Comme tout le monde, j’ai suivi les premières saisons de la dernière série télévisée à la mode, intitulée «Primaires citoyennes». J’ai adoré le dernier épisode de dimanche: des larmes comme dans «Desperate housewives», du cynisme à la «Dr House», quelques piques il est vrai moins acérées que dans «Dexter», et des bons sentiments fleurant «La petite maison dans la prairie». Maintenant que l’on touche à la fin, au-delà de la boutade il y a là matière à réflexion pour le mouvement abertzale.
Besoin de projet politique
L’exercice proposé par le PS en vue de sa campagne présidentielle a représenté un événement politique important, l’occasion pour lui de faire un tour de chauffe, de tester ses idées, de mettre de l’ordre dans sa stratégie. À ce titre, et sans vouloir être désobligeant avec nos amis socialistes, j’ai vraiment été déçu par le contenu politique des débats auxquels j’ai pu assister ou de ce que j’ai pu en lire. À quelques exceptions près, qui ne viennent d’ailleurs et malheureusement pas de la frange du PS qui m’attirerait le plus, les candidats de cette primaire m’ont paru rivaliser de démagogie, de «y’a qu’à, faut qu’on» irréalistes au regard du contexte actuel, de grands slogans creux, et d’un catalogue de propositions plus digne de la Foir’fouille que d’une alternative à Sarkozy. Et de là je tire ma première leçon, celle de la nécessité pour le PS comme pour nous d’assumer son rôle politique par un programme solide.
Trop souvent, le mouvement abertzale s’est satisfait d’un corpus idéologique assez simple, tournant autour de thématiques liées à l’identité basque. Ces dernières années, un gros pas en avant a été franchi dans la prise de conscience du fait que nous devions savoir parler de tout à la population locale. Nous sommes parvenus à être des référents dans certains domaines mais il faut l’être dans le maximum et c’est l’un des enjeux majeurs, notamment dans la perspective des municipales de 2014. Il reste plus de deux ans pour continuer à enrichir le message abertzale des compétences croisées de ses militant(e)s et de ses élu(e)s, en un projet politique capable de susciter la confiance des gens qui ne sont pas encore abertzale.
Besoin de visibilité
Événement politique que ces primaires, mais aussi événement médiatique majeur. En effet, pour quiconque bataille au cœur de la vie politique d’Iparralde en tentant d’y défendre l’option abertzale, cette primaire a montré le fossé abyssal qui oppose en impact médiatique les partis de dimension hexagonale et ceux dont l’horizon est local. L’UMP peut bien pester contre l’omniprésence actuelle du PS dans les media, elle sait qu’elle pourra compter sur un rééquilibrage d’ici la fin de l’année, de sorte que les deux formations puissent se lancer sur un pied d’égalité dans la campagne présidentielle. Le FN, dont le fond de commerce était invariablement l’ostracisme qu’il pensait subir de la part de ces mêmes media, n’a plus désormais à se plaindre: son statut de troisième force en France lui permet désormais d’apparaître seul au côté de l’UMP et du PS en plein JT de 20h du service public pour commenter les résultats. Les autres restent derrière, mais gageons qu’ils apparaîtront aussi dans les prochains mois, ce qui est pour le moins normal.
Mais en ce qui nous concerne, dans cette société ultra-médiatisée où la télévision conditionne tout, jusques et y compris les comportements politiques, où apparaissons-nous? Certes, les media locaux de tout type intègrent aujourd’hui la «donnée abertzale» du paysage politique local et honnêtement je ne crois pas que nous ayons à nous plaindre de notre traitement. Mais que pèse ne serait-ce que le poids du quotidien local le plus lu face à celui envahissant des chaînes de télévision françaises? Bien peu de choses. C’est ainsi, le mouvement abertzale ne luttera jamais à armes médiatiques égales avec les droite et gauche françaises, le «vu à la télé» le laissera toujours dans leur ombre. Pas la peine de pleurer, cela n’y changera rien. Par contre, à nous de savoir apprendre à jouer avec nos propres forces, celles de la connaissance du terrain local, d’un tissu militant à mobiliser, d’une capacité à créer l’événement ou des modes originaux de communication, pour compenser par le «bas» ce que les autres obtiennent par le «haut».
Besoin d’unité
Enfin, la dernière leçon que je tire de ces primaires est celle de la nécessité d’unité. Le PS l’a bien compris, pour gagner en 2012 il doit éviter la dispersion des candidatures et rassembler sa famille. C’est seulement ainsi qu’il sera lisible, que son message sera compris. Le mouvement abertzale n’échappe pas à cette logique. Or, il est divisé en Iparralde en quatre partis dont trois de gauche, ce qui, en plus d’être moins visible que les autres, le rend aussi illisible. Avant tout autre considération tactique, le premier enjeu est inévitablement de mettre fin à nos divisions.
Jusqu’il y a peu, c’était impossible car les divergences à la fois stratégiques et idéologiques étaient trop importantes. Aujourd’hui, la fin de la lutte armée et les autres évolutions récentes de la gauche abertzale officielle, tout aussi importantes, ouvrent des perspectives que nous devons savoir saisir. Il est temps de passer à une nouvelle phase, celle qui nous mènera à terme à la réunification du mouvement abertzale. Cela prendra du temps, mais c’est nécessaire dès aujourd’hui, tant pour notre efficacité au quotidien que pour notre avenir électoral.