Les électrices et électeurs sont appelé-e-s aux urnes les 6 et 13 décembre prochains pour les élections régionales. Nouvelle région, compétences redéfinies, comment se présente ce scrutin ? Complexité d’un mode de scrutin peu lisible, nouvelle grande région Aquitaine qui a avalé Poitou-Charente et Limousin et fait 600 km du Sud au Nord, les conditions sont-elles réunies pour mobiliser les électeurs dans quelques semaines ?
Ces élections régionales auront forcément un caractère exceptionnel. Ce commentaire pourrait se rapporter au taux record d’abstention qui semble se dessiner mais il fait surtout référence au changement des périmètres régionaux. En effet, pour la première fois, la nouvelle carte des régions sera mise en oeuvre. Au total, de 22 régions métropolitaines, la France n’en comptera plus que 13.
Pour l’Aquitaine, la fusion avec Limousin et Poitou-Charentes est en train d’être finalisée. Ce grand ensemble régional sera de superficie égale à l’Autriche ou au Portugal et comportera presque 6 millions d’habitant-e-s, autrement dit autant que le Danemark !
Comme ces fusions de régions n’engendreront aucune suppression de postes d’élu-e-s, la Nouvelle Aquitaine (ce nom fait partie des propositions de dénomination) comportera 183 élu-e-s. En nombre de sièges, elle deviendrait donc la troisième région de France après l’Ile-de-France et l’Auvergne/Rhône-Alpes.
La loi prévoit que le nouveau conseil régional adopte, avant le 1er juillet 2016, une résolution unique dans laquelle il se prononce sur le nom définitif de la région, le chef-lieu, l’emplacement de l’hôtel de la région ainsi que les règles de détermination des lieux de réunion des différentes instances de la région.
Mais jacobinisme français oblige, c’est un décret en Conseil d’État qui validera, avant le 1er octobre 2016, les propositions du conseil régional issu des élections régionales de décembre prochain.
Pour les régions ainsi fusionnées, un nouveau chef-lieu de région sera donc décidé. Pour la région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine, l’Assemblée nationale a d’ores et déjà décidé que le chef-lieu serait Strasbourg.
Pour la Nouvelle Aquitaine, il ne fait aucun doute que ce sera Bordeaux qui a l’avantage de la centralité. Néanmoins pour consoler Limoges et Poitiers, ex-chefs-lieux de région, du déclassement qu’ils subissent, certaines directions de services régionaux seront décentralisées. Au moins dans un premier temps. On parle de la direction régionale de l’agriculture pour Limoges. Voilà qui fera sauter de joie les responsables d’Ehlg qui devront aller présenter leurs dossiers à 400 km d’Ainiza.
Les modalités du scrutin
Les conseillers régionaux sont élus au scrutin de liste (les candidatures individuelles ne sont pas acceptées), non pas sur une liste unique régionale mais des listes départementales. Chaque liste régionale est donc constituée de sections départementales. Il faut constituer une liste dans chaque département. Le législateur français n’est pas à un paradoxe près: la liste candidate est régionale mais chaque liste doit présenter une liste de candidat-e-s départementale pour laquelle les électeurs voteront dans chaque département. Manoeuvre supplémentaire pour justifier le maintien des départements. Autre paradoxe: pour la répartition des sièges, les résultats pris en compte sont les résultats obtenus à l’échelle de la région et non ceux de chaque département. Voilà bien une spécificité bien française qui sait compliquer à souhait un scrutin simple et le rendre incompréhensible à la plupart des citoyens.
Les listes doivent également respecter l’obligation de parité : chaque liste est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.
Le mode de scrutin pour les élections régionales est un scrutin proportionnel à deux tours avec prime majoritaire. Au premier tour, il n’y a répartition des sièges que dans l’hypothèse où une liste obtiendrait la majorité absolue (plus de la moitié des suffrages exprimés). Les sièges sont alors attribués à chaque liste en fonction du nombre de voix obtenues par chacune d’entre elles à l’échelon régional. La liste qui recueille la majorité absolue des suffrages exprimés obtient une prime majoritaire de 25% du nombre de sièges à pourvoir.
Les autres sièges sont attribués à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne, à toutes les listes qui ont obtenu au moins 5% des suffrages exprimés (y compris, bien sûr, la liste arrivée en tête et bénéficiant du bonus de 25%). C’est donc un mode de désignation mixte combinant le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel.
Comme pour les élections municipales dans les villes de plus de 1.000 habitants, le législateur a prévu cette disposition de bonification pour assurer la gouvernabilité de la région.
Si aucune liste n’obtient la majorité absolue au premier tour, il est procédé à un second tour de scrutin. Les listes doivent avoir obtenu au minimum 10% des exprimés au premier tour pour pouvoir concourir au second et 5% pour fusionner avec une autre liste qui elle peut se maintenir. Au soir du second tour, la majorité relative suffit: la liste arrivée en tête des suffrages remporte 25% des sièges à pourvoir, les trois quarts restants sont attribués à la proportionnelle entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5%au second tour (y compris, bien sûr, la liste arrivée en tête et bénéficiant du bonus de 25%).
Durée du mandat
Les conseillers régionaux sont élus pour six ans. Ils siègent au conseil régional. Le conseil régional est obligatoirement implanté dans le chef-lieu de région. Les conseillers régionaux composent le conseil régional, assemblée délibérante de la région. Le conseil régional règle les affaires de la région en assemblées plénières ou en commission permanente.
Les conseillers élisent un président du conseil régional et une commission permanente. Parmi les membres de la commission permanente, sont ensuite élus les vice-présidents du conseil régional. Le nombre de vice-présidents ne peut être supérieur à 30 % de l’effectif du conseil régional. Le président et les vice-présidents composent l’exécutif de la région.
Le président prépare et exécute les délibérations de l’assemblée régionale, gère le patrimoine, saisit le Conseil économique et social régional (CESR) et dirige l’administration régionale. Il préside aussi la commission permanente de l’assemblée régionale. La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), promulguée le 7 août 2015, redéfinit les principaux domaines d’intervention de la région que sont le développement économique, les lycées, la formation professionnelle et l’enseignement supérieur, l’aménagement du territoire et les transports.
Ces élections sont les dernières avant les élections présidentielles de 2017. Selon les hypothèses l’abstention pourrait dépasser le taux des dernières régionales (en 2010, 53% d’abstention). Si l’intérêt des électeurs n’est pas flagrant, c’est que la région est un échelon, certes, important, mais qui, malgré les réformes successives, ne gagne pas en compétence et perd même la clause de compétence générale.