La réunification de l’Irlande vient d’être actée dans la dernière palinodie de Boris Johnson. En scellant un accord avec l’Union Européenne le 17 octobre et en obtenant son approbation par la chambre des Communes le 22 octobre à une majorité de 30 voix, le premier ministre britannique donne enfin une possible issue à trois années d’imbroglio du Brexit. S’il ne respectera pas l’échéance qu’il s’est fixé au 31 octobre, il obtient cependant la suppression du “backstop” entre l’île irlandaise et la Grande Bretagne et surtout, il évite une frontière physique entre les deux Irlande, gage de paix en respect des accords du vendredi saint sous l’égide de l’UE.
Il tranche ainsi le noeud gordien qui a valu l’échec de Teresa May. Mais au prix le plus fort, celui du maintien de l’Irlande du nord dans le marché unique européen, c’est-à-dire intégré à la République d’Irlande, élevant le Parlement Nord Irlandais, le Stormont, institué lieu décisionnel, garant de la pérennité de cet accord douanier. Le Stormont aura droit de veto et de renouvellement tous les quatre ans. Ceci est une forme de trahison envers le parti protestant unioniste DUP, dont les dix députés à Londres font sa majorité. Cette architecture est cependant fort fragile car, après leur vote positif sur le deal avec l’UE, les Communes ont aussitôt exigé de Boris Johnson un délai pour l’inscrire dans la loi britannique faisant ainsi du Conseil européen le juge de sa mise en oeuvre. Sans alourdir le dialogue par une nouvelle réunion des 27 chefs d’Etats, ces derniers ont cependant répondu dès le 24 octobre qu’ils étaient prêts à accorder un troisième report au Royaume-Uni au 31 janvier et sans fixer d’échéance. Nous en sommes là au moment d’écrire cet éditorial.
Sur l’éclatement des empires, russes, ottomans, austro-hongrois et britanniques, ont surgit au XIXe siècle les Etats-Nations. Sur les décombres des deux conflits mondiaux entre ces Etats, le continent européen a décidé de transcender ces affrontements en un vouloir vivre ensemble original, sans précédent pour l’humanité.
Pacifiquement, six pays ont planté un espace politique solidaire dont le rayonnement a séduit de nouveaux partenaires pour librement mettre en commun une partie de leur souveraineté.
L’Union européenne permet à chacun de s’en séparer comme le Brexit, ou de la rejoindre comme actuellement des pays des Balkans. On le voit, cette institution est donc totalement imbriquée au destin des nations de notre continent.
Le Brexit, au-delà du départ de la Grande- Bretagne, fait aussi jaillir le débat sur la réunification de l’Irlande et la sécession écossaise. Car l’Angleterre, encadrée par le droit européen, ne peut plus agir par la force vis-à-vis de ses nations sous tutelle, comme elle le fit avec son empire. L’Europe offre aux peuples sans Etats la perspective de briser leur enfermement, leur tête-à-tête avec leur pouvoir central. Le peuple catalan, en protestation au verdict inique infligé par la justice espagnole à ses dirigeants, vient à nouveau de signifier sa volonté de s’affranchir de la tutelle madrilène. L’Europe, pour l’heure, avec ses faiblesses, est cependant une ligne d’émancipation possible, car, au-delà des conjonctures politiques issues des élections, elle est aussi un Etat de droit où les principes inscrits dans sa charte s’imposent in fine aux plus récalcitrants. Le recours des dirigeants catalans condamnés par l’Espagne ou exilés, auprès de la Cour Européenne, dira le droit comme elle l’a déjà fait pour les presos basques avec l’abolition de la loi Parot, car la justice européenne se situe au-dessus de celle des Etats. Et même si cette mécanique venait à gripper, elle n’en demeurerait pas moins un recours inscrit dans l’ADN de l’Union. Comme la question nationale, la justice s’inscrit dans le temps long.
Vision idyllique ? La démocratie formelle prend un sacré coup de vieux à la lumière du débat institutionnel européen qui se joue sous nos yeux. Quel est le pays où le premier ministre nommé doit être préalablement investi par le Parlement pour constituer son exécutif ? Ursula Von der Leyen, désignée à la tête de la future Commission européenne par les 28 chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union, a franchi le 16 juillet l’épreuve du vote du Parlement de Strasbourg avec neuf voix de majorité. Les 28 commissaires, appelés à gouverner sous son autorité, désignés par les 28 Etats –membres, passent les uns après les autres devant le Parlement qui les auditionne avant d’être nommés. Trois ont été recalés, dont la candidate française, repoussant ainsi la présentation globale de l’équipe exécutive devant l’assemblée au 1er décembre. Dans quelle autre démocratie voyons nous chaque ministre adoubé par le Parlement avant de l’être collectivement ? Loin des “technocrates de Bruxelles”, la Commission est l’institution la plus démocratique du continent. Reste que si l’Union est la plus grande puissance commerciale du monde, elle demeure un nain politique. Au-delà du versant économique et monaitaire mis en commun, elle n’est qu’une simple association d’Etats. Face aux Etats-Unis d’Amérique, la Russie et la Chine qui parlent d’une seule voix, l’Europe assiste en spectateur au drame kurde. L’Europe est cruellement incapable de faire prévaloir dans le monde ses valeurs de paix et de prospérité qu’elle a su construire pour elle même. Ursula Von der Layen veut “une Europe plus forte sur la scène internationale”. Souhaitons-le !
Bonjour,
Cet article est intéressant pour son explication de la réunification de l’Irlande au tout début. Bien entendu je ne partage pas du tout son délire européiste.
Par exemple, l’Espagne pèse de tout son poids sur la Catalogne ; et, sur l’Espagne vient se poser l’Europe qui pèse encore bien plus. La libération de la Catalogne par l’Europe est donc une illusion totale. Même si l’europe devait remplacer l’Espagne.
Cortez a joué sur les divisions pour conquérir l’Amérique Latine. Les Incas dominaient divers peuples qui se sont alliés à Cortez contre leur ennemi héréditaire. Mais, après que celui-ci fut vaincu, l’exploitation par l’Espagne fut bien plus terrible que celle des Incas.
C’est exactement la même chose pour l’Europe et la Catalogne, la Bretagne, la Corse, etc. Les indépendantistes de tous les pays d’Europe doivent non pas devenir européiste mais combattre l’impérialisme européiste et s’unir contre celui-ci.
Bien à vous,
do
http://mai68.org/spip2
petit détail: l’Union Européenne n’est pas seulement les états, mais aussi tous les partis, syndicats associations et autres lobbys qui participent aux groupes de travail, élaboration de directives, débats, etc.
Si l’UE ne va pas un peu dans le sens que vous voulez, c’est que vous n’y êtes pas. Donc soit vous mentez, soit vous jouez aux ignorants!
Les catalans l’ont bien compris, ils ont une superbe ambassade à Bruxelles. Ils investissent un max pour présenter leur point de vue et inviter qui le veut à débattre avec eux. Après tout, débattre, c’est bien la base de la démocratie, non?