Le 14 février, les Catalans ont élu leur parlement autonome. La situation sanitaire et le blocage politique qui perdure depuis trois ans déboucheront-ils enfin sur des négociations avec Madrid ?
Ces élections anticipées font suite au départ du président Quim Torra obligé de quitter le pouvoir par les tribunaux espagnols. Elles ont failli ne pas avoir lieu du fait de la pandémie qui sévit en Catalogne avec une acuité redoublée, près de 50 % des lits en soins intensifs sont occupés par les malades du Covid.
Le président catalan par intérim Pere Aragonés aurait préféré un report du vote à la fin mai. Encore aujourd’hui, une interrogation demeure quant à l’organisation des bureaux de vote : les défections des citoyens sont nombreuses, le 5 février plus de 25 % des 82.000 personnes sollicitées pour les organiser, ont déclaré forfait. Cela risque de retarder de quelques jours la proclamation des résultats. Présidents, assesseurs et scrutateurs des bureaux de vote seront revêtus de combinaisons intégrales durant toute la durée des opérations. Bonjour l’ambiance.
Le tribunal supérieur de justice se donne jusqu’au 8 février —six jours avant le scrutin— pour décider de le reporter ou pas à une date ultérieure. Cette dépendance à l’égard de Madrid a le don de raviver le ressentiment catalan à l’égard de son insupportable tutelle, « version judiciaire de l’article 155 », du nom de la clause qui dans la Constitution espagnole permet de suspendre le statut d’autonomie.
L’autre grande question qui sera tranchée au lendemain du 14 février est celle de la participation des électeurs. Les sondages prédisent une forte abstention. A quelle formation profitera-t-elle ? Le vote par correspondance s’annonce d’un poids inédit : 78.872 personnes avaient voté par ce moyen en 2017, le 5 février 2021, 270.392 électeurs avaient déjà envoyé leurs bulletins. La campagne électorale se déroule sans que le moindre meeting soit organisé. Cela a pour effet de changer les moyens de communication, de relation auprès des sympathisants de chaque parti, ainsi que l’ambiance générale de la consultation.
Tous contre Illa
Pour conduire leur liste, les socialistes ont envoyé en première ligne le ministre de la Santé, Salvador Illa. Celui-ci a donc démissionné de son poste gouvernemental en pleine pandémie, comme la ministre française de la Santé Agnés Buzyn, chargée au dernier moment par Macron de guerroyer pour conquérir Paris. Une comparaison peu élogieuse que les adversaires des socialistes n’ont pas manqué de souligner : « Salvador Illa a abandonné le navire et fait passer le parti avant le pays. L’élection lui importe davantage que les vies ».
Ce parachutage aura-t-il l’effet escompté ? Le leader traditionnel des socialistes catalans Miquel Iceta, en bon militant discipliné, laisse la place au nouveau chef de file. Pour l’aider à avaler la couleuvre, Pedro Sanchez le nomme ministre de la Politique territoriale. Ce jeu de chaises musicales laisse un goût acre dans la gorge. Qu’en penseront les électeurs le 14 février? La candidature surprise d’un leader socialiste focalise les critiques de l’opposition unanime : « Tous contre Illa !».
Carles Puigdemont, patron d’une des trois formations indépendantistes, Junts per Cat (JxC), demeure exilé en Belgique, il ne peut donc physiquement faire campagne. Il est toutefois candidat dans la circonscription de Barcelone. Laura Borràs occupe le poste de présidentiable à la tête de JxC et conduit vaillamment ses troupes. Mais la nouveauté principale de ce scrutin est la sortie de prison des neuf leaders politiques indépendantistes incarcérés pour sédition et malversation de fonds publics. Ils obtiennent par miracle le 29 janvier une liberté conditionnelle qui leur avait été refusée il y a quelques semaines par la Cour suprême. Les mystères des juridictions et des lois espagnoles sont aussi épais et incompréhensibles que les « saints Mystères » de la foi catholique. Mais n’ergotons pas, le 29 janvier, ils ont tous quitté la prison de Lledoners et goûtent l’air frais de la liberté, en participant activement à la campagne électorale de leurs formations respectives.
Que faire après le 14
Les spéculations vont bon train quant au résultat final et surtout à propos du scénario d’alliances politiques nécessaires pour gouverner la pays. Selon les sondages, les indépendantistes devraient conserver la majorité absolue, mais cela n’est possible qu’avec l’appui de la petite formation souverainiste de gauche très radicale CUP qui, en principe, refuse toute alliance. Dans les sondages, trois formations sont au coude à coude, avec chacune autour ou un peu moins de 30 % de voix : ERC souvent en tête, le PSOE catalan et enfin Junts per Cat. La version catalane de Podemos, En Comù Podem, dirigée par la maire de Barcelone Ada Colau, compte bien jouer les arbitres. Nous l’évoquions plus haut, le taux d’abstention et la tournure de la pandémie, rendent les prédictions de résultat bien aléatoires.
