Bizi ! a publié un guide pour intégrer l’usage de l’euskara dans son fonctionnement malgré une prédominance du français. Explication théorique et pratique à l’usage d’autres associations ancrées dans le territoire.
“Non mais le basque c’est une langue morte, ce n’est que pour faire joli sur les panneaux…” Cette réponse apportée à des touristes curieux par un pseudo connaisseur du pays est caricaturale mais, sans aller aussi loin, nous connaissons tous des personnes natives du Pays Basque et qui y ont vécu toute leur vie, qui n’ont aucune idée de la vitalité et de l’importance de l’euskara.
Elles sont pour moi comme une huile incapable de se mélanger à l’eau qui la porte, vivant en deux dimensions dans un monde qui en compte trois… Je ne vais pas leur jeter la pierre, ayant échappé à ce sort de justesse, mais cela montre pour moi l’importance de créer des passerelles, d’ouvrir des perspectives à ces personnes habitant notre territoire pour qu’elles dépassent le réflexe du : “ça c’est un truc de Basques, c’est pas pour moi”.
Percevoir que la langue basque est la clé pour être davantage en adéquation avec le pays où elles vivent, pour devenir partie prenante de sa grande richesse humaine et culturelle, c’est déjà faire un pas vers son apprentissage.
Un jour, elles découvriront qu’être basque, c’est surtout parler basque, et qu’elles peuvent faire le choix d’intégrer cette communauté dont elles se sentaient exclues…
Par la composition de ses adhérents (20 % environ d’adhérents bascophones, mélange de locaux et de nouveaux arrivants), son positionnement et ses choix d’action militante, Bizi a tenu de manière naturelle ce rôle de passerelle depuis sa création. C’est pour moi un élément fort de son identité et de sa force.
Les paroles de Catherine l’illustrent bien : “En adhérant à Bizi, je ne venais pas pour ça mais je me suis vite aperçue que l’euskara me manquait pour communiquer avec les autres adhérent-es : sur les stands que nous tenons régulièrement, mais aussi dans les échanges du quotidien. Alors, depuis octobre, je suis des cours à AEK. Cela fait 20 ans que j’habite en Iparralde et cette année j’ai vraiment découvert un autre Pays Basque à ma grande surprise. C’est en parlant l’euskara que l’on peut vraiment comprendre ce pays et surtout ceux qui l’habitent…”
Les statuts de l’association placent la pratique de l’euskara comme un fondement de son fonctionnement mais avec la sortie du guide Euskaraz Bizin, Bizi a été plus loin, en prenant le temps de réfléchir aux liens unissant le mouvement et la langue basque, leurs apports mutuels.
Biodiversité linguistique
Bizi qui s’occupe de sociolinguistique… Voilà qui semble bien loin de son champ d’action ! Qu’est ce que la pratique d’une langue a à voir avec l’écologie et la lutte contre le changement climatique ?
Beaucoup, parce que comprendre l’importance de la biodiversité permet de percevoir celle de la diversité linguistique : les deux multiplient la créativité, les forces et les moyens de résilience. L’équilibre est le garant de cette diversité, quand une espèce est invasive, c’est d’autres qui disparaissent, quand une langue domine, les autres sont en danger.
D’autre part, l’utilisation de l’euskara est le signe de l’enracinement de notre action militante dans le territoire. Or, comme nous l’avons développé dans le document Euskal Herria Burujabe, l’échelle du territoire est la plus pertinente dans la lutte contre le changement climatique.
Notre monde meurt de vivre hors-sol, asphyxié par une culture mondialisée. Défendre le monde, c’est défendre chaque territoire du monde, chaque communauté, chaque langue, chaque culture, garants de la diversité et de la résilience de l’humanité…
Tout cela est bien beau mais en pratique ? Sachant que la thématique qui rassemble les membres de Bizi est l’écologie et que la langue commune est le français, comment être efficace en donnant à la langue basque la place qui lui revient tout en prenant en compte les non-bascophones ?
Depuis son origine, Bizi expérimente, tâtonne, galère… et progresse.
Le livret Euskaraz Bizin
liste les différents moyens utilisés au sein de l’association
pour donner de la place à l’euskara.
Il montre aussi que si le travail de Bizi
a sûrement contribué à la vitalité de la langue basque,
l’inverse est également vrai :
ce qui pourrait être perçu parfois comme une contrainte
se révèle être une richesse.
Le livret Euskaraz Bizin marque un point d’étape dans cette avancée et, au-delà des aspects théoriques, liste les différents moyens utilisés au sein de l’association pour donner de la place à l’euskara. Il montre aussi que si le travail de Bizi a sûrement contribué à la vitalité de la langue basque, l’inverse est également vrai : ce qui pourrait être perçu parfois comme une contrainte se révèle être une richesse.
Sans prétention, nous pensons que cette réflexion pourrait inspirer d’autres structures qui à leur tour partageraient leurs pratiques. C’est la vitalité de l’euskara qui en sera renforcée, de même que les liens entre les habitantes et habitants de notre territoire.