des abertzale a été essentielle. Au-delà des réflexions propres aux partis abertzale sur la revendication institutionnelle que nous n’aborderons pas ici, le contenu de cette revendication s’est précisé au fur et à mesure de l’implication des militants dans les démarches de développement local à partir de 70. Dans un territoire où pour beaucoup de gens, la solution à son développement ne pouvait venir que de l’extérieur, l’engagement des abertzale dans le développement économique (Hemen, Herrikoa…), linguistique (Ikastola), culturel et social a progressivement légitimé l’idée que l’avenir d’un territoire peut se construire par la volonté de ses acteurs. Dans les contrats de Pays conduits à partir des années 75 en Soule, Garazi-Baigorri, Iholdi-Amikuze, Hasparren… les abertzale ont été acteurs d’un mouvement mobilisant les acteurs économiques et sociaux, les élus et les citoyens et ainsi d’expérimenter les bases des démarches de développement local. Les abertzale ont acquis à ces occasions un savoir-faire en termes de méthode et de contenu et forts de ces acquis se sont intéressés à la gestion des communes. Ils deviendront progressivement des acteurs incontournables de la chose publique.
La démarche prospective « Pays Basque 2020 » initié par l’Etat en 1992 avait suscité quelque débat au sein du monde abertzale. Fallait-il s’y engager ou pas ? Certains voyaient là un leurre proposé par l’État en réponse au refus du département Pays Basque promis par le candidat Mitterrand en 1981. D’autres estimaient au contraire qu’il fallait s’y engager pour susciter des projets et faire vivre la revendication institutionnelle. Le Conseil de développement a été le lieu où ce dilemme s’est posé en permanence. Les abertzale au côté d’autres acteurs ont joué un rôle important dans le diagnostic Pays Basque 2010 et dans l’élaboration du schéma d’aménagement et de développement du Pays Basque de 1996. Estimant que la mise en œuvre de ce schéma nécessitait un outil institutionnel à l’échelle d’Iparralde, ils ont avec le Biltzar reposé la question du département en 1997 qui avait eu les faveurs des 2/3 des maires du Pays Basque. Refusant toujours une réponse institutionnelle, l’État avait proposé une convention spécifique en 2000 qui avait permis d’apporter des premières réponses aux revendications des abertzale notamment dans le domaine de la politique linguistique, de l’habitat, et du foncier.
Les abertzale conscients que la revendication institutionnelle s’inscrivait sur la durée ont su saisir toutes les opportunités pour remettre le dossier sur la table. Lors des assises des libertés locales lancées par le gouvernement en 2002, ils ont amené le Conseil des élus à apporter une contribution dans ce débat. Ils ont interpelé le Conseil de développement sur la question institutionnelle et ont contribué à créer le mouvement Batera. Idem en 2008 quand la fin des Pays pointait à l’horizon à l’occasion de la réforme des collectivités locales. Sous l’impulsion des abertzale et d’autres acteurs favorables à une évolution institutionnelle, le Conseil des élus avec le soutien du Conseil de développement a ouvert le chantier en 2009 pour déboucher dans un accord très large sur le projet de collectivité territoriale à statut particulier en 2012. On connait la suite donnée à cette revendication du Pays Basque par le Gouvernement qui a suggéré de travailler plutôt sur un projet de fusion des 10 intercommunalités. Cette proposition que d’aucun aurait pu voir comme un nouveau leurre du Gouvernement refroidissant l’ardeur des porteurs de l’institution, a très rapidement été perçue par les abertzale comme une opportunité à saisir. Toutes sensibilités confondues, ils se sont engagés avec d’autres acteurs favorables à cette évolution pour relever le défi de la création de ce qui sera la première institution du Pays Basque en 2017 – la Communauté d’agglomération Pays Basque – et pour s’impliquer dans sa gestion.
On peut parier qu’ils seront au rendez-vous dans les prochains débats pour faire évoluer cette communauté vers une collectivité à statut particulier.