Un demi siècle déjà, si chargé de conflits, événements, luttes, propositions, recherches, revendications et travaux. Je n’en ferai pas le bilan dans cette courte tribune. Il en sera peut-être question dans la cérémonie prévue à Itxassou la veille de l’Aberri Eguna, mais n’anticipons pas. Pour nous, jeunes gens des années 1960, il ne s’agit pas de sombrer dans l’esprit « anciens combattants », ce serait mourir avant l’heure.
Le lundi de Pâques 15 avril 1963, premier Aberri Eguna public en Pays Basque d’Aquitaine, organisé par l’équipe du mensuel Enbata né à la fin de 1960. A cette occasion était lancé le premier mouvement abertzale organisé d’Euskadi nord. J’insiste bien sur les termes mouvement, abertzale, organisé.Avant nous il y avait de brillantes individualités abertzale. Je l’ai rappelé à diverses reprises, ici-même et dans d’autres publications, les textes en témoignent. Mais d’organisation, je n’en vois pas : Aintzina, formé d’abertzale, avait dû se borner au régionalisme dans le contexte empoisonné de la guerre d’Espagne. C’est clair. Au diable donc la vaine polémique. La vie continue, il nous faut persévérer dans le marathon de la cause basque suivant nos moyens de vétérans, qui ne sont évidemment pas ceux des jeunes et des adultes dans la force de l’âge.
A quarante ans déjà, nos façons de militer n’étaient plus celles de nos débuts, et les nouveaux militants de vingt ou trente nous traitaient de «bourgeois» parce que nous avions bâti un emploi convenable, une famille, une maison : les manifestations de rue n’étaient plus notre souci principal, nous étions plus utiles dans des lieux moins visibles. A leur tour les ardents néophytes sont devenus des quadras, avec emploi correct, famille et maison, puis des grands-parents et des retraités. Il en va ainsi de génération en génération. La jeunesse n’est pas une classe sociale, mais un moment furtif dans la vie de chaque personne. On gagnerait beaucoup à l’apprendre assez tôt.
Que de disputes à la recherche de l’idéologie supposée scientifique, de la stratégie parfaite, de la tactique infaillible ! Le tout pour en revenir dans les années 2000 aux fondamentaux de 1963…Quarante ans pour rien que çà ! N’aurait-on pu abréger l’interminable traversée du désert ? Mais soyons justes : ces fondamentaux ont été approfondis, enrichis et surtout étendus largement au delà du monde abertzale, lui-même en expansion. Une énorme somme de travail a été accumulée par les abertzale de toutes mouvances et par d’autres basquisants, dans les divers secteurs d’activité. Le projet abertzale n’est plus «le canular du siècle» comme disaient les dirigeants de la police en 1963. Le mouvement a muté, il s’est enraciné, diversifié, ramifié, à l’image de la société basque : il est incontournable.
Chacun(e) de nous, à sa façon, n’a jamais cessé de militer pour la cause de la nation basque. Nous comptons bien persévérer tant que nous serons capables de faire un effort. Ce n’est pas le travail qui manque dans la construction nationale en cours, il y en a pour tous les âges et pour tous les goûts, dans les différents domaines : agriculture, artisanat, industrie, services, maîtrise du sol, aménagement, logement, syndicalisme, écologie, langue, culture, enseignement, action municipale et politique, défense des prisonniers, construction de la paix, relations avec les autres mouvements et nations sans Etat, etc. Ce vaste chantier ne connaît ni chômage, ni retraite forcée. Voilà au moins une bonne nouvelle.
Finalement, la seule question valable qui se pose à chacun(e) de nous me semble être celle de Lénine (bien que je persiste à ne pas être globalement léniniste) : « Que faire ? » Oui, que dois-je faire là où je suis, avec les moyens dont je dispose ?
Chacun(e) de nous, à sa façon, n’a jamais cessé de militer pour la cause basque.
Nous comptons bien persévérer tant que nous serons capables de faire un effort.
Ce n’est pas le travail qui manque dans la construction nationale en cours,
il y en a pour tous les âges et pour tous les goûts.