Ces quinze dernières années se caractérisent en Iparralde par une arrivée importante de population. Ce phénomène devrait se poursuivre puisqu’on annonce l’arrivée de 40.000 habitants supplémentaires durant les 30 prochaines années. En Iparralde, cela aura forcément des conséquences sur la pratique de la langue et la culture basque. Des phénomènes équivalents ont tué l’île de Ré et inquiètent les élus corses qui ont lancé une réflexion sur ce thème et proposent des mesures. En Iparralde, ces questions délicates vous paraissent-elles mériter un débat de fond et quelles pistes proposez-vous pour l’ouvrir ?
Léonie Aguergarray : Aujourd’hui, en Pays Basque Nord, la langue basque est déjà minoritaire. L’arrivée annoncée, dans les 30 ans, de 40.000 habitants supplémentaires doit nous mobiliser, et notre engagement doit être à la hauteur de ce défi : l’euskara doit vivre en Euskal Herria, aujourd’hui et demain ! Dans ce sens, nous devons sans relâche continuer à revendiquer une vraie politique linguistique pour obtenir la co-officialisation de la langue basque – promesse de campagne électorale des plus hauts dirigeants de l’Etat français, mais non tenue. Dans la Communauté autonome basque, la langue basque est officielle, et la majorité des enfants est scolarisée dans cette langue. En Pays Basque Nord, l’enseignement et la diffusion de l’euskara reposent très majoritairement sur la vitalité du tissu associatif (Seaska, Gau eskola, radios, enseignement bilingue, associations culturelles…) et en partie sur l’éducation nationale. L’euskara doit être encore plus présent et pratiqué dans la vie publique, c’est aussi une façon d’accueillir les nouveaux arrivants, de leur offrir cette richesse culturelle et les inciter à apprendre notre langue. Il y a, à mon avis une démarche très volontariste à construire, pour accueillir ces personnes, leur faire prendre conscience qu’elles peuvent participer aussi à enrichir notre culture, en apprenant l’euskara et en le faisant apprendre à leurs enfants. D’autres nouveaux venus ont déjà fait ce choix.
La spéculation immobilière et l’étalement urbain changent le Pays Basque Nord. Cela a des conséquences graves en particulier pour le maintien d’une agriculture paysanne et de proximité. Que proposez-vous pour maîtriser ces phénomènes ?
Léonie Aguergarray. L’agriculture paysanne est garante de la vie économique d’Iparralde, elle est productrice de produits de qualité, distribue en circuits courts, entretient les espaces et fait vivre une multitude de petites unités économiques, donc des familles. Face à cette réalité, la spéculation immobilière me dérange au plus haut point. Pour s’opposer à ce phénomène, le rôle de la SAFER au service de l’agriculture locale est déterminant. Les luttes du syndicat ELB, l’implication d’Ehlg, de Lurzaindia, et toutes les mobilisations citoyennes sont essentielles pour lutter contre la spéculation, le pouvoir de l’argent.
Le gouvernement refuse la reconnaissance institutionnelle d’Iparralde sous la forme d’une Collectivité à statut particulier. Quelle est votre position à l’égard d’une intercommunalité unique pour Iparralde qui est proposée en lieu et place?
Léonie Aguergarray. L’histoire poursuit sa marche en avant ! Le projet de Collectivité territoriale Pays Basque à statut particulier, portée par le Conseil des élus du Pays Basque, le Conseil de développement, la CCI Bayonne-Pays Basque, le Biltzar et la plate forme Batera a essuyé un refus ministériel, mais il reste notre revendication légitime. Dans le cadre de la réforme territoriale, le préfet, au nom du gouvernement, a proposé la constitution d’un Etablissement Public de Coopération Intercommunale pour les 158 communes d’Iparralde. Nous avons là une opportunité d’approfondir nos relations de coopération, de valoriser les atouts et les richesses de nos territoires, d’avancer ensemble pour développer un projet politique partagé et au service de la population. Un travail sur les compétences et les financements est d’ores et déjà en cours d’étude.
Alors que le redécoupage des cantons ne tient guère compte des périmètres des intercommunalités même si celles-ci sont des acteurs importants de l’investissement et des politiques sociales (alors que les cantons ne le sont pas), comment allez-vous surmonter cette bizarrerie au cours de votre campagne et sur quels thèmes allez-vous axer votre campagne ?
Léonie Aguergarray. Les bizarreries des découpages administratifs ne datent pas d’hier, depuis des siècles, elles se sont faites au gré des intérêts politiques extérieurs et dominants. Par contre, la prise en compte des pratiques quotidiennes de la population a pour nous beaucoup plus de sens, car ces pratiques définissent le vivre-ensemble, la cohésion sociale. Aussi, la campagne EH Bai menée sur les 12 cantons du Pays Basque a tout naturellement pour slogan: “Vivre, travailler et décider en Pays Basque”. Lors de notre campagne, nous allons porter le projet défini par une cinquantaine de personnes habitant la montagne basque. Ce travail collectif a été très enrichissant, et nos propositions concernent tous les domaines essentiels pour l’avenir de ce secteur et du Pays Basque.
Si vous êtes élue, pour quel président allez-vous voter? Allez-vous voter les budgets présentés par la majorité à venir?
Léonie Aguergarray. Dans le contexte actuel, chaque voix va peser. Dire aujourd’hui pour quel président je vais voter si je suis élue me parait prématuré. Par contre, tout(e) candidat(e) à la présidence doit clairement s’exprimer sur la ligne qu’il entend donner à ce nouveau mandat. Bien évidemment, EH Bai sera plus qu’ attentif à la prise en compte ou non des revendications que nous portons, notamment sur l’avenir institutionnel d’Iparralde. Les baisses des dotations de l’Etat affectent le budget du Conseil départemental. Ceci oblige à encore plus de rigueur. Je voterai les budgets s’ils correspondent à l’idée que j’ai de la bonne utilisation de l’argent public : au bénéfice du plus grand nombre de personnes en commençant par les plus nécessiteuses. En quelques années, sur plusieurs secteurs, la montagne basque est devenue zone de désertification rurale, désertification médicale, en perte de services publics. Les efforts humains ne suffiront pas à rétablir l’équilibre s’ils ne sont pas accompagnés par des financements adaptés. Le budget du département doit aussi y contribuer. Ce sera aussi un élément qui conditionnera mon choix lors du vote budgétaire, si je suis élue.