Le conseil de direction du Conseil de développement a adopté le 5 avril un avis motivé et très majoritaire, en faveur de la Collectivité territoriale à statut particulier pour le Pays Basque. Je n’aborderai pas ici le contenu de cet avis qui sera présenté à la presse ce vendredi par le Conseil de développement. Je dirai simplement que c’est un avis historique qui constitue un tournant dans l’évolution de ce dossier emblématique pour le Pays Basque.
Certains considèrent que le gouvernement actuel, par sa proposition de réforme des collectivités territoriales prévoyant la suppression des Pays, nous a rendu un grand service, puisqu’il a déclenché, au sein du Con-seil de développement et du Conseil des élus, une réflexion sur la solution de remplacement qui nous mène, assez consensuellement, à la formule de la Collectivité. Pour ma part, je pense que ce qui devait arriver allait arriver de toutes façons!
J’ai déjà eu l’occasion de dire qu’un dossier essentiel pour le territoire, travaillé depuis de longues an-nées, porté par un mouvement pluraliste, de façon pédagogique, avec des phases successives d’élargissement dans l’opinion et dans les instances associatives et institutionnelles, ne peut pas ne plus exister un jour, parce que quelqu’un quelque part aurait décrété que la partie est terminée et qu’il faut rentrer dans le rang.
Déclic
L’essentiel, c’est de résister dans le temps tout en consolidant les positions, parce qu’un jour, un élément nouveau, non programmé, peut surgir de l’intérieur du mouvement ou de l’extérieur, qui donne une opportunité non imaginée jusqu’alors et qui permet soudain au dossier de faire un saut qualitatif décisif. Nous avons vécu quelque chose de ce type avec Euskal Herriko Laborantza Ganbara, et nous vivons, ou allons vivre quelque chose de ce type avec la question institutionnelle en Pays Basque. (Il s’est passé aussi un phénomène de ce type avec la lutte du Larzac.). Ce sont les chemins parcourus avec l’association des élus pour le département Pays Basque, l’association pour un nouveau département, les partis politiques porteurs de ce débat, le mouvement Batera, les dé-bats portés au sein du Conseil de développement et du Conseil des élus depuis 20 ans, l’aventure Laborantza Ganbara, les débats au sein du Biltzar des maires, et certainement d’autres initiatives encore, qui ont permis, lentement mais sûrement, de rendre le terrain propice à une vision partagée sur l’évolution de la «gouvernance du Pays Basque». Evidemment, l’arrêt de la violence et la perspective d’un processus de paix que cela devrait permettre, facilite beaucoup la chose. Peut-être que s’il n’y avait pas eu ce nouveau contexte «au Sud», le débat serait encore resté bloqué ici. C’est fort possible; mais ce qui compte et qui est essentiel dans une bataille, c’est qu’au moment où le paysage change en rendant peut-être possible ce qui était impossible jusqu’alors, nous soyons complètement prêts! De la même manière, l’histoire de la suppression des Pays a été un déclic qui a déclenché ce que nous vivons actuellement. Il n’y aurait pas eu ce déclic, il y aurait eu autre chose, peut-être provoquée par les porteurs de la revendication institutionnelle. De toutes façons, les divers chemins parcourus dont je parlais plus haut, ne pouvaient être des voies sans issue. Il faut du temps pour faire mûrir un dossier; il faut faire plusieurs fois «le tour de la montagne», mais nous n’aurions pas passé tout notre temps à tourner autour de la montagne, sous prétexte qu’on nous interdirait de l’escalader!
Il se passera quelque chose
Pour la suite des événements, j’ai envie de dire que ce sera pareil. Espérant que le Conseil des élus suivra l’avis du Conseil de développement, nous serons devant le nouveau gouvernement issu des prochaines élections: ou bien, il accepte de prendre en considération la revendication de la Collectivité territoriale et, dans le consensus et le pluralisme, nous travaillons à la rendre possible, opérationnelle et utile. Ou bien c’est le refus, avec évidemment d’excellentes raisons! Ce qui sera certain, c’est que selon l’une ou l’autre des options, le rôle des élus locaux, relais du gouvernement en place, aura eu une influence certaine dans la position retenue au sommet.
Mais, même en cas de refus, l’Histoire ne s’arrêtera pas là pour autant! Que se passera-t-il? Je ne le sais pas, mais ce qui est sûr, c’est qu’il se passera quelque chose! Je le répète, un mouvement enraciné si fortement dans le temps et dans la terre de ce pays, ne peut s’arrêter comme ça, en attendant qu’un nouveau cycle et de nouvelles opportunités se représentent, éventuellement, un jour. Et, je reviens au dossier d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara, l’histoire que nous avons vécue a eu lieu, parce qu’au moment où les conditions étaient réunies pour passer à une nouvelle phase, le gouvernement n’a pas mesuré l’ampleur et la signification de ce qui se passait là, ou, tout simplement, parce qu’il a décidé de l’ignorer et de le nier. Un autre gouvernement qui aurait eu la même attitude, aurait vécu les mêmes événements. Quand un dossier est mûr, la suite des événements dépend de l’attitude du gouvernement, quel qu’il soit, par rapport à ce dossier.
Ce sera le cas avec le dossier de la Collectivité territoriale Pays Basque. Ce n’est pas du chantage, c’est comme ça que les choses se passent dans les faits.