Vainqueur des dernières élections corses qui l’ont placée aux commandes de l’exécutif de la collectivité territoriale, la coalition autonomiste Femu a Corsica entame un processus de fusion de ses trois composantes. Voici l’historique du mouvement autonomiste Corse de la naissance de l’ARC à celle de Femu a Corsica.
La structuration politique du mouvement nationaliste corse commence en 1967 avec la création de l’Action Régionaliste Corse (ARC). Sur fond de revendication économique d’un pays laissé littéralement à l’abandon depuis des décennies au profit d’un empire colonial qui s’est écroulé définitivement avec la guerre d’Algérie, l’ARC rassemble des forces vives qui veulent sortir d’un clanisme qui archi-domine l’espace politique insulaire.
Au fur et à mesure de son combat, avec l’apport d’un mouvement culturel qui connaît un foisonnement exceptionnel à compter de 1970 et du riacquistu, le mouvement “régionaliste” évolue vers la revendication autonomiste –parution d’un livre-programme, Autonomia- et s’affirme nationaliste en “une” d’Arritti, en 1974, quand Max Simeoni publie un texte qui fera date: Je suis nationaliste corse.
L’Action Régionaliste Corse devient alors Azzione pè a rinàscita di a Corsica, et son congrès de Corti d’août 1975 lance le processus qui conduira aux événements d’Aleria. L’ARC sera dissoute par le Conseil des ministre en août 1975. L’après-Aléria modifie profondément la donne politique du mouvement nationaliste au fur et à mesure que se structure la clandestinité autour du FLNC.
Malgré le succès de la création de l’UPC en 1978, au moment de la libération d’Edmond Simeoni, la concurrence du mouvement de lutte de libération nationale proche de la clandestinité est une réalité qui s’impose, malgré -ou grâce- aux coups de boutoir de la répression.
L’amnistie de 1981 avec l’élection de François Mitterrand et la création de l’Assemblée de Corse ouvrent un espace politique nouveau que l’UPC investit aussitôt, bientôt rejointe par les premiers mouvements publics de la LLN.
Le FLNC est en pleine ascension, l’UPC partage les points lors des élections régionales de 1984, en déclinant fortement. Des politiques d’union sont alors proposées dans lesquelles l’UPC maintient son refus de la clandestinité au nom de deux principes: seule la voie démocratique garantit un processus de long terme, et la clandestinité recèle le risque inéluctable d’un affrontement entre Corses, qui conduirait le nationalisme à sa perte.
Les années 90 confirmeront hélas ce risque d’affrontement quand les deux branches de la LLN, canal habituel et canal historique, s’affronteront physiquement, les armes à la main. La Lutte de libération nationale traverse alors la plus grave crise, tandis que l’UPC sort de la coalition Corsica Nazione en 1993, quand fut revendiqué l’assassinat de Robert Sozzi.
Parallèlement, chaque tendance de la LLN crée sa propre organisation, notamment le MPA proche du “canal habituel”, tandis que Corsica Nazione reste proche du “canal historique”.
A la fin des années 1990, les affrontements s’arrêtent; en 1999 seront signés solennellement les accords de Migliacciaru.
Dispersion
Progressivement, d’anciens cadres de la LLN prennent position pour sortir de la clandestinité et décident d’investir le discours de la voie démocratique. Mais chacun a son propre parcours et, aux élections régionales de 1999, trois listes différentes se présentent sur ce même créneau du “nationalisme démocratique“: l’UPC au nom de son choix historique, ceux qui sont issus du courant “canal historique” qui initient la liste Uniti, et ceux issus du courant “canal habituel” qui lancent une liste “Mossa Naziunale“.
Chacune de ces listes fera 4% environ, aucune d’entre elles n’obtiendra de siège car la barre est de 5%. Seule Corsica Nazione sera représentée à l’Assemblée de Corse et participera au “processus de Matignon” lancé par Lionel Jospin.
Cet échec collectif amène les responsables à se rencontrer et c’est ainsi qu’est né le PNC, lancé aux élections législatives de juin 2002 et officiellement créé en décembre de la même année, en regroupant principalement Mossa Naziunale et l’UPC. Son secrétaire national est Jean-Christophe Angelini.
De leur côté, plusieurs cadres de la démarche “Uniti” créent Scelta Nova, puis Chjama Naziunale, tandis qu’autour de Gilles Simeoni émerge à partir de 2008 et des élections municipales de Bastia le groupe Inseme per Bastia qui s’élargira en Inseme pè a Corsica.
En mars 2010, PNC, Inseme et Chjama créent la coalition Femu a Corsica qui remporte un succès majeur lors des élections territoriales: 18% au premier tour, 26% au second tour, installant un groupe de 11 élus à l’Assemblée de Corse, contre 4 pour Corsica Nazione.
Force majeure
Le courant démocratique reprend alors très nettement le leadership au sein de la famille nationaliste, et son ascension commence progressivement à ébranler la dominations des forces politiques traditionnelles.
Un an plus tard, aux cantonales 2011, la victoire de Jean-Christophe Angelini contre Camille de Rocca Serra sur les terres ancestrales de la droite portovecchaise témoigne de ce nouveau rapport de forces qui trouvera sa confirmation éclatante avec la victoire de Gilles Simeoni sur la “gauche républicaine” d’Emile Zuccarelli aux municipales de 2014 à Bastia.
Dans le même temps, le “débat stratégique” sur la violence politique prend une tournure nouvelle avec la décision du FLNC d’abandonner définitivement la lutte armée. Annoncée en juin 2014, validée par 18 mois sans attentats, cette orientation a permis à l’ensemble du mouvement nationaliste de s’unir entre les deux tours de l’élection territoriale en 2015.
Cette union “Pè a Corsica“, réalisée en 24 heures au soir du premier tour, a permis d’emporter la majorité de l’Assemblée de Corse.
Pour Femu a Corsica se pose chaque jour davantage la question de sa structuration. Les sigles d’origine, PNC, Inseme, Chjama, ont été éclipsés par les succès de l’Union. Six ans après sa création, au lendemain de la victoire des territoriales, Femu a Corsica s’impose comme une force majeure de la vie politique insulaire.
Pour Femu a Corsica se pose chaque jour davantage
la question de sa structuration.
Les sigles d’origine, PNC, Inseme, Chjama,
ont été éclipsés par les succès de l’Union.
Six ans après sa création,
Femu a Corsica s’impose
comme une force majeure
de la vie politique insulaire
Désormais, sa structuration est impérative pour s’inscrire dans la durée et s’élargir. Car nombreux sont ceux qui, parce qu’ils ont rejoint progressivement ces dernières années le nationalisme démocratique, ont besoin d’adhérer directement à Femu a Corsica.
L’heure est venue d’ouvrir une nouvelle page de l’histoire pour ce courant du mouvement nationaliste commencé avec l’ARC, il y a maintenant un demi-siècle, et dont le rôle historique est de mener le peuple corse à l’autonomie.