L’Édito du mensuel Enbata
Depuis les lois de décentralisation, l’échelon communal est devenu maître de ses règles d’urbanisme et de construction jusqu’alors dévolues au préfet. C’est le maire qui accorde les permis de construire. C’est dire l’incohérence du développement de l’ensemble d’Iparralde malgré la mise en place des SCOT intercommunaux par bassins de vie qui étaient trop souvent, par l’entre-soi des élus, les chambres d’enregistrement des plans d’urbanisme élaborés séparément par chaque commune. On ne peut que se féliciter que désormais, la Communauté Pays Basque soit l’unité de décision et de prospective de nos 158 communes. La réflexion déjà amorcée lors du dernier mandat communautaire est aujourd’hui à finaliser avec 55% de nouveaux délégués qui y apporteront une vision encore mieux adaptée à un Pays Basque depuis peu installé dans une gestion globalisée.
Ce numéro d’Enbata s’inscrit largement dans cette nouvelle donne que Peio Etcheverry-Ainchart nomme “La mère des batailles” car elle modifiera en profondeur nos relations sociales, ses équilibres sur le territoire, tout comme elle influencera notre démographie. De ce point de vue, le déficit est colossal car il nous faudra prendre en compte le quasi-retournement de notre population en un peu plus d’un demi-siècle. “Le Pays Basque n’est pas à vendre” est le slogan constant de toutes les sensibilités abertzale dès leur naissance organisée en 1963. Au recensement de 1954, Iparralde comptait 194.184 habitants. Il en compte aujourd’hui 315.000, c’est-à-dire 120.000 habitants supplémentaires. Lorsque l’on sait que le solde naturel, c’est-à-dire l’excédent des naissances sur les décès, est négatif au Pays Basque depuis 1975, cela veut dire que cette augmentation de population vient de l’extérieur. Cette progression de la population extérieure s’est accélérée de 1 à 2% par an malgré environ 7.000 habitants qui en partent. Bien que notre pays séduise des retraités, c’est essentiellement la tranche 25 – 39 ans qui constitue 33% des arrivées, attirées par notre dynamique économique. Il nous faut donc construire à la fois pour nos jeunes désirant une autonomie de vie et fonder une famille, mais aussi pour ce flux constant d’arrivants de l’extérieur. On comprend dès lors le stock permanent des demandeurs de logement auprès de nos mairies et organismes de constructions sociales. A cela s’ajoute le phénomène des résidences secondaires.
Si les résidences de villégiature de l’aristocratie européenne apparaissent à Biarritz au Second Empire, le phénomène s’est accéléré et “démocratisé”, pour devenir exponentiel depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale avec l’augmentation du niveau de vie. La résidence secondaire et la voiture, devenues un signe extérieur de richesse, modèlent la vie de la classe moyenne. Ce fut d’abord la vente à la découpe des anciens hôtels devenus peu rentables, puis par la construction de pavillons de tous ordres disséminés au gré des opportunités foncières. De marginale, cette population alternative est devenue une part considérable dans notre déséquilibre urbain au point de masquer le manque de logements. Comment expliquer qu’il faut construire pour nous loger, alors que pour 15.000 habitants, Saint-Jean-de-Luz compte 15.000 logements et qu’à Biarritz il y a 25.000 logements pour 25.000 habitants? Oui, mais avec 45% de résidences secondaires!
Nous entrons aujourd’hui dans la phase déterminante de l’élaboration du Programme Local de l’Habitat (PLH) d’Iparralde, document de 300 pages, adressé par la Communauté Pays Basque aux 158 communes de nos trois provinces. Elles ont désormais deux mois, pour émettre un avis, voire un amendement, ou demander un délai supplémentaire de réflexion. Faute de quoi, ce texte sera réputé adopté, devant être finalisé pour l’été à l’Agglo. Voilà bien une opportunité à saisir pour les abertzale et leurs élus qui, depuis des décennies, s’impliquent sur ce thème essentiel. Leur influence s’est élargie au sein même de la Communauté d’agglomération et dans la gestion de nos communes. Ils y sont mieux armés que les autres puisque partis les premiers. L’aménagement du territoire est un art partagé. Mais ici, pour nous, c’est de la construction de notre pays dans le respect de ses valeurs civilisationnelles dont il s’agit.
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Le monde de la pelote a rendu hommage à François Unhassobiscay, brillant pilotari de joko garbi et rebot, qui nous a quittés le 20 janvier à l’âge de 92 ans. Enbata retiendra de cet Uztariztar le souvenir d’un ami fidèle, d’un abertzale intransigeant qui participa à la petite délégation venue d’Iparralde assister, le 15 février 1990, au Parlement de Gasteiz, au vote historique d’autodétermination du Pays Basque par 38 voix pour, 23 contre et une abstention. Nous vivions alors un dramatique retour à l’indépendance des pays baltes, que les Soviétiques avaient annexés en 1940, qui avait réveillé d’autres irrédentismes en Europe.
De tout temps à jamais, se loger au Pays Basque a été un problème. Je suis native d’Anglet, fille de docker…Etant jeunes, nous louions des logements pendant l’année scolaires et nous étions mis dehors l’été venu. A l’époque, avec mon ami nous plantions une tente sur la falaise vers la Milady. Certains soirs de tempête, la tente prenait l’eau mais au-moins, à cette époque, je parle dans les années 70/80, il était encore possible de planter une tente sauvage!!! Pour moi, il n’a jamais été possible de trouver un logement pérenne, trop cher pour le citoyen landa!!!