Le campement d’Agdim Izik

Après 16 ans de guerre et 19 ans de cessez-le-feu plus ou moins tendu, le conflit du Sahara Occidental avait un peu sombré dans un oubli qui pour être parfois teinté de mauvaise conscience n’en semblait pas moins tristement durable. Le violent démantèlement du campement de protestation d’Agdim Izik et les émeutes qui s’ensuivirent à Laâyoune, la capitale occupée du Sahara Occidental, ont pourtant eu raison de l’indifférence médiatique. La tension n’est toujours pas retombée, loin s’en faut, et l’évolution de la situation aura certainement des conséquences majeures pour l’issue de la dernière lutte de décolonisation du continent africain.

Accord de 1991 sous médiation de l’ONU
C’est il y a exactement 35 ans que le Maroc s’est emparé du Sahara Occidental à la suite du départ de l’Espagne, ancienne puissance tutélaire. Après 16 ans de guerre contre les indépendantistes du Front Polisario qui bénéficiaient du soutien de l’Algérie, un accord de cessez-le-feu fut signé en 1991 sous la médiation de l’ONU. Cet accord, qui reste à ce jour le seul texte signé communément par les deux parties, prévoyait l’organisation d’un référendum dans les 6 mois. Dix-neuf ans plus tard, malgré les nombreuses résolutions de l’ONU condamnant le Maroc (plus d’une centaine), ce référendum n’a toujours pas eu lieu.
C’est la composition du corps électoral qui constitua la principale pierre d’achoppement en raison du statut à accorder aux nombreux colons marocains. Leur nombre dépasse en effet le double de celui de la population indigène dans la plupart des villes (et il est même près de 5 fois supérieur à Laâyoune). Les échecs répétés des négociations qui se poursuivent depuis 19 ans ont permis au Maroc de poursuivre cette «marocanisation» du Sahara en multipliant les mesures incitatives (emploi, logement) en faveur des colons. De fait, la population indigène ne tire quasiment aucun profit des richesses halieutiques et minières du Sahara Occidental. De l’aveu même de l’envoyé spécial de l’ONU, Christopher Ross, le statu quo est devenu «insoutenable». Rien d’étonnant donc à ce qu’un mouvement de protestation d’une nature nouvelle ait vu le jour pour s’opposer au pillage des ressources et à la politique discriminatoire du Maroc…
Début octobre, des milliers de Sahraouis ont monté un campement géant à Agdim Izik, à une dizaine de kilomètres de Laâyoune. Les autorités marocaines ont été complètement dépassées par cette initiative et très rapidement, ce sont près de 15.000 personnes qui se sont retrouvées à camper un plein désert pour soutenir les revendications sociales des initiateurs du mouvement. Il est à ce sujet intéressant de remarquer que la question nationale ne faisait pas partie des revendications initiales des protestataires: «nous n’accepterons aucune récupération politique de ce mouvement éminemment social», déclarait l’un des responsables du camp à la revue marocaine Tel Quel, «nous avons interdit aux habitants du camp d’y faire entrer des drapeaux marocains ou des em-blèmes du Polisario. Ceux qui tenteront de scander des slogans indépendantistes seront immédiatement exclus».

Nouveau round
de négociations à New-York
Cette retenue des protestataires n’a de toute évidence guère eu d’effet sur l’attitude du Maroc. A l’occasion du discours marquant le 35ème anniversaire de la «marche verte» (ou, en termes moins euphémisés, l’annexion du Sahara Occidental par Hassan II le 6 novembre 1975), le roi Mohamed VI n’a eu aucun mot au sujet du camp d’Agdim Izik et des revendications de ses occupants. En réaction à ce royal camouflet, les protestataires se rallièrent ouvertement au camp indépendantiste en revendiquant «le droit inaliénable à la liberté et à l’autodétermination». Sans grande originalité, le Maroc répondit à cette radicalisation en envoyant l’armée démanteler le camp d’Agdim Izik.
Les images de l’assaut de l’armée sur les campeurs et des émeutes insurrectionnelles qui ont par la suite enflammé Laâyoune ont fait le tour du monde. Les versions des deux parties sur le déroulement des opérations s’opposent radicalement, mais il semble indéniable que les forces armées marocaines aient commis de nombreuses exactions à l’abri des re-gards gênants de la presse qui a été interdite d’accès: Human Right Watch rapporte ainsi que les forces de sécurité ont «participé à des actions punitives contre des civils et des habitations et empêché des Sahraouis blessés d’aller chercher des secours». L’ONG dénonce également la torture pratiquée sur les détenus, même si les autorités marocaines se veulent rassurantes en affirmant «qu’aucun innocent n’a été torturé»…
Aujourd’hui, les tambours de guerre résonnent toujours des deux côtés. Le ministre marocain des Af-faires étrangères estime en effet être «dans un état de guerre au sens large. Nous avons des ennemis qui attaquent les intérêts suprêmes du pays». Et le Front Polisario n’est pas en reste qui assure que «c’est la population elle-même qui va obliger le Polisario à prendre les armes, bien que nous n’en ayons pas envie». C’est dans ce contexte que doit se tenir un nouveau round de négociations prévu de longue date entre le Maroc et le Polisario sous l’égide des Nations Unies à New York. Bon courage!

David Lannes

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