Au lendemain du désarmement de l’ETA, Louis Joinet* s’exprimait dans le quotidien Libération sur le rôle majeur qu’avaient à jouer les juges d’application de peine dans le processus de Paix au Pays Basque.
Il est vrai que le Tribunal d’Application de peine (TAPAT) a radicalement évolué sur son positionnement ces dix dernières années. Au-delà des décisions positives qui sont bien évidemment importantes, il est tout aussi important de souligner les motivations sur lesquelles, il s’est appuyé pour les donner.
La dernière en date est celle d’Izaskun Lesaka, prisonnière politique basque, en fin de peine, incarcérée à Réau. Le tribunal a accédé à la demande de libération conditionnelle d’Izaskun, aussi bien pour son projet personnel qu’en invoquant le changement du contexte politique, soulignant les étapes majeures du processus, la fin de l’utilisation de la lutte armée en 2011, le désarmement de l’ETA en 2017, sa dissolution en 2018 pour conclure que « l’hypothèse d’une remise en cause du processus de paix est vide de sens ». Il n’y a donc aucun risque de récidive ni de trouble à l’ordre public pour ce tribunal, cette décision va dans le sens de la direction prise par le Pays Basque… Eh bien NON ! Enième Appel du PNAT et hop… renvoi à la Chambre d’application des peines (CHAP) !
Le 19 mai dernier, le même jour que celui de l’audience en appel de Jakes Esnal, cette CHAP a accepté la remise en liberté d’Izaskun Lesaka. Ces prochains jours, elle accomplira sa liberté conditionnelle en Navarre. Enfin une décision qui va dans le droit chemin, l’espoir qu’elle augure en fait renaître d’autres ! Et pourtant….
Le 13 et 19 mai, les audiences tant attendues ont eu lieu pour Jon Parot et Jakes Esnal, mais les propos ou questionnements qui s’y sont tenus ne peuvent faire présager qu’un allongement du temps d’incarcération…On nous parle de libération prématurée pour le PNAT, on nous affirme que la libération de ces personnes comporterait un risque pour la société, ne faudrait-il pas réinterroger les différentes commissions ? Après plus de 5 ans de procédures pour Jakes et une 6e demande de conditionnelle pour Jon ! Et alors qu’ils ont accompli leur 32e année de prison !
Ce même jour, cette même CHAP aurait dû statuer sur la demande d’aménagement de peine d’Alain Ferrandi, prisonnier politique corse, rapproché depuis peu, suite à l’agression et la mort de leur camarade Yvan Colonna. Cette décision était très attendue en Corse et en Euskal Herri, mais elle avait été reportée au 24 mai.
Dans son cas, comme pour les nôtres, tout permettait d’entrevoir une décision positive, du fait d’une décision positive en première instance, un contexte politique, l’unanimité sur cette revendication en Corse, et pourtant… REFUS !
Il est donc légitime que l’on s’interroge sur les réelles motivations qui guident certains magistrats du Siège ou du Parquet, et de se demander finalement, ne sommes-nous pas tout simplement devant une vengeance d’Etat ?
Comment comprendre sinon un tel acharnement, contre ces hommes âgés de plus de 70 ans dont 32 passés en prison ?
Un nouveau gouvernement a été désigné le 20 mai, un gouvernement qui en apparence, semble indiquer la volonté du Président de la République de s’inscrire dans une continuité d’action, même Ministre de la Justice et même Ministre de l’intérieur. Nous n’accepterons pas que le processus de paix reste dans une impasse, que le Président de la République reste dans l’indifférence, dans le silence et le mépris.
Dans le contexte des décisions concernant les demandes de libération conditionnelle de Jakes Esnal et de Jon Parot, il sera important que nous nous mobilisions le 11 juin dans les rues de Bayonne face au mépris de Paris et à l’aveuglement de la logique antiterroriste.
Nous ne laisserons pas la raison d’Etat/Vengeance d’Etat, s’imposer. Coûte que coûte, nous continuerons ! Le temps presse, JON, JAKES, UNAI gurekin !
* Fondateur des principes de la justice transitionnelle (Principes Joinet)