Peio Etcheverry-Ainchart, Marie-Christine Elizondo candidats EH Bai dans la 6ème circonscription

Enbata: Lors de la présentation de votre candidature à la presse, vous vous êtes référé à un militant d’Enbata qui vous fut cher… Peio Etcheverry-Ainchart: Ef-fectivement, j’ai commencé ma conférence de presse en racontant qu’il y a presque 70 ans, au sortir de la guerre, alors que la France devait se doter d’une nouvelle constitution qui devint celle de la IVe République, un jeune homme du même âge que moi avait été contacté par le MRP pour figurer sur sa liste. Tout en acceptant, il préféra se présenter sous l’étiquette «candidat indépendant basque» mais la formule prêtant quelque peu à polémique, on lui demanda de ne conserver que le qualificatif «indépendant». Il rétorqua qu’à choisir, il garderait le qualificatif «basque» et c’est ainsi qu’il fut élu, devenant ainsi le premier député abertzale du Pays Basque Nord. Si son mandat fut éphémère, il eut le temps de déposer le premier projet de création d’une institution propre au Pays Basque. Ce jeune homme, c’était mon futur grand-père, Jean Etcheverry-Ainchart. À l’heure où à mon tour je me présente à une législative, en outre au nom de ce mouvement abertzale qu’il a contribué à lancer avec Enbata, je ne peux m’empêcher de penser à lui, qui est décédé voici bientôt 10 ans; en quelque sorte, je mets mes pas dans ses pas à lui, et espère en être digne.

Enb.: Certains abertzale disent que les législatives françaises ne sont pas des élections prioritaires pour les abertzale. Que répondez-vous à cela?
P. E-A: Je réponds que prioritaires ou pas, toutes les élections sont importantes. Quelles qu’elles soient, les élections sont un élément important de la boîte à outils dont nous disposons pour convaincre la population de la valeur de notre message. Il y a d’autres outils tout aussi importants, liés notamment aux mobilisations populaires et à l’action militante au quotidien: ce n’est pas par les élections qu’ont été gagnées les batailles des ikastola ou de Laborantza Ganbara mais par un investissement sur le terrain, pour ne prendre que ces exemples emblématiques. Mais les élections sont les seuls moments où la population désigne ses représentants, ceux et celles qui décideront en leur nom. Nous nous devons d’y participer et d’y être les meilleurs possibles, car personne ne satisfera nos besoins aussi bien que nous-mêmes… et ces besoins sont assez nombreux et difficiles à faire reconnaître pour que nous ne nous offrions pas en plus le luxe d’offrir ces élections à nos adversaires!

Enb.: Comment vous adressez-vous aux électeurs de cette 6ème circonscription, marquée à droite, surtout à Biarritz et Saint-Jean, où l’électorat est loin des préoccupations abertzale? Quel est le cœur de votre message pour être entendu par un électorat plus vaste, peut-être aussi par l’électorat basque de l’intérieur qui vote assez massivement pour Alliot-Marie, et améliorer ainsi le score abertzale dans la 6ème circonscription?
P. E-A: Contrairement à ce que l’on peut penser, la droite locale —largement héritière de l’idée de «France des petites patries»— est bien moins hostile à la défense des particularismes locaux que cette gauche jacobine qui confond égalité et uniformité. Moins qu’à cause de l’institution ou de la langue —contre lesquelles ce sont surtout des acharnées telles qu’Alliot-Marie qui bloquent toute évolution, c’est plutôt parce qu’on porte un message de gauche que la circonscription nous est difficile. L’enjeu est de parvenir à amener cette population de droite labourdine —somme toute modérée et parfois même euskaltzale— à s’ouvrir à notre projet social et économique, tout en amenant la gauche à écouter notre projet abertzale. Là réside toute la difficulté de l’exercice.
Ceci étant dit, il reste clair que l’obstacle principal à faire tomber est Michèle Alliot-Marie. Si demain la presse hexagonale peut titrer en grosses lettres que l’une des figures emblématiques du pouvoir parisien a été battue du fait des abertzale, l’élection sera de toute ma-nière réussie.

Enb.: A l’instar de ce qui s’est produit par le passé, l’élection de François Hollande générera peut-être un mouvement en faveur du candidat socialiste pour donner une majorité au nouvel élu. Quelle est votre stratégie pour que votre voix soit entendue par l’électorat progressiste? Quelles sont les deux ou trois idées-force qui vous démarquent et donneront envie aux électeurs de voter pour le candidat que vous êtes?
P. E-A: Précisément le fait de porter ce message à la fois abertzale et progressiste ! Il est loin, le temps du mouvement abertzale qui ne se faisait entendre que sur des thématiques liées à l’identitaire. Aujourd’hui, quand je croise les gens pendant la campagne, ils me disent «ah oui, c’est vous qu’on entend sur le logement!». Sur la 6ème circonscription, tant moi-même que Marie-Christine ma suppléante sommes identifiés autour de deux thématiques sociétales —le logement et la LGV—
ce qui nous permet de dépasser la vision qu’avaient les gens des abertzale. Ce sont nos forces, et nous en faisons d’autant plus nos axes de campagne principaux qu’ils sont aussi des enjeux d’une actualité brûlante. La thématique de l’institution est le troisième axe phare car il est à la fois une revendication emblématique de l’abertzalisme, et le cadre idoine d’aménagement de ce territoire.
Bien sûr, si malheureusement on ne se mar-che pas trop sur les pieds dans le domaine du logement, d’autres candidats portent la thématique anti-LGV ou celle de l’institution; mais nous sommes les seuls à ne pas devoir assumer un accord de gouvernement avec le PS, qui refuse la création d’une institution propre au Pays Basque Nord et qui est le principal promoteur du projet de LGV. Or au final, c’est bel et bien la direction du PS et non sa députée locale qui décidera… En plus d’être abertzale, c’est cette clarté qui marque notre spécificité parmi les autres candidat(e)s.

