Au départ, ce n’était qu’une instance bayonnaise soucieuse de la situation de femmes victimes sur son territoire. L’état des lieux fit rapidement apparaître un sérieux déséquilibre entre les moyens accordés à l’est du département au regard de ce dont l’ouest bénéficiait. Pourtant le même état des lieux indiquait que les besoins étaient identiques voire plus importants dans la partie discriminée.
Dans le même temps, ce qui était limité au départ à une commune s’étoffait et accueillait 2 puis 5 autres villes affrontées à la même réalité. L’Observatoire bayonnais des violences faites aux femmes devint alors celui du Pays Basque. Outil Intercommunal, il était salué comme une initiative originale marquant la capacité d’un territoire à s’organiser, répondant aux défaillances d’un Etat qui fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une cause nationale mais dont les moyens sont notoirement indigents !
Les communes s’engageaient alors à verser 20 centimes par habitant afin de consolider la structure et d’envisager un recrutement pour coordonner l’ensemble des missions. L’écriture de la Convention devait durer quelques mois et bien entendu toutes les observations de l’Etat furent prises en compte. Ce fut un travail assez lourd porté de façon presque militante mais la conviction que cet outil serait précieux donnait de l’énergie et de l’envie de faire.
Le 4 octobre 2013, la Convention portant création du Groupement d’intérêt public : “Lutte contre les violences faites aux femmes et égalité entre les femmes et les hommes – Pays Basque” fut solennellement signée dans le grand salon de la Mairie de Bayonne. Outre les signatures des financeurs, communes et conseil général, elle porte celles du sous-préfet, du centre hospitalier, et de la procureure de la République.
Cela venait consacrer un long travail, on pensait alors avoir la capacité de mieux répondre à ce qui continue à être un fléau dans notre société encore terriblement patriarcale !
L’Etat, très présent, devait rapidement faire savoir qu’il n’était pas question d’apporter le moindre soutien financier arguant d’un argument surprenant : l’impossibilité de financer une structure infra-départementale.
D’autant plus étonnant que quelques mois auparavant, Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des femmes, avait affirmé par courrier à la députée Capdevielle qu’elle avait pris en compte la demande de soutien
de l’Observatoire “compte tenu de la volonté affirmée du territoire et de l’urgence de la situation locale”. D’autant plus ébouriffant que l’association Du côté des femmes perçoit une subvention et qu’à notre connaissance
elle n’intervient que dans le Béarn !
S’ensuivirent alors de nombreux échanges avec la préfecture, y compris une lettre signée des huit maires sollicitant 8.000 euros qui nous étaient nécessaires pour boucler un modeste budget.
Rien n’y fit !
Nous nous résolûmes donc à modifier notre fragile équilibre financier et le 20 novembre 2014, nous obtenions l’arrêté préfectoral nous permettant d’exister juridiquement.
Début 2015, à l’occasion d’une simple modification de droit, la préfecture demandait que l’on revienne sur les missions que l’Observatoire s’était fixées. Ce n’était pas acceptable car cela revenait à conduire encore d’interminables palabres et à devoir renoncer à ce que nous avions estimé nécessaire à nos besoins.
Brutalement à trois jours de l’A.G prévue de longue date, le préfet faisait savoir que l’Etat se retirait de l’Observatoire entraînant avec lui tous les institutionnels, enlevant de facto à la structure sa raison d’exister ! Le meilleur fut pour la fin, nous fûmes accusés de vouloir “disposer d’une plus grande autonomie”, de refuser d’articuler nos missions avec les politiques nationales et d’irrégularités juridiques en cohabitant avec des collectifs dépourvus de personnalité morale.
L’Observatoire devenait une sorte d’association de malfaiteurs, ou, vue sa composition, de malfaitrices !
Quel intérêt aurions-nous à ne pas se calquer sur les politiques nationales en la matière et pour quoi faire de différent ? Convenons qu’en sollicitant l’Etat dans ses compétences les plus régaliennes (police, justice) nous aurions fait un choix des plus incongrus pour qui se targue d’autonomie…
Quant aux collectifs, celui des Femmes en Pays Basque est sous statut d’association depuis le 19 octobre 87… seul celui contre les Violences sexistes n’est pas organisé selon la loi de 1901 ! Une simple remarque aurait permis de résoudre la situation ! Pourquoi ce qui était accepté en 2014 devenait-il illicite en 2015 ?
Il n’y a pas de colère, mais de l’incompréhension et une immense amertume chez tous les membres de l’Observatoire. Le seul fait qu’il s’inscrive dans le périmètre du Pays Basque le rendait-il subversif aux yeux de la République ? Le gouvernement pourra toujours raconter que la lutte contre les violences faites aux femmes est une de ses priorités, nous serons un certain nombre à en douter !