Futur antérieur

Graffiti des années 60 entre Mauléon et Tardets

Hauteskundeak, parte hartu ala ez ? Eternelle question posée au mouvement abertzale, entre ses expériences électorales passées et ses indéniables conquêtes dans de nombreux domaines en Iparralde. Une question qui se conjugue au futur antérieur.

Drôle de temps que ce temps de la conjugaison qu’on désigne par une paire de mots qui vont en sens contraire l’un de l’autre. Un temps qui se réfère, au présent, à ce qui dans le passé était en projet, mais qui est classé au niveau de l’utopie, ou de l’imaginaire. Laissez-moi le ressortir à propos de ce qui importe au mouvement abertzale d’Iparralde(1), Euskal Herria Bai, à savoir sa participation aux diverses élections qui auront lieu dans l’État français au cours des mois qui viennent. En se penchant sur l’expérience du mouvement en la matière, faute d’analyse historique bien étayée, ce qui a été retenu pour expliquer les éclipses d’Enbata aux joutes électorales franco-françaises est un climat de déception au vu de la faiblesse des résultats obtenus lors des législatives de 1967.

Participation des abertzale(2) aux législatives de 1967…

Or, nous sommes un certain nombre d’ex-militants d’Enbata, très actifs à l’époque, qui n’avons pas vécu cette époque sous le signe de la déception. Bien au contraire, nous avons, à l’époque, retenu que nos objectifs de départ avaient été amplement remplis – profiter de la campagne électorale pour rencontrer des conseillers municipaux et des gens de toutes les communes du Pays Basque, développer un discours pédagogique sur “le Pays Basque, région naturelle”, ainsi que sur le fédéralisme européen, et évaluer notre capacité d’action dans le domaine de l’abertzalisation du Pays Basque (que nous appelions alors Euskadi). En outre, nous avons reconnu ensemble que nos chances de prospérer dans le domaine des élections étaient très réduites au niveau des scores et très limitées qualitativement pour avancer dans un sens abertzale. On ne disait pas “élection, piège à cons” car 68 n’était pas encore passé par là. Mais on ressentait un manque d’intérêt flagrant pour l’adaptation locale par des notables locaux, des activités politiques franchouillardes en cours, et nombre d’entre nous avons préféré oeuvrer avec toute notre énergie dans des créations populaires qui, elles, ont fait l’objet de nombreuses publications et communications, sur lesquelles s’appuie, entre autres, le mouvement Bagira, associé en quelque sorte à EH Bai.

…après celle de l’artiste nationaliste basque des législatives de 1962

Sur ce chemin de la participation aux élections, nous avons rencontré celles et ceux qui avaient déjà affûté un savoir- faire en accompagnant le candidat “nationaliste basque” Michel Labèguerie aux élections législatives de 1962. Je crois qu’il avait préféré refuser l’étiquette Enbata malgré son affinité idéologique avec les quelques militants de l’époque, tout en entretenant des relations amicales et peut-être même de collaboration politique contractuelle avec le clan démocrate-chrétien du barnekalde(3) conduit par Jean Errecart.

Et il avait été élu. Avec l’étiquette Union des Démocrates pour la V e République. Je ne me souviens pas que nous ayons alors pensé analyser les tenants et aboutissants de cette odyssée, mais l’expression “double appartenance” était sortie entre nous à ce propos, pour la condamner.

On ne peut que reconnaître le talent d’artiste du protagoniste : démarrer sa carrière politique comme médecin et poète, chanteur de Gu gira Euskadiko gazteri berria, Euskadi bakarra da gure aberria(4) au début des années 60 pour la clôturer en 1980 comme sénateur français style MRP et nonobstant maire de Kanbo, Conseiller général, etc… Si déception il y eut dans le milieu Enbata, je pense que c’est dans ce climat de trahison à l’amiable qu’il faut la chercher. Mais le cadre d’une analyse appropriée se situerait dans l’étude des chances et des écueils de la participation d’un pays colonisé à l’épreuve électorale du pays colonisateur.

Sans oublier que notre futur antérieur après les élections législatives de 1967 se déclinait sur le mode Make it yourself (Zuhaurk egin?) dans le domaine de l’euskara et des médias en priorité, mais aussi de la création tant culturelle (danse, théâtre, musique et surtout chant), que de l’enseignement (réseau d’ikastola) et des emplois (artisanat, services, industrie). Et l’arborescence continue à se déployer, touchant actuellement, tous les secteurs d’activité, même l’habitat ou les migrations; et gardant en même temps le cap sur la lutte anti-répression, la résolution du conflit Pays Basque versus Madrid ou versus Paris.

