L’actualité agricole que nous connaissons depuis plusieurs semaines se caractérise par une grosse manipulation ! Je pèse mes mots, et j’affirme de suite que je ne suis pas dans la critique des paysans qui manifestent. La douleur et le désespoir sont bien réels dans les campagnes, même si ce n’est pas la situation de tous ceux qui descendent dans la rue, car, il faut le dire aussi : les disparités en agriculture sont scandaleuses, ce qui rend la crise encore plus insupportable!
Mais ici, je veux simplement, mais vigoureusement, dénoncer le fait que les principaux animateurs des manifestations de cet été sont les instigateurs des mécanismes qui nous ont entrainés dans la situation actuelle. Le mal est profond, il est dans la structure même du processus de production agricole.
Il mérite un débat de fond qui exclut tout double discours entre les positions défendues auprès des pouvoirs publics et celles assumées publiquement. Il n’est pas possible de revendiquer du matin au soir et tous les jours, davantage de libéralisme et de compétitivité, puis, avec le même aplomb, d’exiger des soutiens publics pour faire face aux conséquences entraînées par ce qui a été revendiqué et obtenu.
La responsabilité de la FNSEA
La FNSEA et ses satellites ont une grande responsabilité dans la situation actuelle. Leurs mots d’ordre se rejoignent dans une trinité infernale : plus de compétitivité, c’est-à-dire plus de capacité à vendre moins cher que les concurrents, ce qui suppose des prix inférieurs aux coûts de production, des charges externalisées et payées par d’autres, et l’injection permanente de nouvelles aides dans la chaîne de production ; plus d’exportations, c’est-à-dire une part croissante de la production vendue sur les marchés mondiaux qui ne représentent que 7% de la production mondiale globale, et qui, sauf exception, sont constitués par des prix de braderie ; plus de “modernisation et d’innovation” qui, sous l’apparence d’une sonorité positive, représente toujours plus d’investissements insupportables, plus d’industrialisation et d’artificialisation de l’agriculture, plus de déshumanisation et de perte d’emplois, plus d’élimination des petites fermes qui pourtant, de nombreuses études le démontrent, sont les plus efficaces en emplois, en biodiversité, en paysage, en valeur ajoutée.
L’une des situations dénoncées dans les récentes manifestations a été la baisse du prix du lait, suite à la suppression des quotas qui régulaient la production. Mais, quel était le discours de la FNSEA lorsque les quotas étaient en place ? J’ai siégé durant quatre ans à leur côté au Conseil de Direction de l’Office National du lait (ONILAIT). Combien de fois ne sont-ils pas intervenus pour déplorer que la France ne puisse exporter davantage, à cause de la limitation de la production par les quotas ? Combien de fois n’ont-ils pas déploré que tout ceci entravait la compétitivité de la filière laitière ? Combien de fois ne leur ai-je pas dit que leur discours préparait le terrain à la sortie des quotas ? De même, pour la production porcine, les a-t-on entendus une seule fois revendiquer une maîtrise de la production qui pourrait stabiliser le prix de la viande porcine?
Non ! Ils revendiquent moins de contraintes et plus de souplesse dans l’agrandissement des ateliers de production pour être plus compétitifs que les Allemands ou les Espagnols…
Jamais les bonnes questions
La filière porcine est le bout du bout de l’agriculture libérale et elle représente le bout du bout de l’impasse agricole ! La FNSEA et leur section Jeunes Agriculteurs occupent le terrain agricole en ne posant jamais les bonnes questions. Elles n’ont jamais un mot sur une répartition plus équitable des aides et des productions, jamais un mot sur la limitation des tailles d’ateliers ou sur les fermes usine… Toujours les mêmes pseudos boucs émissaires, les contraintes administratives ou environnementales, présentées comme responsable de tous les maux… Toujours la contradiction absolue qui consiste à demander plus de soutien aux exportations et plus de protection aux importations… Toujours la contradiction entre les discours démagogiques qualifiant notre agriculture de “compétitive”, “performante”, “moderne”, “innovante”, et la réalité de cette agriculture qui se met en éruption tous les six mois et qui perd le quart de ses emplois paysans tous les dix ans.
La FNSEA demande au président de la République un plan de trois milliards d’euros pour “des mesures de court terme” : allégement des charges sociales et fiscales, et mise en place d’un plan de désendettement, et pour “des mesures structurelles à moyen terme” : soutien à l’investissement et à l’allégement des normes !
Autrement dit : aide au désendettement pour le court terme, et aide à l’endettement pour le moyen terme ! Ainsi, l’agrandissement des tailles d’ateliers et l’accaparement des productions sont financés par les fonds publics. Voilà l’efficacité économique et sociale de l’agriculture industrielle qui est un véritable puits sans fonds, et qui n’est plus capable de payer ses charges sociales ou fiscales !
L’essentiel des problèmes de l’agriculture vient du fait qu’elle s’enlise dans le libéralisme et l’industrialisation ; plutôt que de changer de cap (maîtrise et répartition des productions, soutien à la qualité, relocalisation des filières, etc.), le traitement administré consiste à aller encore plus loin dans le libéralisme et d’industrialisation…
Soyons toujours plus nombreux à quitter ce navire, pour construire une autre agriculture.
Bravo Michel!
Magnifique article, clair et précis; je me fais un plaisir de le relayer…..
Excellent article, clair, net et précis
Biba zu Mixel. Je vais envoyer ton article à ceux d’alternatiba et particulièrement à ceux du CCFD. Merci pour ton intervention hélas trop courte à Alternatiba! Nous sommes très contents; nous avons eu 35.000 personnes.Agur bero bat. Gaby
superbe analyse
je me désespérais de donner une très maigre contribution à EHLG, je suis contente de voir que votre position reste ferme, l’attitude des ouvriers de la Terre me révolte trop souvent, même si je comprends leur angoisse, ils prennent, comme vous le pensez, le problème à l’envers et à très court terme.Croissance productiviste dépassée, dangereuse pour, non seulement et malheureusement l’homme , mais la Planète. La notion planétaire est bien loin, malgré l’urgence, d’être un réflexe. FL.
je me désespérais de donner une très maigre contribution à EHLG, je suis contente de voir que votre position reste ferme, l’attitude des ouvriers de la Terre me révolte trop souvent, même, si je comprends leur angoisse, ils prennent, comme vous le pensez, le problème à l’envers et à très court terme.Croissance productiviste dépassée, dangereuse pour, non seulement et malheureusement l’homme , mais la Planète. La notion planétaire est bien loin, malgré l’urgence, d’être un réflexe. FL.