Un vent de changement par Peio Etcheverry-Ainchart

L’année 2011 est bien partie pour rester dans l’histoire récente du Pays Basque comme une année charnière, et le résultat des élections en Hegoalde n’en est pas le moindre des éléments clés.

La fin de l’hémorragie
Comment ne pas rester impressionné devant la déferlante représentée par les résultats obtenus par les listes Bildu le 22 mars dernier? Les commentaires et analyses se sont assez succédé durant les deux dernières semaines pour ne pas revenir encore une fois sur les chiffres. Mais tout de même, alors même que flottait dans l’air, dès avant le jour du vote, l’avant-goût d’un très bon coup à jouer et d’un succès attendu, personne n’imaginait que Bildu non seulement reviendrait à la hauteur des apogées historiques de Herri Batasuna au milieu des années 80 ou Euskal Herritarrok voici dix ans, mais les dépasserait même, se hissant à quelque 20.000 voix du PNV, logique vainqueur du scrutin… Certes, Bildu n’est pas seulement Batasuna et a pu compter sur le volant de voix apportées par ses partenaires, en particulier par un EA moribond qui a parfaitement su éviter une disparition que beaucoup pensaient inéluctable, mais on ne peut éviter de mettre en perspective ce résultat avec ceux de la gauche abertzale dite «officielle» durant ces dernières années, et d’en tirer quelques enseignements.
Tout d’abord, il me semble évident que ce résultat vaut ratification populaire du virage pris par Batasuna vis à vis de la sacro-sainte stratégie politico-militaire qui prévalait depuis la création d’ETA. Les résultats d’Euskal Herritarrok, en pleine trêve annoncée comme «illimitée», avaient montré que cette aspiration à une lutte exclusivement politique était aussi la promesse de succès électoraux, mais il fallait visiblement plus de temps pour sinon tuer le père, au moins s’affranchir de sa si lourde tutelle. Ceux qui avaient osé le faire à l’époque, contre vents et marées, sont ceux qui aujourd’hui en font pourtant les frais. Si on ne peut que se réjouir du succès de Bildu, on ne peut que ressentir aussi un goût amer face au recul d’Aralar. Décidément, en politique il est un danger mortel que d’avoir raison trop tôt et d’oser quitter la maison familiale. Le résultat d’Aralar est dur, il est injuste, mais réjouissons-nous de constater que c’est le triomphe de la logique qu’il a défendue –ainsi qu’AB– durant la dernière décennie. Et avec un tel plébiscite, peut-on imaginer qu’il soit encore possible pour ETA de revenir en arrière?

Situation intenable pour l’Espagne
2011 semble donc être vraiment l’année de la fin du conflit dans sa phase armée, en tout cas du «côté basque». Car la grande question sera maintenant de savoir si l’Espagne est prête à s’engager aussi sur les chemins de la paix. Est-il justifiable de conserver dans l’illégalité une tendance qui a fait le choix d’une confrontation purement politique, et qui en outre représente désormais le quart de l’électorat d’Hegoalde? Est-il justifiable de maintenir en prison la plupart de ses dirigeants? Est-il justifiable de continuer à réclamer l’application du mandat d’arrêt européen pour Aurore Martin? Est-il justifiable de continuer à maintenir un tel niveau de répression ainsi qu’une politique carcérale de plus en plus déphasée avec la situation?
Il faut être clair: si ETA représentait le prétexte commode à la justification de toute la politique basque de Madrid et si l’affaiblissement du soutien populaire à la stratégie politico-militaire en était la caution, plus le temps passe et plus cette politique deviendra intenable en Pays Basque comme au plan international. Et cela deviendra d’autant plus évident que le monde abertzale saura en même temps relancer les dynamiques collectives mises en stand-by après la rupture du processus de Lizarra-Garazi: mobilisations œcuméniques de soutien aux preso ou aux initiatives de construction nationale de type Udalbiltza, partenariats sur le plan syndical, dynamiques associatives, etc.

Rassembler à nouveau la famille
Car tel est le dernier grand enseignement de ce début d’année 2011: le succès de Bildu n’est pas né par miracle. Il est le fruit à la fois d’une espérance et d’une dynamique, nées du nouveau contexte et de l’accumulation de forces que ce dernier a rendue possible autour du projet abertzale, chose que nous n’avions plus vue depuis 2000. Tôt ou tard, il faudra bien parvenir à recoller les morceaux encore brisés entre Batasuna et Aralar, et pour cela éviter les deux grands écueils que sont les volontés de vengeance et d’hégémonie.
Mais rassembler à nouveau la famille abertzale autour d’un projet intégrateur, afin de proposer une alternative claire et lisible aux électeurs et aux électrices de ce pays, c’est la perspective des années à venir. En cela, Euskal Herria Bai est aussi un grand vainqueur du scrutin d’Hegoalde: notre coalition porte en Iparralde cette logique d’accumulation des forces abertzale et montre que celle-ci est possible entre tendances prêtes à être ensemble tout en étant différentes, à travailler en bonne intelligence autour d’un projet commun. Le vent du changement soufflerait-il du nord?

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