Emmanuel Grégoire et l’Abbé Macron

L’Académie Française (Ismael Zniber Wikimedia Commons)

 

Emmanuel Macron a déclaré le 14 novembre devant l’Académie Française, qui lui remettait la neuvième édition de son dictionnaire : « Notre nation a été constituée par l’État et par la langue. La langue a été le creuset de l’unité du pays. D’abord de ses textes administratifs, des lois et des jugements prononcés. Elle a été la fabrique d’une nation qui sinon, s’échappait entre ses langues vernaculaires, ses patois ses différentes langues régionales, qui pour nombre d’entre elles existent encore mais étaient un instrument, au fond, de division de la nation ».

J’ai d’abord pensé, M.le président de la République, qu’il s’agissait d’un canular fabriqué par ce que l’on appelle aujourd’hui « l’intelligence artificielle ». Une vidéo bidouillée si vous préférez. Puis non c’est bien une déclaration authentique, produit de l’inintelligence. (1)

Cette déclaration en tant que président de la République devant l’Académie française, au cours de laquelle vous avez parlé de la langue française, semble être le produit d’une vision vieille de plus de 200 ans. On croyait avoir progressé depuis… mais non. Il est vrai que vous aviez déjà eu l’occasion de faire quelques sorties pittoresques sur le sujet depuis votre arrivée à l’Élysée.

J’ai cru, à vous écouter, entendre les condamnations à mort prononcées par l’Abbé Grégoire et par le député Barrère devant la Convention en 1794 ; ces deux là voulaient anéantir les «patois». Auraient-ils imaginé que leur propos auraient, deux siècles plus tard, un héraut (2) aussi prestigieux que vous ?

Barrère disait, en parlant de nos langues, qu’elles étaient des « jargons barbares » et aussi des « idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires ».

Grégoire avait, comme vous, réponse à tout à propos de sa volonté d’anéantir toutes les langues différentes du français (il ne parlait pas de langues mais de patois comme vous). Il disait : « Je crois avoir établi que l’unité de l’idiôme est une partie intégrante de la révolution ; et dès-lors plus on m’opposera de difficultés, plus on me prouvera la nécessité d’opposer des moyens pour les combattre » En clair plus on me dira que je pourrais avoir tort plus je penserai que j’ai raison. Voilà qui était une démonstration éclatante de tolérance. La faites-vous vôtre ? .

Barrère enfin enfonçait le clou et expliquait à propos de la suprématie de la langue française : « Il faut populariser la langue, il faut détruire cette aristocratie de langage qui semble établir une nation polie au milieu d’une nation barbare ». Il manquait un coup de marteau pour que le clou soit bien enfoncé… Vous avez su le donner.

Vous auriez pu terminer —afin de flatter cette Académie qui n’a jamais manqué de dénoncer les langues dites régionales comme un danger— qu’il serait bon de penser à faire du français « la langue universelle ». Barrère le disait ainsi. Vous auriez fait un tabac, et cela au dépens de langues que votre politique condamne chaque jour un peu plus. Allons ! Ce sera pour la prochaine fois ! Parce qu’il devrait y avoir une prochaine fois si je me fie à ce qui pourrait apparaitre comme une contradiction dans vos propos. Vous parlez de langues régionales qui « existent encore » et juste après vous dites qu’elles « étaient un instrument au fond de division de la nation ». Alors elles « existent encore » ou « elles étaient »?

C’est juste une question. Vous reste t-il du travail de destruction à faire ou en avez vous terminé ?

Si ça n’est pas terminé il faut s’attendre à de nouvelles déclarations de votre part ; ou peut-être une cérémonie pour fêter la mort de nos langues ?

(1) Selon le dictionnaire de l’Académie Française, voici deux définitions

Intelligence : Faculté de comprendre, de concevoir, de connaître, et notamment faculté de discerner ou d’établir des rapports entre des faits, des idées ou des formes pour parvenir à la connaissance.

Par métonymie. Connaissance approfondie, compréhension nette et facile qu’on a de quelque chose. Une parfaite intelligence d’un texte

Intintelligence :

Manque de clairvoyance, de jugement dans telle ou telle circonstance de la vie. Montrer une complète inintelligence des affaires, de ses intérêts, de la situation.

(2) Toujours selon le même dictionnaire : héraut, officier, civil ou militaire, chargé de porter des messages importants, de faire des proclamations solennelles et de remplir diverses fonctions dans des cérémonies, des fêtes publiques, des tournois.

Soutenez Enbata !