Qu’en est-il des programmes ? ERC et Junts per Cat s’opposent sur les modalités de la mise en œuvre de la revendication indépendantiste, en d’autres termes la «modulation de l’unilatéralité », c’est-à-dire de la déclaration unilatérale d’indépendance. Si plus de 50 % des électeurs se prononcent le 14 février en faveur des formations indépendantistes, Junts per Cat veut mettre en œuvre la déclaration votée en 2017, tout en activant le Conseil de la république qui siège en Belgique, présidé par Carles Puigdemont. La résistance et la désobéissance institutionnelles viendront conforter la démarche et contrer démocratiquement et pacifiquement les interventions négatives de l’État.
Risque de « conflit gelé »
ERC se montre le plus enclin au dialogue avec le gouvernement socialiste qu’il qualifie cependant d’État autoritaire peu ouvert à la démocratie. Les Républicains n’excluent pas l’usage de la désobéissance civile et la mise en œuvre d’une démarche unilatérale, si une majorité des forces politiques l’approuvent. En Comù Podem défend le droit à l’autodétermination et souhaite une réforme de la Constitution pour garantir les compétences de l’autonomie et reconnaître la Catalogne en tant que nation. Pour le «parti frère» de Podemos, la Catalogne doit disposer d’une Constitution propre.
A l’inverse, les socialistes ne proposent qu’une décentralisation assortie du transfert à Barcelone du siège de certaines institutions de l’État, ainsi que du sénat espagnol. Selon Jéssica Albiach, chef de file d’En Comù Podem, le PSOE refuse d’accorder une grâce aux dix dirigeants catalans condamnés parce qu’il espère ainsi récupérer les voix des électeurs de Ciudadanos farouchement anti-abertzales.
Le risque le plus grand serait qu’au matin du 15 février, la Catalogne ne dispose pas d’une majorité suffisante et stable pour gouverner le pays, assez légitime pour négocier avec Madrid une porte de sortie à la crise historique. Si le gouvernement espagnol veut bien négocier. On ne peut pas dire qu’il ait montré à ce jour un grand empressement en ce sens. Il joue la carte de l’enlisement, du pourrissement du conflit. L’enjeu du 14 février est pourtant de sortir de l’immobilisme actuel, du statu quo, d’éviter que la Catalogne ne devienne un « conflit gelé », comme cela arrive dans d’autres pays confrontés à des guerres classiques. « Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse un jour par venir à bout », disait Henri Queuille, président du conseil français sous la IIIe république. Gageons qu’une telle option figure aussi sur le bureau de Pedro Sanchez.
NDLR : Suite aux résultats des élections du 14/2 (voir ci-dessous le bilan publié sur Berria.eus) un nouvel article suivra durant la semaine.
La lutte des Catalans contre les expulsions de logements remise en cause par les juges espagnols
La Catalogne brille par les mesures sociales prises par la majorité indépendantiste secondée par Podemos.
L’une d’entre elles veut protéger les personnes les plus défavorisées qui, du fait de la crise économique, de la pandémie et du chômage, se font expulser de leur logement manu militari, parce qu’elles ne parviennent plus à payer le loyer à leur propriétaire.
Le 5 février, le Tribunal constitutionnel espagnol a mis le holà à un décret-loi pris contre les expulsions de locataires, récemment adopté par le parlement catalan. Pour la haute cour, cette mesure de coercition imposée aux propriétaires va à l’encontre du droit de propriété qui est un droit fondamental inscrit dans le titre premier de la Constitution. Les juges avaient été saisis par les députés PP.
On attend la suite. Un autre article du décret-loi catalan porte sur la limitation des prix de location des logements. Leur augmentation exponentielle en raison, entre autres, des locations de type Airbnb chasse les habitants et les commerces traditionnels des centre-villes. Là encore, le Parti populaire a présenté un recours. D’ici huit mois à un ans, le Tribunal Constitutionnel dira si ce second texte limite ce droit sacré de la propriété et viole la loi fondamentale.
Nahiko baikorrak atzeman ditut Kataluniako hauteskundeen emaitzak. Independistek gehiengoa badute, euren artean pentsakera desberdin asko izan arren; horrek erakusten du Kataluniako abertzaletasuna oldar totalitario bat ez dela, espainiolistek sinesti arazi nahi duten bezala. Naski parte hartzea ez da osoa izan, eta nik neuk izurritea dela eta nahiagoko nuen ekainan egitea. Baina parte hartzea %50 baino gehiago izan denez gero, pentzatsen dut nahiko ordezkagarria dela. Orain ulertzen dugu zergatik 2017 ko irailaren lehengoan espainiolek erreferenduma indarrez debekatu eta oztopatu zuten: gehiengo independistari beldur zioten; demokaziari eta herrien eskubideari uko egin nahi zioten. Beste puntu baikor bat ere Cs eta PP bazterreko alderdiak bihurtu dira. Lanjerra VOX barnean dago.