Il y a six mois, nous rencontrions Mathieu Iriart de la société I-ENER afin de faire un point sur l’avancée de ce projet de réappropriation citoyenne du secteur énergétique à l’échelle du Pays Basque. Parmi les objectifs affichés à l’époque, deux installations pour le premier semestre 2016 ainsi que des actions visant à réaliser des économies d’énergie dans les foyers. Alda ! fait de nouveau le point avec Mathieu Iriart, mais aussi Bixente Uhalde, premier salarié de la structure depuis le 1er avril 2016.
Deux projets photovoltaïques viennent d’être achevés sur la commune d’Ustaritz, premier objectif rempli donc. Des actions de sensibilisation auprès des riverains sont-elles au programme ?
Mathieu Iriart : La réalisation de ces projets est une excellente nouvelle en effet, pour les bénévoles qui ont permis sa concrétisation, pour les citoyens qui nous ont fait confiance en plaçant une partie de leur épargne, pour les élus qui ont su faire preuve d’audace. La première installation a été réalisée sur le toit d’une école, ce qui devrait nous donner l’occasion de présenter le domaine de l’énergie aux enfants, lors d’un atelier que nous souhaiterions organiser, avec l’appui des élus et des parents d’élèves. En effet, la mission première d’I-ENER est d’entraîner les citoyens vers un modèle énergétique vertueux et local, cela passe nécessairement par des moments de pédagogie, notamment auprès des plus jeunes.
La concrétisation des deux premiers projets a donc supposé 18 mois de travail depuis la création de la société. Avez-vous rencontré quelque difficulté ?
Bixente Uhalde : La réalisation de projets photovoltaïques est parfois un parcours semé d’embûche en effet. Par exemple, le premier site que nous pensions réaliser se situe à Hendaye ; ErDF, structure qu’il est obligatoire de mandater pour le raccordement de l’installation sur le réseau, demande un coût exorbitant qui pourrait remettre en cause la faisabilité du projet. Sur Macaye, la loi nous impose d’enlever les tuiles de la toiture (et donc un surcoût important) pour poser les panneaux, alors que la charpente est assez solide pour supporter l’ensemble. Sur Ustaritz, deux projets ont été annulés par les Architectes des Bâtiments de France à cause de la proximité avec des bâtiments classés… Bref, si au niveau du discours politique national, tous les feux sont verts, sur le terrain, la fluidité est moins de mise. Quoiqu’il en soit la volonté politique locale est là, c’est d’ailleurs pour nous le principal et par ailleurs une excellente nouvelle pour le territoire.
D’autres projets photovoltaïques sont-ils prévus pour cette année ?
Bixente Uhalde : Au-delà des communes d’Hendaye et Macaye, des demandes de raccordement sont en cours de traitement chez ErDF sur trois communes de Basse- Navarre. Nous espérons la concrétisation de deux d’entre elles avant l’automne. Ceci étant, cette réalisation dépend bien évidemment du coût de raccordement proposé par ErDF, des accords en matière d’urbanisme et surtout du soutien des citoyens, sans qui il n’est pas possible de poursuivre l’aventure. Nous sommes aujourd’hui près de 200 participants, nous espérons être des centaines de plus rapidement.
Produire local et renouvelable est la principale mission d’I-ENER. Vous envisagiez par ailleurs des actions en vue de réduire la consommation énergétique des foyers, qu’en est-il ?
Mathieu Iriart : I-ENER a été retenu dans le cadre d’un appel à projet européen, du nom de GreenPlay, en partenariat avec LE COL. Pour I-ENER cela consiste à identifier sur le territoire de Garazi-Baigorri, dont les élus nous avaient soutenus en phase concours, d’ici la fin du mois d’avril, 20 logements chauffés à l’électricité et équipés d’une box internet. L’idée est ensuite à partir de juin d’installer des capteurs communicants dans les tableaux électriques à l’entrée des logements, capteurs capables de mesurer en temps réel la consommation d’énergie. Ces mesures feront ensuite l’objet d’une analyse, dont les conclusions devraient permettre aux occupants de réduire de plus de 20% leur consommation d’électricité, sans avoir recours au moindre investissement. Le seuil de 20 logements a d’ailleurs été atteint très rapidement, ce qui a permis à I-ENER de négocier la possibilité d’augmenter le volume de logements à recruter, ainsi que d’étendre l’espace de sélection sur l’ensemble d’Iparralde. Toute personne intéressée peut ainsi entrer en contact avec Bixente.
Le recrutement d’un salarié, une étape importante ?
Mathieu Iriart : D’une part, la création d’emplois durables non délocalisables fait partie des objectifs d’I-ENER. D’autre part, les demandes d’élus se multipliant, et la charge de travail avec, concrétiser une première embauche s’est avérée une nécessité. Bixente s’est investi en tant que bénévole depuis la création d’I-ENER, ce fut un immense plaisir pour lui et pour nous qu’il puisse être créé un poste répondant à ses compétences et à notre besoin, qui plus est au Pays Basque intérieur, puisqu’I-ENER a décidé de mener ses actions depuis Saint- Jean-le-Vieux, en Basse-Navarre. En ce qui concerne le financement du poste, étant donné que nous ne souhaitions pas dans la mesure du possible que soit utilisé l’argent des citoyens, celui-ci servant aux investissements dans des unités de production d’énergie, nous avons eu l’opportunité d’avoir accès à des ressources externes. Si le projet GreenPlay nous a permis d’assurer quelques mois de revenus, ce sont bien la subvention d’Udalbiltza de même que la promesse d’apport en capital émise par Herrikoa qui ont été déterminants. Au passage, on peut de nouveau souligner la redoutable utilité de ces deux entités développées par les élus et/ou citoyens du Pays Basque.
Justement Bixente, peux-tu nous expliquer ton parcours? Quitter un CDI sur Bordeaux pour revenir au pays et travailler pour I-ENER, c’est un sacré défi…
Bixente Uhalde : En tout cas une envie de longue date, c’est certain. J’ai en effet pu faire coup double : revenir au pays et m’engager au sein d’un projet innovant. Après trois années d’études à plus de 500 km du Pays basque, j’ai souhaité revenir le plus vite possible. J’ai d’abord connu une première expérience professionnelle au sein d’ErDF à Bayonne qui a duré un peu moins d’un an. Puis, n’ayant pas obtenu de CDI au Pays Basque, j’ai fait le choix de m’expatrier pour intégrer une industrie métallurgique située près de Bordeaux où je suis resté un
an avant d’intégrer I-ENER en tant que salarié. L’énergie est et sera la lutte du XXIe siècle. Les réserves d’énergies fossiles atteignant leurs limites, c’est logiquement que beaucoup de pays se tournent vers les énergies renouvelables. Le Pays Basque n’étant pas du tout autonome en énergie, IENER donne l’occasion de construire la souveraineté énergétique. C’est avec beaucoup d’enthousiasme et de plaisir que j’ai débuté mon nouveau travail à St-Jean-Le-Vieux à Lutxiborda. J’espère amener ma pierre à l’édifice d’I-ENER, afin de promouvoir et
développer cette nouvelle entreprise.