Le grand truc de ces dernières années, en matière d’urbanisme, nous dit Peio Etcheverry-Ainchart, ce sont les éco-quartiers. Avec la grande mode du développement durable mise à toutes les sauces, il était normal que l’habitat soit lui aussi concerné par ces nouveaux et si nécessaires soucis écologiques. D’ailleurs, l’emphase avec laquelle les projets d’éco-quartier sont inaugurés reflète à elle seule l’engouement du moment.
Quelques années ou quelques mois seulement après leur érection, un premier bilan peut être tiré des deux principales réalisations locales: Alturan à Saint-Jean-de-Luz et Le Plantoun à Bayonne. Le premier vient de donner lieu à une initiative novatrice de la part du groupe municipal abertzale local, Herri Berri. Sur la base d’un court questionnaire proposé à une douzaine de riverains du quartier, balayant les principales thématiques contenues dans le concept de développement durable, un débat public a été mené sur facebook de janvier à avril dernier, ponctué d’une soirée-tchat et achevé à la mi-juin par une réunion publique dans le quartier. De quoi recueillir l’avis des gens et tenter de tirer des leçons –dans le bon à reproduire comme dans le mauvais à corriger– en vue de projets urbanistiques futurs. Quant au second, il n’a pas eu à attendre que l’on cherche à en faire un bilan, puisque ce sont des procédures judiciaires qui se sont carrément enclenchées en réponse d’abord aux plaintes de certains de ses habitants pour de nombreuses malfaçons, puis à la récente occupation de l’une des maisons laissée vide en attente des conclusions de l’expertise.
Le problème, à la fois à Saint-Jean-de-Luz et à Bayonne? L’inadéquation entre, d’une part, les excellentes intentions de la maîtrise d’ouvrage et, d’autre part, les multiples défaillances de certains maîtres d’œuvre. Certes, de l’avis même des habitants de ces quartiers, tout n’est pas à jeter, loin de là. A Bayonne comme à Saint-Jean-de-Luz, les choix architecturaux ont particulièrement créé la polémique: des “cages à lapin” appelées à mal vieillir pour le hameau du Plantoun, des “cubes qui ressemblent à Marrakech” pour Alturan… Mais force est de constater, si l’on veut y regarder objectivement, qu’il a fallu une audace méritoire pour chercher à s’affranchir des éternels pastiches de maisons traditionnelles basques, et surtout que les premiers intéressés s’en accommodent finalement très bien.
Dans l’écolo que ça pêche
Comme en toute chose, il y a donc du bon et du moins bon. Mais là où le bât blesse le plus –et ce n’est pas le moindre des paradoxes– c’est dans le volet écologique de ces réalisations. Au Plantoun, de multiples malfaçons rendent les logement très mal isolés, étouffants en été et nécessitant en hiver le recours aux radiateurs… électriques. Ne demandez pas comment fonctionnent les panneaux solaires, ils n’ont pas été prévus. A Alturan, c’est presque pire puisqu’il y a bien des panneaux solaires, mais ils ne fonctionnent pas, comme s’ils étaient là pour la décoration. Là encore, de nombreuses malfaçons dans les bâtiments collectifs rendent les habitants excédés. Quant à la gestion des déplacements et du stationnement, dans les deux quartiers, ils sont vécus comme un échec.
Mais tout cela n’est pas le pire. Le courroux des habitants vient de leur sentiment d’abandon lorsqu’ils réclament le légitime suivi de la construction par les opérateurs sociaux, voire par la Ville. À Alturan, pétitions, création d’un comité de quartier, les éléments d’un bras de fer se mettent petit à petit en place. Au Plantoun, une riveraine est allée jusqu’à accrocher un drap sur le mur de sa maison, souhaitant la bienvenue dans les “favelas de Bayonne”. Sans parler de l’expertise en cours et du squatt, réponse citoyenne à une vacance appelée encore une fois à traîner du fait des lenteurs de l’administration.
“Le résultat final plus que mitigé et surtout la colère des habitants,
laissent penser qu’à l’image des premiers programmes de logements sociaux
d’il y a plusieurs décennies, construits avec la même bonne volonté
mais mécaniquement et au rabais,
ces premiers éco-quartiers cherchent aussi à répondre aux besoins de leur époque,
mais pêchent par le fait qu’on ne sait pas encore bien les faire,
ou qu’au moins on ne sait visiblement pas s’assurer
que les entrepreneurs respectent bien le cahier des charges.”
Des plâtres à essuyer
L’impression que tout cela donne est double. D’un côté, il est évident que les villes de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz ont fait preuve de bonne volonté au moment de penser l’organisation de ces nouveaux quartiers sociaux. Sans conteste, elles ont souhaité créer du bien vivre en proposant ainsi ces modèles de “cabanes dans les arbres” ou de maisons aux lignes épurées, le tout dans un esprit voulu écologique.
Mais de l’autre côté, le résultat final plus que mitigé et surtout la colère des habitants, laissent penser qu’à l’image des premiers programmes de logements sociaux d’il y a plusieurs décennies, construits avec la même bonne volonté mais mécaniquement et au rabais, ces premiers éco-quartiers cherchent aussi à répondre aux besoins de leur époque, mais pêchent par le fait qu’on ne sait pas encore bien les faire, ou qu’au moins on ne sait visiblement pas s’assurer que les entrepreneurs respectent bien le cahier des charges. On progressera dans quelques années, c’est à espérer, mais le fait est que les habitants actuels ont l’impression d’essuyer les plâtres. Au moins leur doit-on l’attention et le suivi qu’ils sont en droit d’attendre de projets de surcroît publics, et qui sont en outre censés montrer le chemin vers un urbanisme responsable.