Enb.: Le statut de l’euskara et la collectivité territoriale spécifique sont au cœur de votre campagne. Comment portez-vous ces revendications auprès de l’électorat de la 6ème circonscription?
P. E-A: Je crois que sur ces thèmes, nous devons en premier lieu faire œuvre de pédagogie. En ce qui concerne la thématique de l’euskara, cela revient d’abord à casser la représentation parfois très présente d’une revendication d’exclusion. La demande d’un statut pour l’euskara n’est pas une mesure d’agression contre la langue française: accorder l’égalité des droits à l’euskara n’enlève rien au français, sauf son monopole. Celui ou celle qui regretterait ce monopole, celui-là serait un vrai nationaliste! À mon sens, cette question de la revendication linguistique est également un bel exemple de la volonté intégratrice de notre projet politique: à celles et ceux qui pensent que les abertzale ne s’adressent qu’aux Basques et veulent exclurent les autres, le principe d’égalité des droits montre clairement que loin de vouloir leur retirer quelque chose, nous réclamons seulement les mêmes droits, sur cette terre où par ailleurs tout le monde est bienvenu.
Quant à la revendication institutionnelle, en plus de la reconnaissance territoriale qui est un droit fondamental, il s’agit de la recherche d’un cadre d’intervention efficace pour le développement économique et social de ce coin d’Europe. Quand Michèle Alliot-Marie parle «collectivités élargies et compétitives», nous lui répondons «collectivités plus petites et à taille humaine», pour relocaliser les lieux de décision politique et les adapter à la nécessaire relocalisation des échanges. Une chambre d’agriculture du Pays Basque adaptée aux réalités agricoles locales, cela parle aux gens. Un établissement public foncier que les élus de droite eux-mêmes ont décidé de calibrer aux limites du Pays Basque Nord pour ces mêmes raisons, cela parle aussi aux gens. Des services administratifs plus proches, plus accessibles, plus efficaces car ils connaissent mieux le terrain, cela parle encore aux gens.
Que l’on se sente basque ou pas, et en particulier en ces temps d’urgence environnementale et sociale, on comprend ce qu’est l’intérêt des échanges de proximité et des structures politiques les plus efficaces pour les mettre en place; surtout quand la circonscription est ainsi adossée au Pays Basque Sud et aux perspectives de liens de toute nature que cela offre.
La revendication d’une institution et celle d’une langue, loin d’être des outils d’exclusion, sont des outils d’intégration et de mieux vivre en-semble!

Enb.: Quel genre de député souhaiteriez-vous être, si vous étiez élu?
P. E-A: Je souhaiterais être l’antithèse de ce qui est par ailleurs proposé durant cette campagne. Une députée sortante UMP qui n’envoie comme programme que la liste des subventions qu’elle a fait pleuvoir sur les communes, par le plus pur clientélisme, comme si les électeurs n’étaient pas à convaincre mais à acheter. Une candidate socialiste qui n’assume pas sur sa plaquette que son parti est le principal promoteur de la LGV et avance masquée derrière une consultation déjà rejetée par les cadres du PS. La totalité des candidats —y compris le PNB, qui se dit pourtant abertzale—, qui se rassemblent derrière un consensus mou sur les droits de l’euskara, mais sont incapables de donner une place digne à cette langue sur leur propre document de campagne. Cette campagne, qui peine déjà à intéresser les gens, pèche aussi par un singulier manque de dignité.
En ce qui concerne EH Bai, quel que soit le résultat final, je crois que nous n’aurons pas à rougir de notre propre campagne: nous traçons notre sillon en cherchant à être à la fois clairs sur nos fondamentaux abertzale, et crédibles sur tous les aspects de la vie quotidienne des gens dont on prétend porter la voix à Paris. Nous faisons une campagne qui me paraît dynamique, dans laquelle les abertzale —sûrement d’autant plus motivés que nous sommes unis et parasités par aucun désaccord majeur— s’investissent. C’est peut-être cela qui personnellement me fait le plus plaisir: le résultat que Marie-Christine et moi-même ferons sera celui d’un effort collectif, qui sera la fierté commune de toute une masse de gens de Hendaye à Biarritz et de Saint-Jean-de-Luz à Louhossoa. Certes nous ne sommes pas «vus à la télé» comme l’UMP ou le PS, ce qui constitue notre principal handicap; mais nous sommes là sur le terrain et là réside notre force, un gage d’avenir qui nous promet de beaux succès notamment en 2014, aux municipales.
Dans l’immédiat, il reste trois jours pour mobiliser tout le monde pour aller voter. Pas une voix abertzale ne doit manquer dans l’océan d’abstention attendu dimanche prochain. Ne laissons pas les autres décider à notre place car personne ne portera notre voix mieux que nous-mêmes. Lopepe-Duhalde, Hardouin-Menta ou Etcheverry-Ainchart-Elizondo, quel que soit le visage de celui ou de celle qui sera cette voix, bozka EH Bai!

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