La multiplication des grands ensembles commerciaux dans notre bassin de vie pose question. Jusqu’où ira-t-on dans l’extension des galeries existantes ou l’implantation de nouveaux ensembles, avec comme corollaire une concentration accrue de la distribution dans les mains de quelques enseignes monopolistiques? Je m’interroge sur les effets de cette tendance lourde sur le petit commerce de détail.
Cher lecteur, je vais me risquer à aborder un thème que je ne maîtrise pas complètement. Par nature, ce métier est complexe et pris entre des contraintes importantes. On peut évoquer les principales caractéristiques de ces contraintes. Le toujours plus, la massification, la course au plus gros, est la tendance lourde de notre époque: dans la tenaille de la marge à réaliser sur la différence de la vente par rapport à l’achat, plus on est gros, plus on achète à bas prix, plus on demande des remises, des marges arrières et plus tard on paye le fournisseur, plus on peut vendre dans de bonnes conditions de prix, de fraîcheur et plus on amortit les infrastructures (parking, animations, administration, etc.).
Les premiers aménagements du BAB dans les commerces alimentaires des années 70/80 ont eu des conséquences néfastes pour les petites épiceries de Bayonne. Il reste que très peu de bouchers sur Bayonne, dès lors que, même s’il manque 4.500 bouchers dans l’Hexagone, il y a fort à parier que 90% sont destinés à être salariés dans des grandes surfaces.
Ce phénomène est apparu plus tard dans l’intérieur d’Iparralde, avec des conséquences profondes sur la vie sociale des villages, allant de pair avec les difficultés des autres commerces et de la restauration.
L’Hexagone, champion de la concentration
L’Hexagone est passé maître au niveau mondial dans le mouvement de concentration. Les premiers supermarchés se sont transformés en hypermarchés, puis en galerie marchande ou le métier de commerce s’est profitablement transformé en aménageur foncier et loueur d’espace de vente.
C’est aussi ainsi que sont apparus des phénomènes liés à cela : diminution du nombre de commerces indépendants au profit des chaînes de franchisés ou de réseaux spécialisés (type super marché de sport, d’ameublement, par exemple, téléphonie, achat voyage/vacances, etc.). 4
En second lieu, un changement profond s’est instauré dans les habitudes de la clientèle, notamment dans le temps consacré aux achats, les accès et les lieux de vie, l’utilisation d’Internet.
Traditionnellement les centres ville se vident: 6% des surfaces de commerce de centre ville étaient inoccupés il y a 15 ans, 10% de nos jours. L’achat de nécessité devient un achat lié au tourisme de la personne qui flâne dans la ville (bien que certains inoccupés aiment aussi flâner dans les galeries marchandes, paraît-il).
Le client a moins le temps (rôle d’Internet) et souhaite pour un achat technique avoir tout l’éventail de ce qui se fait (sport, ameublement, bureautique, cuisine, etc.) et cette multiplication de choix demande de l’espace et des accès faciles (parking, voies d’accès).
La multiplication de ces grands complexes est une manne considérable pour les municipalités qui les accueillent au travers des impôts locaux et des taxes.
Ce n’est pas un hasard si les municipalités de Bayonne et Saint-Pierre- d’Irube ont accueilli très favorablement Ikea. Sur ce point précis, le projet initial était, paraît-il, conditionné par une limitation de la galerie marchande et du commerce alimentaire joint, mais la direction d’Ikea aurait imposé ses conditions, notamment la possibilité d’accroître ses marges et chiffres sur l’activité location/ aménagement.
Plus de facilités aux petits commerces
Dans le même temps, certaines contraintes annexes participent aussi de la fragilité du petit/indépendant devant le gros/franchisé. Ses coûts annexes sont alourdis par des réglementations tatillonnes, les horaires, les besoins logistiques, etc.
Le dédale juridique sur les horaires de travail (passage de 39 à 35 heures), l’ouverture du commerce entre midi et 14h ou les dépassements après 19h (souplesse horaire) ne facilitent pas non plus la vie du petit commerçant.
Territorialement parlant, en Iparralde, la nécessité de coller à l’affluence des clients le week-end, avec l’effet RTT sur les occupants des résidences secondaires, ou la gestion de l’affluence estivale sont des contraintes supplémentaires. La météo joue aussi son rôle: les jours de pluie Bayonne travaille davantage: musée, cinés, restaus, courses …
Tout cela plaide pour la nécessité d’une plus grande facilité du commerce de deuxième catégorie (taille de l’entreprise justifiant des accords de modulation, salariés plus nombreux donc plus adaptables sur des plages d’ouverture chevauchantes, etc). A titre anecdotique, les livraisons ou évacuations (par exemple la collecte des déchets banals ou à recycler) dans les rues de centre ville peuvent s’avérer délicates, en raison des horaires d’accès limités tôt le matin ou tard le soir.
Je reviendrai dans ma prochaine chronique sur la prise de conscience de certaines municipalités et les mesures mises en place pour lutter contre le dépérissement du petit commerce.