Dans la cour des grands

Les questions qu’on est en droit de se poser sont alors : que peut-on attendre des institutions souveraines -françaises- de Paris en termes de conquêtes de droits, qu’on ne puisse pas obtenir sans notre implication directe dans le jeu politique franco-français (groupes, alliances, trocs, etc.) ? Au cas où nos électeurs se sentiraient frustrés de ne pas être représentés dans la cour des grands, on pourrait peut-être étudier sérieusement la question de notre présence dans les institutions européennes, à condition qu’elles n’excluent pas d’héberger un groupe de petits pays sans Etat sous un statut ad hoc. Et surtout parce que le règlement de ce genre de conflit passe forcément par Bruxelles. Ce que prévoyait le fédéralisme européen tel que dessiné par notre ami, le bon Guy Héraud.

Mais attention, cette piste est vraiment trop glissante… et, en outre, l’utopie n’a plus le vent en poupe chez nous. On l’oppose au pragmatisme. Reste alors à savoir si le modèle électoral est pragmatiquement le plus rentable en Iparralde, abertzale-ment parlant!

(1) Iparralde : Côté Nord. Pays Basque de France, par opposition à Hegoalde : Côté Sud

(2) Abertzale : patriote. Etymologiquement, gardien de la terre des ancêtres

(3) Barnekalde : l’intérieur de Iparralde, par opposition à la zone côtière

(4) Gu gira, etc. : c’est nous la nouvelle jeunesse d’Euskadi. Euskadi est notre seule patrie

+ Note de la rédaction d’Enbata au sujet de l’article “Futur antérieur”  : Deux précisions : aux élections législatives de mars 1967, nous avions deux circonscriptions couvrant les trois provinces. Les candidats Enbata obtiennent respectivement 4,73 % et 4,58 % des voix. Aux élections cantonales de septembre 1967, les résultats sont inférieurs, avec une moyenne de 3 % sur les sept cantons renouvelables. Marquées par un raz de marée gaulliste, les élections législatives de juin 1968 donnent des résultats encore plus décevants : 2 % à l’intérieur et 1,40 % sur la Côte. L’érosion au fil des scrutins est considérée comme un échec retentissant qui déclenche une suspension du mouvement et une crise grave au sein d’Enbata.

Quant aux difficiles relations entre Michel Labéguerie et Enbata, pour comprendre la déception et le ressentiment qui ont suivi, les lecteurs intéressés pourront se reporter sur une anthologie quasi exhaustive des textes parus à ce sujet dans notre journal, à l’adresse suivante : http://michel-labeguerie-enbata.over-blog.com/ Elle se passe de tout commentaire. Il y manque deux documents. Un article paru dans le quotidien Basque Eclair du 10 mars 1966 où Michel Labéguerie se déclare opposé à la création d’un département Pays Basque et à l’enseignement de l’euskara dans les écoles, signalé par Peio et Jon Etcheverry-Ainchart dans leur ouvrage Le mouvement Enbata à la source de l’abertzalisme du Nord (éd. Elkar, p. 144). Et l’éditorial de Jakes Abeberry du 6 avril 2021 qui, pour le centième anniversaire de la naissance de Michel Labéguerie, clôt la boucle du contentieux, en ne retenant de lui que le poète abertzale et en ignorant le politicien. Ce que Marc Légasse avait déjà fait dans un brillant billet paru en août 1980 dans Enbata, pour la disparition de l’homme politique.

Affiche d’Enbata, réalisée en linogravure pour les élections de 1967.
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2 thoughts on “Futur antérieur

  1. Interesgarria eta galdera zuzena pausatzen duzu, Christiane!

  2. Il s agit là , d une trés bonne question . Et il est toujours bon de voir les pionniers et les héros du mouvement Abertzale parler de leurs expériences , positives ou négatives .
    EHBai doit se présenter dans chaque élection ( municipale , départementale , sénatoriale , régionale et européenne ) , et sans alliance au 1er tour . Cela a un cout financier important , mais laisser une partie de nos électeurs aller vers le RN et vers une errance de choix , aura un cout politique important . Pour les élections Européennes 2024 , nous avions un socle électorale minimum de 12 000 voix et de 18 000 voix en faisant une bonne campagne . Les résultats était connue d avance . Trois semaines avant le 9 juin , les sondages et les calculs avait presque tous prémédité . Et pour ceux qui doute encore , j avais posté un commentaire sous l article Enbata de Malika Peyraut du 13 mai 2024 . Article qui a pour titre ” Sauve qui peut ” ! Par contre la résistance du Bloc Macron/gouvernemental avait été sur-estimés sur le BAB et littoral , et le RN a gagner dans tous le Labourd . Et pour EAJ , la liste Yann Wehrling a étais un flop , par manque de visibilité ou d identification . Comme quoi les alliances ne marche pas toujours . Mais dans les législatives 2024 , EAJ a fait 5000 et plus comme prévu quand EHBai n est pas présent en autonome .
    Donc pas d alliance au 1er tour des élections municipales 2026 .

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