Indépendant, sans pub, en accès libre,
financé par ses lecteurs
Faites un don à Enbata.info
ou abonnez-vous au mensuel papier

Enbata.info est un webdomadaire d’actualité abertzale et progressiste, qui accompagne et complète la revue papier et mensuelle Enbata, plus axée sur la réflexion, le débat, l’approfondissement de certains sujets.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés par les dons de nos lectrices et lecteurs, et les abonnements au mensuel papier : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre.

« Les choses sans prix ont souvent une grande valeur » Mixel Berhocoirigoin
Cette aide est vitale. Grâce à votre soutien, nous continuerons à proposer les articles d'Enbata.Info en libre accès et gratuits, afin que des milliers de personnes puissent continuer à les lire chaque semaine, pour faire ainsi avancer la cause abertzale et l’ancrer dans une perspective résolument progressiste, ouverte et solidaire des autres peuples et territoires.

Chaque don a de l’importance, même si vous ne pouvez donner que quelques euros. Quel que soit son montant, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission.


Pour tout soutien de 50€/eusko ou plus, vous pourrez recevoir ou offrir un abonnement annuel d'Enbata à l'adresse postale indiquée. Milesker.

Si vous êtes imposable, votre don bénéficiera d’une déduction fiscale (un don de 50 euros / eusko ne vous en coûtera que 17).

Enbata sustengatu !

Independentea, publizitaterik gabekoa, sarbide irekia, bere irakurleek diruztatua
Enbata.Info-ri emaitza bat egin
edo harpidetu zaitezte hilabetekariari

Enbata.info aktualitate abertzale eta progresista aipatzen duen web astekaria da, hilabatero argitaratzen den paperezko Enbata-ren bertsioa segitzen eta osatzen duena, azken hau hausnarketara, eztabaidara eta zenbait gairen azterketa sakonera bideratuagoa delarik.

Garai gogorrak dira, eta badakigu denek ez dutela informazioa ordaintzeko ahalik. Baina irakurleen emaitzek eta paperezko hilabetekariaren harpidetzek finantzatzen gaituzte: ordaindu dezaketenen eskuzabaltasunaren menpe gaude.

«Preziorik gabeko gauzek, usu, balio handia dute» Mixel Berhocoirigoin
Laguntza hau ezinbestekoa zaigu. Zuen sustenguari esker, Enbata.Info artikuluak sarbide librean eta urririk eskaintzen segituko dugu, milaka lagunek astero irakurtzen segi dezaten, hola erronka abertzalea aitzinarazteko eta ikuspegi argiki aurrerakoi, ireki eta beste herri eta lurraldeekiko solidario batean ainguratuz.

Emaitza oro garrantzitsua da, nahiz eta euro/eusko guti batzuk eman. Zenbatekoa edozein heinekoa izanik ere, zure laguntza ezinbestekoa zaigu gure eginkizuna segitzeko.


50€/eusko edo gehiagoko edozein sustengurentzat, Enbataren urteko harpidetza lortzen edo eskaintzen ahalko duzu zehaztuko duzun posta helbidean. Milesker.

Zergapean bazira, zure emaitzak zerga beherapena ekarriko dizu (50 euro / eusko-ko emaitzak, 17 baizik ez zaizu gostako).

One thought on “Emmanuel Grégoire et l’Abbé Macron

  1. Bonjour Monsieur Grosclaude,
    Je ne trouve rien à redire à vos propos mais je pense que la destruction de la langue basque est en cours… par les Basques eux-mêmes ou du moins les Souletins.
    J’en veux pour preuve l’adressage c’est-à-dire la nomination de tous les chemins, routes… pour faciliter l’accès des secours, des livreurs…
    Je vous invite à faire un tour en Soule pour admirer les panneaux de signalisation. Il faut savoir que la consonne “r” n’est pas prononcée entre deux voyelles mais écrite. Le mot “iri” par exemple n’existe donc pas.
    Seulement, la grande majorité de nos élus bascophones n’ont pas appris à écrire en basque et le font donc en phonétique.
    Vous trouverez :
    – Chemin de Lascay/Laskaraiko bidea ;
    – Route de Beay/Berariko bidea ;
    – Ahetzia au lieu de Ahetziria… (nom de quartier en bordure de départementale).
    Ceci n’est pas une blague : le souletin parlé, c’est-à-dire le souletin-charabia, est devenu “officiel” à côté du français !
    Qui a autorisé ces absurdités ? Une ou des personnes qui ne voulaient pas faire de vagues ?
    Dans peu de temps, on parlera du Pays basque et de la Soule.
    A qui la faute ? Aux Souletins eux-mêmes.
    Marie-José Mujica

Comments are closed.